Des exportations chimiques en Syrie soumises à autorisation
(Keystone-ATS) L’affaire d’exportation d’isopropanol vers la Syrie, une substance pouvant servir à la fabrication de gaz sarin, a des suites. Le Conseil fédéral soumet à une obligation d’autorisation avec effet immédiat l’exportation de certains produits chimiques vers ce pays.
Le gouvernement veut que toutes les livraisons de marchandises en Syrie qui pourraient être détournées de leur utilisation légitime, en vue de fabriquer des agents chimiques de combat, soient à l’avenir soumises à une procédure d’autorisation. L’Union européenne (UE) applique déjà une restriction similaire aux exportations de ce type. La modification d’ordonnance a pris effet vendredi dès 18h00.
Ainsi, la vente, la livraison, l’exportation et le transit de certains produits chimiques (dont l’isopropanol), matériaux et autres biens à destination de la Syrie ou destinés à être utilisés en Syrie devront dorénavant être autorisés par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). Les services liés à ce type de biens, y compris le financement, sont eux aussi soumis au régime de l’autorisation.
Celle-ci sera donc refusée s’il y a des raisons de supposer que les biens seront ou pourraient être utilisés à des fins autres que celles indiquées. Le SECO pourra donner son feu vert uniquement après avoir consulté le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et le celui de la défense (DDPS).
Le SECO critiqué
Plusieurs médias ont fait état, depuis fin avril, d’une livraison d’isopropanol par une entreprise suisse à un fabricant privé syrien de produits pharmaceutiques en 2014. Le SECO a fait l’objet de critiques pour ne pas avoir empêché l’exportation de ce produit chimique utilisé pour fabriquer notamment des désinfectants, mais qui peut aussi être détourné.
Dans ce dossier, le contrôle a conclu que le SECO avait agi correctement en ne s’opposant pas à la livraison. La substance chimique avait entièrement été utilisée dans le processus de fabrication d’un médicament du mandant suisse. Aujourd’hui encore, des fabricants de produits pharmaceutiques de renom travaillent depuis la Suisse avec la société syrienne destinataire.
Par ailleurs, les dispositions applicables de l’ordonnance sur le contrôle des biens auraient uniquement permis d’empêcher l’exportation s’il y avait eu des raisons de penser que le produit était destiné à la fabrication ou à l’utilisation d’armes chimiques. Or en l’occurrence, ce n’était pas le cas.
Une attaque récente
En 2013, l’UE avait interdit l’exportation vers la Syrie de certaines substances chimiques. Des sanctions reprises par la Suisse. Toutefois, l’isopropanol n’est ni mentionné parmi les produits listés par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, ni dans les appendices des sanctions contre la Syrie.
Suite à l’utilisation probable de gaz sarin à Douma le 7 avril 2018 et à la détérioration de la situation dans ce conflit au cours des dernières années, une telle exportation serait certainement bloquée aujourd’hui, avait indiqué le SECO en répondant aux critiques de certains médias et organisations humanitaires.
La Syrie a signé la Convention en 2013. Dans ce cadre, elle a détruit l’année suivante les réserves étatiques d’isopropanol. La substance avait été utilisée dans le programme d’armement du pays et les autorités syriennes l’avaient déclaré à la Convention. Les stocks des entreprises privées n’ont cependant pas été détruits.
Le Conseil fédéral a arrêté ses premières sanctions à l’encontre de la Syrie en mai 2011, se ralliant ainsi aux mesures décrétées par l’UE à l’encontre de Damas. Depuis, il a adapté plusieurs fois l’ordonnance ad hoc afin de se coordonner avec les décisions de l’UE.