Ces dix ingrédients essentiels au menu démocratique
Qu’est-ce qui différencie une bonne d’une mauvaise démocratie? Quels sont les éléments cruciaux, s’agissant du vote ou des élections? Réponses ce 15 septembre, proclamé Journée internationale de la démocratie.
La journaliste de la télévision russe me fixe, triomphale. Elle attend mon avis sur les élections… «Un grand show censé faire oublier que tous les candidats de l’opposition ont été exclus à l’approche du scrutin.»
Cet article fait partie de #DearDemocracy, la plateforme de swissinfo.ch pour la démocratie directe.
Pugnace, la journaliste me relance en indiquant du regard le gigantesque mur couvert d’écrans qui transmettent en direct les images de dizaine de milliers de locaux de vote: «Mais que pensez-vous de la technologie numérique déployée?»
Je me dis très impressionné et la voilà qui m’assure que «de cette manière, on peut établir sans risque de se tromper que seuls quelques votants sont venus se perdre dans les bureaux de vote». Belle illustration du fait qu’organiser des élections dernier cri sous l’angle technologique ne suffit pas à faire une démocratie digne de ce nom. Mais quels sont les dix vrais bons ingrédients à cet égard?
La digitalisation a infiltré tous les domaines de nos vies. Tous, sauf la démocratie. Y compris en Suisse, où les électeurs résidant à l’étranger ne peuvent toujours pas voter par voie électronique. La petite Estonie démontre toutefois que c’est possible.
Les obstacles sont une nécessité. Comme incitation, non comme un moyen de dissuasion… Imaginons un 400 mètres haies qui ne verrait qu’un seul concurrent à l’arrivée du fait de lattes trop hautes. C’est grosso modo ce qui arrive à beaucoup. En Italie, par exemple, un scrutin induit par une initiative populaire n’est valable que si au moins 50% du corps électoral y va de son bulletin.
Tout parlement fonctionne sur la base d’une infrastructure: bureaux, personnel, documentation. Dans une démocratie moderne, reposant largement sur la codécision, une telle infrastructure s’impose pour tous. Elle implique une bonne éducation politique, des médias libres et des services étatiques accessibles.
La qualité d’une démocratie se mesure à sa capacité à se réformer constamment. Disposer d’élus engagés envers leurs citoyens exige qu’ils puissent apprendre de leurs erreurs et s’entendre sur des solutions nouvelles.
Un leader qui arrive au pouvoir par les urnes tend souvent assez rapidement à vouloir le conserver par tous les moyens. Mais tous ceux qui, comme les syndicats tunisiens après la révolution, sont attachés au partage du pouvoir, font preuve de vraies qualités de dirigeant.
Jubilation ici, dépression là. Nous sommes tributaires de la capacité des gagnants comme des perdants à accepter le résultat d’une décision dans les urnes. La démocratie exige des réponses à cette question: comment devient-on un beau perdant?
L’écart entre électeurs et élus porte un nom: l’administration. Au sein de la bureaucratie, les comportements anti-citoyens sont souvent tenaces. D’où cette nécessité de préparer les fonctionnaires à l’exercice démocratique.
Lorsque les juges deviennent les quilles du jeu politique, les temps sont durs pour la libre expression des opinions. C’est pourquoi l’indépendance du pouvoir judiciaire est une condition préalable à toute démocratie.
«Nous sommes le peuple!», criaient les manifestants en RDA il y a trente ans. Ils exigeaient d’avoir leur mot à dire. Les nationalistes de droite dans l’ancienne Allemagne de l’Est font campagne aujourd’hui en brandissant le même slogan. A ceci près qu’ils veulent moins de droits pour les non-Allemands. A ce jeu, chaque composante de la société est tributaire de la participation du plus grand nombre. Les jeunes compris.
Il y a bien longtemps, le Grec Périclès avait mis le doigt sur l’essence de la démocratie: le dialogue avant la décision. Le succès de tout système démocratique dépend de la participation de tous à ce dialogue. Le dialogue est consubstantiel à la démocratie.
Traduction de l’allemand: Pierre-François Besson
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