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L’initiative populaire, très tendance en politique suisse

L'être humain et le singe doivent-ils avoir les mêmes droits fondamentaux? Keystone

Rien n’a plus dominé la politique suisse que l’initiative populaire au cours des dernières années. Pourquoi les appels à réformer cet instrument de la démocratie direct ont-ils faibli, alors que la mise en œuvre des initiatives populaire est toujours plus discutée? Des politologues et des experts de la démocratie ont étudié la question dans le nouvel «Annuaire de la démocratie directe».

Les activistes du think tank Sentience Politics le disent ouvertement: le plus important pour eux n’est pas la requête exprimée par leur initiative, à savoir que les singes aient les mêmes droits fondamentaux que les humains. Non, les militants qui ont soumis l’initiative Lien externe«Droits fondamentaux pour les primates» dans le canton de Bâle-Ville en 2017 ont un objectif plus global.

Cet article fait partie de #DearDemocracy, la plateforme de swissinfo.ch pour la démocratie directe. En plus de celles de la rédaction, elle accueille des contributions d’auteurs extérieurs. Leurs positions ne correspondent pas forcément à celles de swissinfo.ch.

Sur leur page d’accueil, les auteurs écrivent que ces droits ne devraient pas seulement s’appliquer aux singes, mais aussi aux porcs, aux vaches et aux poules. Ils soulignent que l’intervention n’est qu’un premier pas sur la voie de la mise en place de droits fondamentaux pour les animaux garantis dans le monde entier et d’une alimentation végétalienne pour tous.

Sentience Politics décrit son texte, lancé à l’échelle cantonal, comme une première étape pour défendre une cause globale. Elle a toutefois été repoussée par le parlement du canton. A l’origine, l’initiative avait été déclarée irrecevable pour cause de violation du droit fédéral. En début d’année, la Cour constitutionnelle cantonale a toutefois accepté un recours contre cette décision.

Dans un article de l’«Annuaire pour la démocratie directe», Suzann-Viola Renninger estime que ce type d’initiative populaire se base sur la technique du «pied dans la porte», d’ordinaire utilisée en publicité et marketing comme «une technique de persuasion dont l’élément central consiste à augmenter successivement le coût de demandes individuelles».

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Un outil devenu un incontournable de la démocratie directe

Ce contenu a été publié sur Il y a 125 ans, le 5 juillet 1891, les citoyens suisses – que des hommes à l’époque – acceptaient une révision partielle de la Constitution fédérale, dont l’innovation capitale était l’établissement de l’initiative populaire sur la scène fédérale. Avec ce nouveau droit, 50’000 citoyens avaient la possibilité de proposer une modification de la Constitution,…

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Dans ce cas, la première «demande», c’est-à-dire l’initiative populaire avec sa revendication politique, consiste à garantir les droits fondamentaux des primates. Une demande qui pourrait être acceptée relativement facilement par les électeurs. La revendication politique impliquerait cependant un véganisme prescrit par la Constitution, ce qui serait beaucoup plus difficile à digérer pour certains.

Donner la parole aux minorités

La fonction de «pied dans la porte» s’ajoute aux fonctions déjà existantes du droit d’initiative suisse. Selon le politologue Wolf LindnerLien externe, ancien professeur à l’Université de Berne, il y en a trois, qui visent toutes à promouvoir les préoccupations des minorités:

● La fonction d’exutoire, lorsque l’initiative est utilisée comme moyen d’action contre l’élite dirigeante

● La fonction de catalyseur, qui consiste à catapulter des sujets à l’ordre du jour avant qu’ils ne soient une actualité

● La fonction de volant d’inertie, qui prend effet lorsque l’initiative est déjà discutée par certains cercles et doit pénétrer davantage la sphère publique

Devenue une assistante électorale

A côté de cela, une autre fonction a pris de l’importance au cours de la dernière décennie: celle de l’initiative populaire qui fait office d’assistante électorale pour les partis politiques. Avant des élections importantes, les partis utilisent l’initiative populaire pour lancer un sujet et convaincre les électeurs de voter pour eux.

