Le processus doit aller jusqu’au bout à Moutier
La presse suisse se divise clairement en deux camps pour analyser l’annulation du vote populaire sur l’appartenance cantonale de la ville de Moutier: pro-bernois d’un côté et pro-jurassiens de l’autre. Mais tous les journaux parviennent à la même conclusion: pour clore la Question jurassienne, il faut mener le processus à son terme et laisser les citoyens décider.
L’avenir de Moutier ne laisse pas indifférente la presse suisse. L’annulation du vote du 18 juin 2017 sur l’appartenance cantonale de la ville, déchirée entre Berne et le Jura, suscite des réactions aussi polarisées que les deux camps qui s’affrontent dans cette région depuis plus de 50 ans.
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Les journaux plutôt pro-jurassiens mettent en doute la neutralité de la préfète du Jura bernois, qui a pris la décision d’invalider le vote. «Cette décision juridique de caractère politique n’est pas étonnante en soi. Ce qui interpelle en revanche, c’est que le doute profite ici aux accusateurs et pas aux accusés», dénonce Le Quotidien jurassien, qui aurait souhaité que la Confédération désigne une autre institution pour statuer sur les recours. Mais le journal est confiant: «Moutier est une ville jurassienne et rejoindra, tôt ou tard, le canton du Jura, les pro-bernois savent qu’ils ont perdu la partie à Moutier.»
Revoter, et vite
Le Courrier, un journal de gauche édité à Genève, considère également que la préfète du Jura bernois n’a pas pu prendre sa décision en toute neutralité. «N’aurait-il pas mieux valu de sa part de suggérer aux habitants de revoter et les laisser choisir en dernier lieu leur destinée plutôt que d’imposer une abrupte décision de justice (se basant certes sur la jurisprudence du Tribunal fédéral) désignant un seul et véritable coupable?». L’importance de la tenue rapide d’un nouveau scrutin est aussi relevée par Le Temps, qui affirme: «Moutier ne peut pas se permettre des années de procédures juridiques pour trancher enfin la question de son appartenance cantonale. Seul un nouveau scrutin, régulier et accepté par tous, sortira la ville de l’impasse.»
Les médias craignent un regain de tensions dans la région, mais ils estiment que l’époque des émeutes, des violences et des affrontements est bel et bien passée. La Radio télévision suisse (RTS) relève toutefois, dans cette affaire, un degré de violence verbale très rare dans la monde politique suisse.
Les journaux plutôt pro-bernois mettent en avant la longue et lourde procédure judiciaire qui s’annonce, avec le dépôt probable de recours contre l’annulation du scrutin. «À défaut de pouvoir refaire l’Histoire, on peut toujours saisir les tribunaux», déclare le Journal du Jura, qui qualifie de «fiasco» l’ensemble du processus de vote mené à Moutier. La Berner Zeitung salue le «courage» de la préfète, qui a «gardé le cap malgré les menaces – émanant avant tout des pro-jurassiens de Moutier – qu’une annulation du scrutin déclencherait des émeutes». Mais le quotidien considère cette annulation comme un «cadeau empoisonné» pour le canton de Berne, qui espérait clore ce dossier le plus rapidement possible.
Gênant pour la démocratie
Le Bund/Tagesanzeiger ainsi que la Neue Zürcher Zeitung (NZZ) prennent un peu de recul. Ils rappellent que le canton de Berne n’a pas toujours été exemplaire dans la Question jurassienne: il a tenté d’influencer les électeurs dans les années 70 en soutenant financièrement les pro-bernois. En revanche, l’enjeu ne s’arrête pas à Moutier, estime le Bund/Tagesanzeiger: «Pour le pays démocratique modèle qu’est la Suisse, le cas de Moutier devient gênant». Mais la situation n’est plus la même aujourd’hui qu’il y a 50 ans, relève la NZZ: «Ni le gouvernement ni le parlement bernois ne contestent que la ville doit décider elle-même si elle veut rester dans le canton ou non». Malgré la colère, les doutes et les tensions, le quotidien zurichois considère que le conflit touche à sa fin.
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