Des gènes de la « domestication » découverts chez les renards
(Keystone-ATS) « Si tu veux un ami, apprivoise-moi », dit le renard. Que faut-il faire? répond le Petit prince. Débutée il y a 60 ans, une expérience sur des renards visant à mieux comprendre le processus d’apprivoisement a permis de découvrir des gènes impliqués.
« Nous avons pu montrer qu’un gène spécifique » – connu sous le nom de SorCS1 – « a un effet sur le comportement, rendant les renards plus dociles », explique à l’AFP Anna Kukekova de l’Université de l’Illinois, coauteure de l’étude publiée mardi dans la revue Nature Ecology & Evolution.
L’histoire commence en 1959 quand le biologiste russe Dmitri Beliaïev décide de tester expérimentalement sa théorie sur le processus de transformation du loup sauvage en un chien docile. Selon lui, la génétique joue un rôle plus important que la socialisation apprise au contact des humains.
Prenant ses quartiers dans une ferme d’élevage en Russie, il démarre son expérience en choisissant parmi des renards roux (appelés aussi renards communs ou renards rouges) ceux qui étaient les moins agressifs envers l’homme. Cette sélection a été répétée depuis, à chaque nouvelle génération, pendant près de 60 ans.
« Dès la dixième génération, quelques renardeaux remuaient la queue comme des chiens en présence d’êtres humains, même quand il n’y avait pas de nourriture en jeu », décrit Anna Kukekova. « Ils étaient juste heureux de voir des humains ».
Aujourd’hui, les 500 couples du groupe sont tous à l’aise en présence d’hommes, même s’ils ne sont pas aussi bien domestiqués que les chiens.
Autres groupes
En parallèle, les chercheurs ont également créé, sur la même méthodologie, un groupe de renards « agressifs » et un groupe témoin (composé de renards choisis au hasard).
Profitant des progrès faits ces dernières années en matière de séquençage, Anna Kukekova et son équipe ont décrypté le génome de 10 renards de chacun des trois groupes. Résultat: les chercheurs ont identifié 103 zones génétiques impliquées.
Et plus particulièrement le gène SorCS1: plus de 60% des animaux « domestiqués » – y compris ceux du groupe témoin – partageaient la même variante du gène SorCS1. Une variante totalement absente chez les renards agressifs.
Selon l’étude, certaines des zones génétiques identifiées chez le renard correspondent chez l’homme à l’autisme et aux troubles bipolaires, ou encore au syndrome de William-Beuren, une maladie génétique rare notamment caractérisée par une hypersociabilité.