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«Il ne faut pas se précipiter dans les réformes constitutionnelles»

Pas vraiment un retraité de la politique: Pascal Couchepin s'exprime régulièrement sur des thèmes d'actualité. Keystone

Pour Pascal Couchepin, la démocratie directe est parfois mal utilisée. L’initiative populaire, en particulier, sert selon lui de plus en plus souvent d’outil d’opposition. Pour autant, il convient de ne pas céder trop vite à la tentation de réformer le système, juge l’ancien président de la Confédération.

Ayant gravi les échelons du cursus honorum, de sa commune de Martigny jusqu’au sommet de l’Etat fédéral, Pascal Couchepin est un fin connaisseur de la vie politique suisse. Retiré du gouvernement depuis 2009, il s’exprime encore fréquemment sur le sujet. Cette interview a d’ailleurs été réalisée sur le chemin du Forum européen de Lucerne, consacré cette année à la démocratie directe.

swissinfo.ch: D’aucuns prétendent que l’on vote trop souvent en Suisse. Que pensez-vous de ce genre d’affirmation?

Pascal Couchepin: Ce sont ceux qui n’exercent pas ce droit de vote qui disent que l’on vote trop. Je ne pense pas que beaucoup de citoyens suisses souhaitent réduire l’intensité de leurs droits démocratiques. Certes, on vote beaucoup, mais trop, c’est un jugement de valeur que je ne partage pas.

swissinfo.ch: Dans des pays où le peuple n’est consulté que pour élire des représentants, on envie parfois le système de démocratie directe. Pensez-vous que la Suisse soit un modèle en ce domaine?

P.C.: On peut toujours penser que la Suisse est un modèle, mais nous avons une culture, une tradition historique et une composition du peuple tellement différentes de celles d’autres pays que je ne pense pas que l’on puisse dire que nous sommes un modèle.

Et si modèle il y avait, il ne serait à coup sûr pas transposable partout. J’ai une belle-famille française. Lorsque je discute avec eux, ils sont même à mille lieues de comprendre notre système démocratique. Parfois, ils disent qu’il serait avantageux d’avoir des instruments de démocratie directe en France, mais leur compréhension de cet instrument de démocratie directe est tellement différente de la nôtre que ce n’est pas tout à fait la même chose.

swissinfo.ch: Le fait de pouvoir voter sur des thèmes très sensibles comme la construction de minarets ou le plafonnement du nombre d’étrangers suscite une certaine polémique. Qu’en pensez-vous?

P.C.: Ce n’est pas une polémique; c’est une discussion qui doit être constante. Je pense que la démocratie directe est surtout valable comme instrument d’information et de transmission d’informations auprès des citoyens. Grâce à la démocratie directe, il n’y a aucun autre pays où les citoyens sont aussi bien informés des détails concrets de la politique.

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Une personne collecte des signatures

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Avenir Suisse veut réformer l’initiative populaire

Ce contenu a été publié sur Avenir Suisse constate que de plus en plus d’initiatives populaires sont acceptées en votation, mais qu’elles sont rarement appliquées. Le think-tank présente donc ses propositions pour modifier ce droit populaire et empêcher son utilisation abusive. Ces propositions de réforme font réagir l’ancien président de la Confédération Pascal Couchepin:

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Cela nous évite de voter uniquement en fonction de critères idéologiques. Les gens votent en fonction de problèmes concrets. Mais la démocratie directe doit faire l’objet d’une discussion permanente, car elle est parfois utilisée à tort. L’initiative populaire ne devrait pas être un instrument d’opposition, mais de promotion d’idées. Or désormais, elle a tendance à devenir un instrument d’opposition. C’est par exemple le cas de l’initiative contre l’immigration de masse ou la future initiative demandant la primauté du droit national sur le droit internationalLien externe.

Cette évolution commence à poser un problème, mais la meilleure réponse est de refuser ce genre d’initiatives. On a perdu sur l’immigration de masse, mais il faudra gagner sur la primauté du droit national.

swissinfo.ch: Si on vous comprend bien, le peuple peut voter sur tout…

P.C.: On peut voter sur tout, mais il y a quand même des limites. Par exemple, si le peuple suisse, dans un moment de folie, acceptait en votation de fusiller Monsieur Blocher [ancien collègue de Pascal Couchepin au gouvernement et leader de l’Union démocratique du centre, parti de la droite conservatrice à l’origine d’initiatives parfois jugées populistes, ndlr], j’y resterais opposé même après le vote du peuple. Je tiens à garder Monsieur Blocher en bonne santé (sourire).

Biographie

Pascal Couchepin est né en 1942 à Martigny (Valais).

Après avoir étudié le droit à l’Université de Lausanne, il a ouvert une étude d’avocat à Martigny en 1968.

Membre du Parti radical-démocratique, devenu aujourd’hui Parti libéral-radical (PLR / droite), il a d’abord fait ses armes dans sa ville. Il y siégé durant 30 ans à l’exécutif de Martigny, dont pratiquement la moitié en tant que maire (1984-1998).

Parallèlement, il a également siégé à la Chambre basse (Conseil national) du Parlement fédéral de 1979 à 1998, où il a notamment présidé pendant 7 ans le groupe parlementaire radical-démocratique.

L’Assemblée fédéral l’a élu au gouvernement le 11 mars 1998. Il y dirigé le Département fédéral de l’économie de 1998 à 2002, puis le Département fédéral de l’Intérieur de 2003 à 2009. Il y par ailleurs assumé la présidence tournante de la Confédération en 2003 et 2008.

swissinfo.ch: Certaines initiatives populaires sont contraires aux traités internationaux signés par la Suisse. C’est pourquoi on parle parfois de l’instauration d’une Cour constitutionnelle pour en vérifier la validité. Quel est votre avis sur cette proposition?

P.C.: Il existe un vieil adage latin qui dit: «Quis custodiet ipsos custodes?», c’est-à-dire «Mais qui gardera ces gardiens?». Il y aura toujours, à la fin, quelqu’un qui aura encore quelque chose à dire sur le sujet.

Je crois que ce que l’on appelle le mille-feuilles dans le système administratif français est suffisant en Suisse. Pour une initiative populaire, il faut recueillir les signatures, ensuite le gouvernement donne son avis, puis le Parlement et enfin le peuple. Faut-il dès lors encore un gardien supplémentaire qui serait un conseil ou un tribunal constitutionnel? D’autant que la question se poserait alors de savoir qui le nomme. Ce serait sans fin.

swissinfo.ch: Existe-t-il cependant, selon vous, certains éléments de démocratie directe qui nécessitent une modification?

P.C.: Il ne faut pas se précipiter dans les réformes constitutionnelles. Les réformes modifient les règles du jeu et on ne change pas les règles du jeu en fonction d’un ou deux événements. Par conséquent, pour le moment, je suis d’accord que l’on discute sur le sujet, mais je ne souhaite pas de modifications précises dans les quelques années à venir à la suite de l’un ou l’autre événement.

Si, à terme, on augmente le nombre de signatures pour les initiatives, je n’ai pas d’objection. Je constate simplement que les initiatives les plus dangereuses sont celles qui ont un fond démagogique et c’est justement celles qui réunissent le plus facilement les signatures que l’on récolte dans la rue. Par conséquent, augmenter le nombre des signatures ne changerait pas grand-chose à ce qu’on considère actuellement comme une utilisation abusive du droit d’initiative.

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