La «démocratie liquide» pour remotiver les désenchantés de la politique
Les élections fédérales auront lieu l’automne prochain, mais seul un jeune sur quatre devrait se rendre aux urnes. Le nouveau monitoring politique easyvoteLien externe confirme cette tendance: la politique suisse touche de moins en moins les personnes en dessous de 25 ans. L’expert en informatique Hernâni Marques propose d’utiliser la digitalisation pour redonner un coup de fouet à la relève de la démocratie.
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Ils sont de plus en plus nombreux: les jeunes entre 18 et 25 ans qui ne veulent rien savoir des acteurs politiques classiques tels que les partis, les associations ou les organisations. Cela ne signifie pas qu’ils se désintéressent totalementLien externe de la politique, mais ils ne parviennent tout simplement pas à s’adapter aux thèmes, au vocabulaire et à la tonalité parfois rude de la politique helvétique.
La «démocratie liquide» pourrait remotiver ces désenchantés de la politique. L’expert zurichois en informatique Hernâni MarquesLien externe a développé ce concept lors de la récente conférence d’easyvoteLien externe. Cette organisation indépendante a pour but de former les jeunes et de les encourager à participer à la vie politique. Lors de cette conférence à Berne, des politiciens jeunes et moins jeunes ainsi que des experts ont tenté de proposer des solutions pour redonner envie à la nouvelle génération de découvrir la politique.
Hernâni Marques lui-même ne pourra pas se rendre aux urnes pour élire le Parlement le 20 octobre: en tant que fils d’immigrés portugais, il ne possède pas de passeport suisse.
swissinfo.ch: Comment la digitalisation pourrait-elle aider les jeunes à s’intéresser davantage à la politique?
Hernâni Marques: La Suisse connaît l’idéal de base de la représentation démocratique, par exemple dans les associations ou les LandsgemeindeLien externe. Personne n’est alors mandaté pour prendre des décisions à votre place. Pour la première fois dans l’histoire de la démocratie suisse, la digitalisation donne la possibilité de reproduire cet idéal à grande échelle, sans contrainte de temps ni de lieu.
Une plateforme numérique, qui pourrait être gérée par la Chancellerie fédérale, permettrait à tous les citoyens d’apporter leurs idées pour améliorer la Suisse. Les propositions pourraient alors être transposées dans un canal officiel, où se prendraient ensuite les décisions.
Il existe déjà l’outil classique de la pétition, une demande écrite et non-contraignante.
Oui, mais il s’agit là d’une proposition fixe. Dans sa version digitale, elle pourrait encore être transformée et améliorée en toute transparence. C’est le côté «liquide» du concept. On pourrait aussi imaginer une sélection de propositions, dont une seule serait retenue.
Et comment cet instrument fonctionnerait-il concrètement?
Au mois de mars, des jeunes ont manifesté à Zurich pour un accès libre à internet et contre un durcissement du droit d’auteur, discuté actuellement au Parlement. En première ligne figuraient également des YoutubeursLien externe: ils ont remarqué que les politiciens étaient en train de nuire à internet. Sur une plateforme numérique, ils ont pu dire qu’ils ne voulaient pas de ces nouvelles restrictions et ils ont reçu le soutien de nombreuses personnes. Grâce à ce moyen de pression, leurs revendications pourraient atteindre les parlementaires et les pousser à modifier le projet.
Pourriez-vous nous expliquer plus précisément ce qui se passerait sur cette plateforme?
D’autres personnes pourraient commenter une proposition, mettre en avant les aspects positifs ou suggérer des modifications. À ce stade, les politiciens auraient le même poids que tous les autres. Le concept de «démocratie liquide», tel que l’a déjà testé le Parti pirate, prévoit alors une certaine hiérarchisation: ceux qui bénéficient d’une plus grande confiance de par leurs activités prennent plus de poids que les autres. Lorsqu’un certain seuil d’importance est franchi sur un thème particulier, une proposition doit être soumise à une commission parlementaire.
Est-ce qu’il existe déjà quelque chose de semblable?
En Allemagne, il y a eu la Commission d’enquêteLien externe sur «internet et la société numérique» qui possédait une plateforme de démocratie liquide. Le Parlement a consulté cette instance pour évaluer comment la numérisation pouvait profiter à l’Allemagne. Plusieurs milliers d’activistes du web ont été mobilisés, permettant ainsi de soumettre des propositions très concrètes au Bundestag.
Suivez l’auteur, Renat Kuenzi, sur TwitterLien externe.
Traduction de l’allemand: Marie Vuilleumier
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