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Les crimes pédophiles sont-ils prescriptibles?

De combien de temps les victimes des pédophiles ont-elles besoin pour rompre le silence?

Tous les crimes sont graves, mais ceux perpétrés contre l'intégrité sexuelle des enfants sont considérés comme particulièrement odieux. Faut-il dès lors les rendre imprescriptibles? C'est la question que pose une initiative de l'association «Marche blanche».

Depuis quelques années, les crimes sexuels à l’encontre d’enfants n’ont cessé de faire la une des médias en Suisse comme à l’étranger. L’affaire Dutroux, les prêtres pédophiles ou encore la découverte de réseaux pédophiles sur Internet sont autant d’événements qui ont ému le public.

Une vérité longue à venir

L’une des caractéristiques des crimes pédophiles, c’est qu’ils sont souvent révélés des années après les faits, notamment parce que les enfants victimes restent dépendants des abuseurs – souvent des personnes qui leur sont proches – jusqu’à l’âge de leur majorité.

C’est donc pour cette raison que «Marche blanche» – une association de défense des enfants abusés qui a été créé à la suite de l’affaire Dutroux – a lancé une initiative populaire qui demande que les actes pédophiles soient déclarés imprescriptibles.

Plus concrètement, cette initiative dont l’intitulé exact est «Pour l’imprescriptibilité des actes de pornographie enfantine», demande l’introduction dans la Constitution fédérale d’un article stipulant que l’action pénale et la peine pour un acte d’ordre sexuel ou pornographique sur un enfant impubère sont imprescriptibles.

Une loi déjà révisée

Au Parlement, l’initiative de «Marche blanche» a été balayée. Les sénateurs l’ont refusée à l’unanimité et les députés par 163 voix contre 19.

Les parlementaires ont toutefois reconnu la prescription pour les actes pédophiles devait être plus longue et ont donc modifié la législation en conséquence.

En fait, la prescription en tant que telle n’a pas augmenté; elle reste de 15 ans. Ce qui a changé en revanche, c’est que le délai de prescription ne court plus à partir de la date du crime, mais à partir du jour où la victime a atteint sa majorité (à 18 ans).

Concrètement, cela signifie que la victime pourra déposer une plainte de manière à ce que le tribunal de première instance rende son jugement avant qu’elle n’atteigne l’âge de 33 ans.

Pour les parlementaires, cette révision est suffisante et peut faire office de contre-projet indirect à l’initiative de «Marche blanche».

Seulement pour des crimes très graves

Les adversaires de l’initiative estiment que le projet de «Marche blanche» va trop loin. En effet, à l’heure actuelle, seuls des crimes extrêmement graves touchant un grand nombre de personnes sont déclarés imprescriptibles. C’est notamment le cas de crimes de guerre et des génocides.

En rendant imprescriptibles les actes de pédophile, la Suisse ferait cavalier seul au niveau international et bouleverserait de manière incompréhensible la hiérarchie en matière de crimes.

«Aussi horrible que soit un acte de pédophilie, il est naturellement nettement inférieur dans sa gravité à un génocide», explique le député socialiste Carlo Sommaruga.

Députée démocrate-chrétienne (PDC / centre-droit), Thérèse Meyer reste en revanche convaincu que l’imprescriptibilité se justifie, étant donné que les crimes pédophiles ne sont souvent révélés qu’après de nombreuses années. Par ailleurs, le fait que la Suisse ferait cavalier seul n’est pas insurmontable.

«L’idée de donner la possibilité aux victimes de se reconstruire prime sur l’adéquation avec les autres législations», conclut Thérèse Meyer.

swissinfo, Olivier Pauchard

Actuellement, dans le droit suisse, seuls les crimes qui visent à exterminer ou à opprimer tout un groupe de population, les crimes de guerre ou encore les crimes menaçant un grand nombre de personnes sont imprescriptibles.

Dans tous les autres cas, l’action pénale s’éteint après un certain temps.

La prescription est de 30 ans pour un crime qui méritant la prison à vie, de 15 ans pour un crime valant une peine de plus de trois ans de prison et de 7 ans pour les délits moins graves.

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