Ignazio Cassis: «Nous savons qu’il n’y aura pas de renégociations»
«Rien n’est gratuit. Le statu quo n’est plus une option, ce sera oui ou non». Ainsi s’est exprimé le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis aux Journées de la démocratie d’Aarau sur la situation de la Suisse face à l’accord institutionnel avec l’UE. Il s’en explique en interview avec swissinfo.ch.
Sobre et claire: telle a été la présentation faite par Ignazio Cassis de la situation de la Suisse face à l’accord cadre jeudi soir dans une salle comble de la Maison de la culture et des congrès d’Aarau.
Le fameux traité restera LA patate chaude de la politique suisse, au moins jusqu’à la votation populaire. Et selon le ministre des Affaires étrangères, celle-ci n’aura pas lieu avant 2021, «mais seulement dans le scénario le plus favorable».
«C’est presque comme avec la Bible: personne n’a vraiment lu le contenu de l’accord cadre institutionnel», a encore dit le conseiller fédéral lors de la manifestation organisée par le Centre pour la démocratie d’Aarau (ZDALien externe).
swissinfo.ch: Les signaux en provenance de Bruxelles sont clairs: plus de renégociations sur l’accord cadre, et on ne joue plus les prolongations. Est-ce que la Suisse est dos au mur?
Ignazio Cassis: Bien sûr que nous sommes sous pression. Sans pour autant nous laisser prendre à un chantage. Nous sommes en dialogue. Mais dans une démocratie directe, il ne sert à rien de courir si nous ne sommes pas prêts à le faire. Chaque décision a sa dimension temporelle. Tôt ou tard, l’UE l’acceptera.
Au terme des consultations en cours, nous resterons en dialogue avec la Commission européenne. Je suis convaincu que nous pourrons rediscuter de nombreux points qui apparaissent maintenant comme litigieux dans la consultation. Ceci non pas dans le sens d’une renégociation – nous savons qu’il n’y en aura plus. Mais il y a encore la possibilité d’apporter des corrections, des compléments ou des précisions sur le terrain politique. C’est précisément la voie que nous devons suivre.
Cette semaine, vous avez reçu un coup de pouce du Parlement: la commission de politique extérieure du Conseil national a dit «oui, mais» à l’accord cadre. Est-ce le petit pas en avant que vous attendiez?
C’est important que la commission soutienne le Conseil fédéral. Ceci dans le sens de «allons de l’avant, mais examinons les points controversés de plus près». Avant Noël, même les plus optimistes n’auraient pas pu espérer qu’il y ait encore un espace pour un «oui» ou un «oui, mais».
Dans les trois dernières années, nous avons vu que les débats sont devenus plus objectifs et plus constructifs. Il y a aussi le fait que l’on connaît le prix d’un oui ou d’un non, c’est une analyse coûts-bénéfices.
A propos du Brexit: il devrait être clair maintenant pour les Britanniques qu’il n’y a pas de moyen simple d’appliquer la décision de 2016. Qu’est-ce que cela signifie pour la Suisse?
Plus les tensions entre la Grande-Bretagne et l’UE sont fortes, plus cela est difficile pour nous. Dans une situation tendue, tout le monde est nerveux et moins disposé à faire des concessions. J’espère que les Britanniques trouveront une manière ordonnée de quitter l’UE.
Encore une question, qui intéresse les Suisses de l’étranger: le Contrôle fédéral des finances vient de remettre en question l’existence de 31 ambassades suisses. Allez-vous les fermer?
Non, nous ne prévoyons pas de fermer ces petites ambassades. Le principe d’universalité reste important pour nous. Pour certains pays, l’«ambassadeur avec son portable» est la bonne solution. Nous n’avons pas besoin de dix collaborateurs partout. Parfois, la présence est déjà un important signal politique en soi, et non pas le nombre de personnes qui travaillent à l’ambassade.
Le gouvernement suisse désigne l’accord cadre institutionnel par l’abréviation officielle InstA. Au mois de décembre, il a été envoyé pour consultation aux partis politiques et aux milieux intéressés.
La consultation dure jusqu’en mai. Le Conseil fédéral évaluera alors les résultats. En l’état actuel, le gouvernement suisse essayera de clarifier et de préciser les points litigieux en dialogue avec l’UE.
L’accord passera ensuite par les étapes législatives habituelles: examen en commission parlementaire, débats et décision au parlement.
L’accord est soumis au référendum facultatif. Le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis ne s’attend pas à une votation populaire avant 2021.
(Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez)
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