Démocratie directe: les villes comme exemple pour les Etats
Des militants internationaux, des experts et des politiciens locaux, réunis à Taipei, la capitale de Taïwan, ont créé la Ligue mondiale des villes. La capitale suisse fait partie des villes fondatrices de ce réseau, qui comprend environ 80 villes dans le monde entier.
Apporter la démocratie au peuple pour qu’il puisse avoir son mot à dire dans la résolution de problèmes qui le touchent directement au quotidien: c’est l’approche du réseau de villes, au sein duquel des politiciens locaux, des spécialistes et des activistes urbains peuvent échanger des idées.
Le lancement de la Ligue mondiale des villes s’est déroulé au huitième Forum global pour une démocratie directe moderne, à Taipei et Taichung à Taïwan. En plus de Berne, Taipei et Taichung, les autres villes à la base du projet sont la capitale finlandaise Helsinki, la ville tchèque de Brno, Metz en France, Mexico City, Tunis, Anyang en Corée du Sud et Kashiwa au Japon.
Une Magna Carta (charte) en 20 points constitue les fondements de l’organisation. Elle sert de boussole dans les efforts des villes pour donner plus d’influence à leurs habitants et ainsi partager le pouvoir avec les citoyens.
Non contraignant
Les villes n’ont pas dû s’engager à mettre en œuvre les 20 points, comme le souligne le co-fondateur suisse du projet Bruno Kaufmann.
Lors de l’événement fondateur à Taipei, des maires, des représentants des villes et des spécialistes ont donné un aperçu du large éventail de domaines, des outils et des formats de la démocratie citoyenne urbaine.
Le budget citoyen ainsi que d’autres formes de démocratie directe ont été au centre des discussions. Les représentants locaux ont présenté des exemples de démocratie directe testés par Taïwan: cela va de la conception d’une aire de jeux pour enfants dans le parc de la ville à l’élaboration du plan budgétaire annuel pour le système de santé de l’État.
Les limites de la participation citoyenne
«Les budgets citoyens ouvrent souvent la porte à une démocratie plus participative», estime Dun-Yuan Chen, professeur d’administration publique à l’Université nationale Chengchi de Taipei. «Mais avec des tâches complexes comme l’élaboration du budget pour le système de santé, les citoyens ont besoin de soutien pour participer au groupe de travail.» Ainsi, ils reçoivent une formation.
Outre la complexité des contenus, d’autres limites sont apparues. Un responsable de l’administration municipale de Taipei a fait l’éloge du budget citoyen. Il a toutefois dû admettre que la part du budget de la ville sur laquelle les habitants peuvent avoir leur mot à dire n’est «pas encore très élevée»: moins d’un million de dollars taïwanais, soit l’équivalent de 30’000 francs suisses.
Avec une population d’environ 2,7 millions d’habitants, il y a encore une importante marge d’amélioration pour la capitale de Taïwan. De plus, les citoyens de Taipei ne peuvent que faire des propositions de projets. En fin de compte, c’est aux autorités qu’il appartient de décider de ce qui doit être mis en œuvre.
Les enfants au pouvoir
Interrogé par le public sur le meilleur exemple de démocratie urbaine, le fonctionnaire a mentionné l’initiative lancée par un groupe de mères pour créer la meilleure place de jeux pour enfants: «La ville a ensuite intégré l’initiative des mères dans sa politique officielle. Aujourd’hui, un groupe au sein des autorités de la ville s’occupe des espaces verts adaptés aux enfants.»
Joe Mathews, co-fondateur de la Ligue mondiale des villes, a cité un exemple en Californie, où un pas supplémentaire a été franchi. «L’État a décidé de rénover les places de jeux. Pour ce faire, les autorités ont invité tous les enfants, en leur offrant la possibilité de voter sur trois concepts différents», explique-t-il. Qu’il s’agisse de lieux publics, d’activités de quartier, de culture, etc., la Californie a étendu la démocratie directe à tous les domaines de la vie.
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La démocratie directe restaure la confiance
Des solutions locales aux problèmes quotidiens immédiats est une base idéale pour des processus participatifs dans lesquels les citoyens sont impliqués, a déclaré Caroline Vernaillen, représentante de Democracy International, une organisation non gouvernementale qui a co-organisé le Forum.
D’une part, les expériences acquises pourraient inspirer le renforcement de la participation directe aux niveaux supérieurs. D’autre part, grâce à des programmes participatifs, les villes pourraient contribuer à regagner la confiance des citoyens dans la politique, les médias et la démocratie.
Mais même aujourd’hui, la démocratie citoyenne est loin d’être accueillie à bras ouverts par les politiciens et les autorités municipales du monde entier. «La politique participative exige des sacrifices de la part des politiciens et des autorités», a souligné Yun-Hsiang Su, professeur de droit à l’Université nationale de Taipei.
La déclaration de ce dernier est claire: en général, les politiciens et l’administration n’aiment pas partager volontairement leur pouvoir avec les citoyens. A l’exception des élections, les citoyens devraient délibérément leur laisser la politique.
(Traduction de l’allemand: Katy Romy)
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