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Comment la «Génération Greta» tente de faire entendre sa voix

Claude Longchamp devant le palais fédéral
swissinfo.ch

Le désintérêt est une attitude très répandue parmi les jeunes à l'égard de la politique. Samedi dernier toutefois, la sauvegarde du climat a fait descendre près de 40'000 personnes dans les rues de treize villes suisses. Parmi eux, il y avait beaucoup de jeunes. Mais leur ingérence dans la politique a commencé plus tôt.

Bien sûr qu’il y a surtout Greta Thunberg. La militante suédoise pour le climat sèche ses cours tous les vendredis depuis six mois. Avec d’autres élèves, elle manifeste devant le Parlement de Stockholm pour réclamer une politique climatique efficace.

Depuis son très médiatique voyage en train qui l’a menée au Forum économique mondial (WEF) de Davos, elle est la véritable icône de la très jeune génération, qui, aux quatre coins du monde, s’engage pour sa vie future. 

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En Suisse aussi, les jeunes se tournent depuis peu vers la politique. A la mi-janvier 2019, Sara, Luis et Andreas ont dirigé l’émission «Arena», la traditionnelle émission de débat politique de la télévision alémanique. Lorsque ces trois jeunes de 17 ans ont mis sur le grill des politiciens chevronnés à propos du climat, des migrations et des retraites, ils ont tous fait bonne figure. Le programme fut le meilleur argument pour abaisser l’âge de vote de 18 à 16 ans.

Les partis:

UDC: Union démocratique du centre (droite conservatrice)

PS: Parti socialiste suisse (gauche)

PLR: Parti libéral-radical (droite libérale)

PDC: Parti démocrate-chrétien (centre droite)

PES: Les Verts ou Parti écologiste suisse (gauche)

PVL: Parti vert’libéral (centre)

PBD: Parti bourgeois-démocratique (centre)

JS: Jeunesse socialiste suisse (gauche)

En Suisse, c’est le pouvoir des vieux

La Suisse a plus que jamais besoin de l’engagement des jeunes.

Le think-tank d’inspiration libérale «Avenir Suisse» tire la sonnette d’alarme depuis quelque temps déjà. Sur son site Internet, il se demande si nous sommes sur la «voie menant à une gérontocratie», c’est-à-dire vers un pouvoir des vieux. Principale constatation: l’âge médian qui divise ceux qui participent aux votations en deux groupes d’âge égaux se situe actuellement à 57 ans. En 2030, il sera à 60 ans. Cela n’est pas sans conséquences sur les décisions politiques prises en Suisse.

L’âge avancé de l’électorat est une particularité peu glorieuse de la Suisse. Dans le monde entier, la participation politique dépend du niveau de formation et du sexe. En Suisse, l’âge se greffe sur ces phénomènes. Toute personne âgée de moins de 35 ans se soucie de trouver sa voie, de commencer une carrière et de fonder une famille. Ce n’est qu’une fois la personnalité affirmée que l’engagement politique entre en jeu. Cela dure jusqu’à bien au-delà de 70 ans et ne diminue qu’avec la détérioration de la santé.

Emergence de la génération des médias sociaux

La récente poussée de la politisation est une conséquence de la diffusion des médias sociaux.

Au départ, il s’agissait de plates-formes comme Facebook, mais aujourd’hui ce sont des plates-formes comme Instagram. Les réseaux sont devenus un véritable bric-à-brac inépuisable de contenus. Ils dépassent les espaces de vie étroits et font que les événements émotionnels deviennent visibles partout et immédiatement. Ce faisant, ce sont les émotions, des manières juvéniles d’aborder l’existence et des formes de langage propres à cette génération qui mettent les thèmes politiques à l’agenda. 

L’auteur

Claude Longchamp est l’un des politologues et des analystes de la vie politique les plus expérimentés et renommés de Suisse.

