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«La Tunisie a fait des progrès significatifs en matière de libertés et de démocratie»

Lokal für die ersten Kommunalwahlen in Tunis
Avant-première: le 29 avril se sont ouvert les premiers bureaux de vote à Tunis, pour les membres de la police et de l'armée. Keystone

Dimanche se tiennent en Tunisie des élections communales. Une première pour le pays, et une étape importante sur son difficile chemin vers la démocratie. Un chemin que la Suisse accompagne depuis la révolution en 2011. Rita Adam, encore ambassadrice à Tunis jusqu’à l’été, tire le bilan.

Cet article fait partie de #DearDemocracy, la plateforme de swissinfo.ch pour la démocratie directe. En plus de celles de la rédaction, elle accueille aussi des contributions d’auteurs extérieurs. Leurs positions ne correspondent pas forcément à celles de swissinfo.ch.

Elles ont été différées à quatre reprises, mais cette fois, on y est: dimanche se tiennent les premières élections locales de l’histoire de la Tunisie indépendante. Plus de sept millions de votantes et de votants vont élire quelque 350 conseils municipaux. Beaucoup attendent de cette décentralisation une amélioration de leurs conditions de vie, qui restent précaires.

La loi électorale prescrit la parité des candidatures masculines et féminines. Et il en va de même pour la représentation proportionnelle des jeunes dans les nouveaux conseils communaux. Les moins de 35 ans forment en effet la majorité de la population tunisienne.

Malgré toutes les difficultés – attentats terroristes, crise économique et financière, corruption – la Suisse a accompagné de manière conséquente le seul pays du printemps arabe où la révolution a débouché sur l’adoption d’une constitution démocratique sur son chemin vers plus de liberté pour ses habitants.

Avant de prendre cet été son nouveau poste à Rome, Rita Adam, ambassadrice de Suisse en Tunisie, nous a reçu dans les nouveaux locaux de l’ambassade. Affable et courtoise, elle tire un bilan de la coopération bilatérale durant sept ans de transition démocratique, et particulièrement de l’apport de la Suisse.

swissinfo.ch: Comment évaluez-vous la coopération entre la Suisse et la Tunisie après sept ans de transition démocratique?

Rita Adam: En 2011, le gouvernement suisse a pris rapidement conscience des enjeux du changement et décidé de s’engager dans le soutien des réformes en Tunisie. Cela correspond en effet aux objectifs de la politique étrangère telle qu’elle est définie dans la Constitution suisse, en l’occurrence, la promotion de la démocratie et des droits de l’Homme.

Dans le dialogue avec les autorités tunisiennes de l’époque ont été balisées trois pistes prioritaires de coopération: la première que l’on pourrait appeler politique concerne le processus démocratique et les droits de l’Homme, la deuxième économique, avec un accent sur les réformes économiques et l’employabilité, tandis que la troisième porte sur le phénomène migratoire, c’est-à-dire la migration sous tous ses aspects, y inclus la protection de personnes vulnérables.

Die Schweizer Botschafterin Rita Adam. 
Cet été, l’ambassadrice Rita Adam quittera Tunis pour Rome. zVg

A propos de migration, Berne et Tunis ont conclu en 2012 un accord de partenariat migratoire. Dans ce cadre les deux parties discutent de toutes les questions ayant trait à la migration, y compris son rôle dans le développement socio-économique.

Nous avons accompli une première phase de quatre ans. Nous avons dressé le bilan en 2016 quand le programme de coopération lancé en 2011 est arrivé à son terme. Sur la base des conclusions retenues, nous avons décidé de le convertir en un engagement à moyen terme. Initialement, cet engagement était limité dans la durée.

Pour lancer cette deuxième phase, une nouvelle stratégie de coopération pour les années 2017-2020, et marquer les cinq premières années du Partenariat migratoire, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a effectué, en octobre 2017, une visite en Tunisie.

Aujourd’hui, la Coopération suisseLien externe est à mon avis bien établie en Tunisie, où elle s’est affirmée comme partenaire fiable et respecté.

Selon vous, est-ce que la transition tunisienne, qui a rencontré des difficultés multiformes, sécuritaire, politique, sociale… est, aujourd’hui sur la bonne voie?

De mon point de vue d’observatrice externe, la Tunisie a accompli, depuis 2011, des progrès significatifs en matière de libertés et de démocratie avec une mention spéciale pour plusieurs évènements saillants: l’adoption de la nouvelle Constitution de 2014 et la tenue des élections d’abord en 2011 pour la Constituante et ensuite en 2014 pour les présidentielles et les législatives. Je voudrais ajouter à ceci la gestion des défis en matière sécuritaire par les autorités tunisiennes qui s’est nettement améliorée dans les trois dernières années.

L’article 130 de la nouvelle Constitution tunisienne prévoit l’institution aux côtés des quatre autres pouvoirs (législatif, juridique, exécutif et pouvoir des instances constitutionnelles), celle du pouvoir local, avec comme corollaire la décentralisation des pouvoirs et une démocratie locale.

53’668 candidats se présentent, dont 50,74% d’hommes et 49,26% de femmes, répartis sur 2074 listes, dont 1055 listes de partis, 860 listes indépendantes et 159 listes de coalition.

52% de candidats ont moins de 35 ans, 76% moins de 45 ans. 18 têtes de liste sont des handicapés (13 hommes et 5 femmes). Globalement, les femmes représentent 30% des têtes de liste, les hommes 70%.

