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En Catalogne, l’incertitude au-delà des urnes

Des centaines de milliers de personnes ont envahi les rues de Barcelone le 11 septembre pour célébrer la Diada, la Fête nationale de la Catalogne. Un autre rendez-vous crucial attend les habitants de la province le 27 septembre: des élections régionales qui auront valeur de plébiscite pour ou contre l'indépendance. Keystone

Les Catalans se rendent aux urnes le 27 septembre pour des élections régionales anticipées présentées comme un plébiscite pour ou contre l’indépendance de leur province. Yanina Welp, politologue au Centre de recherche pour la démocratie directe (c2d) d’Aarau, analyse les enjeux de ce scrutin qui agite les passions.

«La répartition des forces est très complexe. Le soutien de la société catalane en faveur de l’indépendance est important, mais il n’est pas majoritaire. Et le camp opposé ne l’est pas non plus. Cela crée de nombreuses incertitudes. Il y a des personnes qui ne veulent pas l’indépendance mais qui en ont marre du Parti populaire (conservateur) au pouvoir et de certaines politiques venant de Madrid», affirme la politologue Yanina WelpLien externe, qui connaît bien la Catalogne pour y avoir étudié et vécu durant huit ans.  

La situation est «brûlante» dans cette province du nord-est de l’Espagne, juge Yanina Welp. On reproche notamment aux dirigeants indépendantistes d’avoir organisé les élections durant un week-end prolongé au cours duquel les habitants de Barcelone – plus susceptibles de voter contre l’indépendance – ont l’habitude de s’absenter de leur domicile. Quant au président de la province, l’indépendantiste Artur Mas, à l’origine de ces élections anticipées, il est accusé d’avoir financé sa campagne avec des fonds illégaux.

Les enjeux du scrutin

Très jalouse de son identité, la Catalogne est en conflit ouvert avec Madrid et n’a eu de cesse depuis 2012 de réclamer un référendum. Dans ce contexte, les partisans de l’indépendance présentent les élections régionales de dimanche comme un plébiscite, pour ou contre leur projet de conduire cette région prospère du nord-est de l’Espagne vers la sécession en seulement 18 mois. Le premier ministre Mariano Rajoy a toujours refusé un référendum sur l’indépendance catalane, estimant que tous les Espagnols doivent se prononcer sur l’unité du pays.

De son côté, le gouvernement espagnol n’a fait qu’attiser les revendications indépendantistes en mettant constamment en avant la non-légalité du scrutin, comme si «la loi était une parole sainte». La loi, souligne Yanina Welp, est là pour être appliquée, mais elle doit être décidée par une collectivité dans le but d’établir un cadre de coexistence. «La loi n’est donc pas inamovible. Dans n’importe quel pays, dans n’importe quelle circonstance, on peut la réformer voire même l’abolir». 

En Espagne, comme le rappelle notre interlocutrice, la Constitution a déjà été modifiée à d’autres occasions. Mais lorsqu’il s’agit de la Catalogne, la discussion est impossible. «Il n’y a aucun autre argument que de dire: ‘la loi l’interdit’. C’est une fermeture totale».

Une discussion absurde

La politologue souligne par ailleurs que le processus d’indépendance a un impact très profond mais qu’il est traité avec une «superficialité extrême». Il n’a ainsi jamais été déterminé si une communauté autonome d’Espagne pouvait organiser une consultation populaire et mettre directement sur pied un processus d’indépendance de l’Etat.

A cet égard, Yanina Welp cite le modèle québécois, qui a permis un tel processus, et celui du canton du JuraLien externe, en Suisse, où les citoyens ont été consultés à chaque échelon – national, cantonal et communal – lorsqu’il a fallu décider de la création du nouveau canton dans les années 1970. «En Espagne, cette décision n’a pas eu lieu», déplore-t-elle.

Qu’adviendrait-il d’une ville importante qui ne voudrait pas faire partie de la Catalogne indépendante? Qui aurait le droit de voter? Tous les Espagnols ou seulement les Catalans? Ce sont précisément ces questions qui devraient être étudiées, «en lieu et place de la discussion absurde qui s’est tenue jusqu’à présent».

Pas d’autre canal

Liée affectivement à la Catalogne, Yanina Welp pense qu’elle voterait «non» à la scission, en raison notamment du contexte dans lequel cette initiative a été lancée et du peu de crédit qu’elle accorde aux acteurs centraux de cette démarche, notamment le parti d’Artur Mas, Convergence démocratique de Catalogne (CDC).Lien externe

Mais elle défend fermement le droit à la consultation des citoyens. «Je suis pour la mise sur pied de tels mécanismes», dit-elle. Elle regrette cependant que le gouvernement espagnol ferme constamment la porte au débat, et pas seulement dans le cadre de l’indépendance de la Catalogne. «Les citoyens n’ont pas la possibilité d’intervenir comme ils le font par exemple en Suisse pour proposer ou abroger une loi. En Espagne, il n’y a pas d’autre canal démocratique que celui des élections».

Dans ce contexte tendu, il est probable que l’alliance des forces indépendantistes obtienne la majorité des sièges au Parlement régional. L’accord prévoit qu’Artur Mas prenne la présidence du gouvernement et Oriol Junqueras, du parti de la Gauche républicaine de Catalogne,Lien externe la vice-présidence.

S’ouvrira ensuite un processus de transition de 18 mois qui mènera à l’indépendance et à la formulation d’une nouvelle Constitution. Artur Mas a indiqué à plusieurs reprises qu’il utiliserait la déclaration unilatérale d’indépendance en dernier recours. «Cependant, le processus annoncé y conduit clairement», affirme Yanina Welp.

(Traduction et adaptation de l’espagnol: Samuel Jaberg)

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