Il a été le fondateur de l’institut de recherche gfs.bernLien externe dont il est resté le directeur jusqu’à sa retraite et dont il préside encore le Conseil d’administration. Claude Longchamp a analysé pendant 30 ans les votations et les élections suisses à la télévision publique alémanique SRF.

Pour swissinfo et sa plateforme pour la démocratie directe #DearDemocracy, il écrit chaque mois une chronique consacrée aux élections fédérales de 2019.

Politologue et historien, il est également l’auteur de deux blogs: zoonpoliticonLien externe, consacré aux études politiques, et StadtwandererLien externe, consacré à l’histoire.

Le site d’observation de la politique easyvote explique comment cela fonctionne en Suisse.

Des événements mondiaux tels que l’élection de Donald Trump ou le mouvement #metoo contre le harcèlement sexuel des femmes déclenchent d’énormes vagues d’attention. Ils politisent les jeunes, leurs amis et leurs familles. Les relais professionnels comme les journalistes appartiennent au passé. Cela s’applique surtout aussi à la participation politique conventionnelle. L’activisme numérique, d’autre part, est florissant et la volonté de manifester s’accroît.

Les partis de jeunes deviennent des organisations établies

L’événement qui a cristallisé la nouvelle génération politique a été la réforme des retraites. A l’exception des Jeunes démocrates-chrétiens, tous les autres partis de jeunes, de la gauche à la droite, se sont opposés à la réforme préconisée par le gouvernement. Ensemble, ils ont apporté leur contribution au rejet du projet lors du vote populaire. Depuis lors, les jeunes sont consultés et montrent ce que sont les conflits de génération, lorsqu’il y a en jeu des intérêts clairement caractéristiques d’une génération.

Néanmoins, les partis voient aussi des avantages dans leurs mouvements de jeunesse. Ceux-ci recrutent la relève, mobilisent idéologiquement les générations futures et font entrevoir des gains lors des élections.  

Aujourd’hui, les jeunes partis sont des organisations établies.

Des partis de jeunes bien rôdés tels que les Jeunes socialistes, les Jeunes Verts, les Jeunes libéraux-radicaux ou les Jeunes UDC sont en mesure de lancer des initiatives populaires nationales ou de recueillir de nombreuses signatures pour des référendums.

Les succès électoraux directs sont encore de la musique d’avenir, mais l’influence des jeunes se diffuse en revanche déjà sur l’agenda politique. Le fait que les mouvements de jeunesse disposent de leur propre budget, jusqu’à un demi-million par an, y a contribué. Les cotisations des membres, les aides financières des partis nationaux et les contributions modiques de l’Etat sont les sources de la promotion des jeunes talents.

Renouveau décisif lors des élections 2019? 

Les jeunes politisés seront-ils décisifs lors des élections fédérales de 2019?

Je suis sceptique! Il est vrai que le nombre de jeunes qui seront candidats augmentera et que cela corrigera également leur faible participation aux élections. Mais les chances de décrocher leur propre siège restent faibles. Parce que le système électoral les handicape. C’est la raison pour laquelle les partis de jeunes procèdent presque toujours à un apparentement de liste avec le parti national. Ce faisant, en tant que petits partis, ils apportent des voix supplémentaires. Mais les sièges vont presque toujours aux plus grands. Une manière efficace de promouvoir des jeunes est donc de les faire figurer en bonne place sur la liste principale.  

La nouvelle double proportion entraînerait un changement révolutionnaire. Elle a récemment été introduite dans un quart des cantons. Elle répartit les sièges plus proportionnellement au nombre de voix obtenues.

Dans la course aux mandats, ce sont surtout les petits partis et formations qui en profiteront. Selon une simulation, jusqu’à 10% des sièges seraient répartis différemment, même avec la même proportion de voix. Avec un vainqueur éclatant: les partis de jeunes.

La génération de Greta serait alors définitivement vue et entendue au Parlement suisse.

(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)

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