J’ai souvent l’impression de sentir une impatience chez de nombreux Tunisiens qui disent que ce qui a été fait n’est pas suffisant. Compte tenu notamment des défis socio-économiques et des revendications de dignité formulées lors de la Révolution, je peux comprendre cette impatience. Il faut admettre que les transformations ne sont pas faciles et prennent souvent beaucoup de temps.

Il me semble donc important de gérer les attentes et de communiquer des objectifs réalistes. En même temps, je compte sur tous les acteurs tunisiens impliqués, qu’ils relèvent de la vie politique, de la société civile ou du secteur privé, pour maintenir la dynamique de changement. Je pense notamment à la mise en œuvre intégrale de la Constitution de 2014, mais aussi aux réformes économiques, qui deviennent de plus en plus pressantes.

Concrètement, quel était l’apport de la Suisse dans cette entreprise de démocratisation?

Je sais qu’en raison des élections municipales qui s’approchent, vous vous intéressez particulièrement à cet aspect de la coopération.

Nous avons intégré cela dans un domaine qui englobe les processus démocratiques et les droits de l’Homme, que nous avons appuyé constamment depuis 2011, notamment lors des scrutins en 2011 et 2014 et qui se poursuit aujourd’hui à travers l’appui à la tenue des élections.

On a souvent parlé de ces urnes que la Suisse a fournies pour recueillir les bulletins de vote. Certes, c’était une contribution visible, mais je pense que le plus important c’est le travail qui a été fait au niveau institutionnel, en partenariat avec les acteurs tunisiens.

Quelles sont les institutions tunisiennes qui ont le plus bénéficié du savoir-faire suisse?

Dans le domaine des élections, nous avons instauré des partenariats visant à renforcer les capacités d’instances indépendantes comme l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) et la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA), qui jouent un rôle fondamental dans le domaine électoral. Nous avons réalisé cette collaboration avec deux principaux partenaires: Le Programme des nations unies pour le développement (PNUD) et l’International foundation for Electral Systems (IFES) avec laquelle nous continuerons de travailler.

Sur le plan officiel, on a remarqué une intensification des visites et des échanges entre les deux gouvernements, est-ce un regain d’intérêt pour la seule expérience de démocratisation au sud de la Méditerranée?

Je pense que oui. Après une première visite en 2011 de la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey, la fin de la première phase de la transition en 2014, avec l’adoption de la Constitution et la mise en place des institutions démocratiquement élues, a ouvert la porte pour augmenter de manière marquée la fréquence des visites bilatérales à haut niveau. Ceci reflète l’approfondissement des relations bilatérales et la coopération accrue engagée entre nos deux pays depuis la Révolution

Mais il y a toujours une touche personnelle…

Je l’espère. C’est un très beau mandat de pouvoir être ambassadeur de Suisse en Tunisie et j’en garderais un magnifique souvenir. Je pense que pour tout diplomate, pouvoir être un observateur d’une expérience de transition est quelque chose de passionnant. Permettez-moi également de rendre hommage à mes prédécesseurs et notamment à Pierre Combernous, qui a piloté la mise en place du programme de coopération dans de très brefs délais à partir de 2011.

L’immigration est un dossier épineux. Y-a-t-il eu un progrès dans le traitement de ce dossier en dépit des divergences qui peuvent exister entre les deux parties?

En ce qui concerne les questions migratoires, la collaboration entre nos deux pays se passe bien. Je vous rappelle qu’un Partenariat migratoire a été lancé en 2012 par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga.

Cela veut dire concrètement qu’on a créé un cadre de dialogue institutionnalisé qui réunit une fois par an les spécialistes. Ce cadre contribue beaucoup à mieux s’entendre, à mieux comprendre les enjeux et à être à l’écoute des préoccupations des uns et des autres. Sous le chapeau de cette coopération migratoire ont été conclus deux accords migratoires et différentes formes de coopération ont été engagées. Nous sommes très satisfaits de ce partenariat. Cependant, il est clair que l’on peut toujours avoir des points de divergence et des problèmes à résoudre, mais cela se passe dans une ambiance franche et constructive.

Que représente la Tunisie dans votre carrière diplomatique?

C’est un poste certainement inoubliable pour trois raisons: d’abord parce qu’il y a cette opportunité historique d’assister à une expérience de transition, ensuite parce que c’est mon premier poste de chef de mission et enfin tout simplement parce que la Tunisie est un pays magnifique. Je n’ai pas encore envie de penser au moment où je le quitterai. Heureusement que je ne serai pas très loin.

Depuis la chute de ben Ali en 2011, la Suisse soutient la transition démocratique en Tunisie. Jusqu’ici, elle y a consacré près de 170 millions de francs, répartis en plus de 100 projetsLien externe.

S’agissant des électionsLien externe, la Suisse a alloué 4,1 millions aux instances officielles qui en surveillent le bon déroulement. Elle avait également fourni les urnes en 2014, qui sont réutilisées cette année.

Pour le reste, les actions soutenues par la Suisse vont du domaine politique, avec l’établissement d’une charte d’honneur contraignante par laquelle les partis s’engagent à renoncer à la violence et à promouvoir l’équité, au domaine économique, avec l’accès facilité au marché pour les produits agricoles du terroir. Ce ne sont là que deux exemples. La coopération suisse soutient aussi notamment la prévention de la torture, la formation professionnelle, l’accès à l’eau potable, le prévention de l’extrémisme ou la formation des fonctionnaires à la gestion responsable

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