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Dans leur contribution à l’Annuaire, les auteurs Axel Tschentscher, Andreas Gutmann et Lars Ruchti démontrent que le flot d’initiatives a, depuis peu, eu tendance à diminuer. Cela aurait aussi permis de calmer les discussions à propos d’une réforme de l’initiative populaire. Une question qui avait été soulevée car certains craignaient que l’État ne soit saturé par le traitement des trop nombreux textes. Ils voulaient restreindre l’accès à ce droit populaire en augmentant le nombre de signatures requises. Le seuil actuel est de 100’000, qui doivent être collectées dans un délai de 18 mois.

Selon les auteurs, une nouvelle étude a également contribué de façon significative à apaiser les esprits. Elle a montré qu’au cours des 40 dernières années, l’initiative populaire a été de plus en plus utilisée pour mobiliser les électeurs par presque tous les partis.

Mais malgré sa transformation en «machine de campagne électorale», les auteurs constatent que l’initiative populaire a pu conserver sa fonction originelle d’exutoire à l’usage des minorités. Leur conclusion: l’initiative populaire est presque autant utilisée dans sa fonction d’exutoire que dans celle de mobilisation.

Annuaire de la démocratie directe

L’édition 2017 Lien externeest le 7ème volume de l’Annuaire de la démocratie directe. Pour la première fois, la direction de la publication a été confiée à une scientifique suisse, Nadja Braun Binder. Cette avocate est employée par le Centre pour la Démocratie à Aarau (canton d’Argovie) jusqu’à cet été. Elle occupera ensuite un poste de professeure assistante à l’Université de Bâle. La publication s’intéresse à la démocratie directe dans le monde.

L’histoire du «flot d’initiatives»

Les chiffres publiés dans l’annuaire montrent aussi clairement qu’on ne peut pas parler d’une augmentation rapide du nombre d’initiatives lancées. En 2014, un an avant les dernières élections fédérales, douze initiatives populaires ont été lancées au niveau national. Un chiffre qui correspond à la moyenne des précédentes années pré-électorales, soit 2006 et 2010.

En ce qui concerne les années électorales, les politologues ont même enregistré un déclin massif: en 2015, seules six initiatives populaires avaient été lancées. Une diminution importante par rapport à 2011, année où 21 initiatives populaires ont été lancées, ce qui est exceptionnel. Au cours de l’année électorale 2007, douze textes ont été lancés.

Les années 2016 et 2017 ont été des années classiques de milieu de législature, avec une moyenne de 8,5 initiatives lancées, ce qui correspond à la moyenne à long terme.

Davantage de débats autour de la mise en œuvre

En plus des discussions désormais étouffées sur une réforme de l’initiative populaire, les auteurs identifient une deuxième tendance forte: la mise en œuvre des initiatives est de plus en plus débattue.

L’initiative dite de mise en œuvre, qui a été rejetée en votation fédérale en février 2016, en est un bon exemple. A travers ce texte, l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) a voulu retirer des mains du Parlement la tâche de mettre en œuvre son initiative sur l’expulsion des «criminels étrangers».

La mise en œuvre de l’initiative «Contre l’immigration de masse», également lancée par l’UDC, a aussi fait beaucoup de bruit. Parallèlement aux travaux de mise en œuvre en cours au Parlement suisse, l’initiative populaire RASA («Sortons de l’impasse») avait été lancée pour tenter de revenir sur le résultat de la votation. Par la suite, elle avait été retirée, les initiants ayant estimé que leurs objectifs avaient été largement atteints par la solution d’application trouvée par le Parlement.

L’UDC a toutefois estimé que son texte n’était pas appliqué et a décidé de maintenir la pression en lançant un autre texte. En octobre 2018, le parti a ainsi déposé l’initiative populaire «pour une immigration modérée (initiative de limitation)Lien externe», sur laquelle les Suisses devraient voter en 2020.

Populaire malgré de faibles chances de succès

Les auteurs concluent que les initiatives populaires sont et resteront le grand succès de la démocratie directe en Suisse. Au cours du seul mois de mars, quatre comités ont commencé des récoltes de signatures.

Cela en dépit du fait que les chances de succès de telles initiatives sont en fait très faibles. Le peuple suisse ne dit oui qu’à une initiative populaire sur dix.

(traduction de l’allemand: Katy Romy)

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