A Davos, le monde passe du palais à l’hôtel
Le centre névralgique de la réunion annuelle du Forum économique mondial est le Palais des Congrès. L'essentiel des 223 réunions prévues au programme s'y tient.
C’est pourtant souvent en marge, dans les hôtels de la station grisonne que se «fait» l’avenir de l’économie et de la politique.
«I’m very sorry!» Patron de la communication à Davos, Mark Adams semble sincère. Il existe une limite physique à la capacité d’une salle de réunion. Qu’elle soit ou non dédiée aux décideurs du monde.
Nous sommes mercredi matin aux premières heures du jour J à Davos. Beaucoup ont laissé leur cravate au vestiaire, la réunion annuelle 2007 vient de commencer.
Dans la salle «Sanada 1+2», une universitaire, un haut fonctionnaire indien et un patron de la Bank of China évoquent les dossiers chauds pour les 12 à 18 mois à venir sur le plan économique.
Les perspectives sont réjouissantes, constatent les intervenants. Et cela, même en cas de ralentissement aux Etats-Unis, dont le risque apparaît bien réel.
Pour l’un des orateurs – américain –, le système économique mondial profite d’une stabilité induite telle qu’elle réduira l’impact du coup de frein outre-Atlantique.
A l’extérieur, les malchanceux qui n’ont pas trouvé place dans la salle tentent de s’extraire de la cohue impatiente à mesure qu’une place se libère. Les hôtesses veillent au respect des convenances.
Sessions sur session
Au même moment, d’autres sessions sont en cours. Cinq, sur les 223 agendées en cinq jours. On y parle du réchauffement climatique sous l’aspect légal, de l’influence des technologies sur l’identité ou de l’actualité immédiate du Moyen-Orient.
Mais ces cinq-là, comme la plupart, ne sont pas ouvertes aux journalistes qui «rapportent», installés sous une tente connexe avec pour mission d’informer le reste du monde.
Hors du feu des médias, les décideurs économiques, politiques ou de la société civile veulent se parler sans retenue. Il en va de l’agenda des mois qui viennent.
Quant aux pontes médiatiques intégrés aux participants, ils sont essentiellement là pour débattre, compléter leur carnet d’adresse ou s’offrir un peu de «background», histoire de mieux saisir la suite de la partie mondiale…
La pointe de l’Iceberg
Le tout se déroule au Palais des Congrès de Davos. Le centre névralgique du WEF. Un gigantesque fromage de béton percé de couloirs, de halls et de salles plus ou moins vastes. Un lieu où les plus beaux rouges à lèvres se confondent avec les regards les plus volontaires.
Un bâtiment sous haute surveillance aussi. Et gorgé d’électronique. Comme ces bornes intranet qui permettent aux participants d’entrer puis de rester en contact.
Pourtant, ce concentré de puissance n’est que la pointe de l’iceberg. Le reste fait le bonheur des hôteliers de la station grisonne. D’abord, les sessions gagnent les quatre étoiles le soir venu, pour se muer en «diners» utiles. Le tout, portes closes.
Les hôtels enneigés en voient d’autres. Dans leurs suites et couloirs, une diplomatie plus ou moins souterraine tisse des liens. Et les grands patrons échafaudent de futurs «deals», rendus publics bien après janvier et sans référence à leur ascendance davosienne.
Pour un profit maximal
Ces coulisses sont la force de la réunion du WEF. Elles la rendent difficilement contournable, comme le prouve le chiffre et le niveau constants des participants.
Dans ce jeu des discussions bilatérales ou multilatérales et des accords signés en marge, la Suisse n’est pas la dernière, avec sa délégation et ses ministres fidèlement installés à l’hôtel de la Poste.
Micheline Calmy-Rey, Doris Leuthard et les autres sont appelés à jongler entre les rendez-vous fixés depuis Berne, les sollicitations surprises et les dossiers qui se débloquent soudainement. En résumé, il faut tirer parti de cette incroyable concentration de décideurs sur terrain suisse.
Derrière et autour, les attachés de presse, détachés de leur bureau pour l’occasion, font leur possible pour alerter les médias. Un exercice de haute voltige, sur téléphone mobile en mode sms.
Neuf mois plus tard
Cette course sans filet est un ticket pour l’adrénaline. Certains s’y fatiguent et fantasment sans doute sur un autre atout de Davos: ici, les carrières aussi se font.
Un quotidien anglo-saxon raconte que l’actuelle directrice générale d’Anglo-American a été engagée neuf mois après s’être assise et présentée à un étranger lors d’un dîner en 2006.
swissinfo, Pierre-François Besson à Davos
La rencontre annuelle du WEF se déroule du 24 au 28 janvier à Davos.
Cette 37e édition accueille 2400 participants de 90 pays, dont la moitié viennent de l’économie.
Y sont présents 24 chefs d’Etat ou de gouvernement, 85 ministres, les patrons de plusieurs organisations internationales et plus de 480 représentants de la société civile.
Quatre ministres suisses sont aussi de la partie.
Sous de signe de «L’évolution dans l’équilibre des forces», les décideurs y parlent économie, géopolitique, entreprise, technologie et société.
Le World Economic Forum est une fondation créée à Davos en 1971 par Klaus Schwab sous l’appellation de Management Symposium.
Elle a son siège à Cologny, dans le canton de Genève, et emploie plus de 290 collaborateurs.
Son budget annuel dépasse les 100 millions de francs, notamment financés par les cotisations de 1000 entreprises membres.
Le WEF se définit comme «la première plateforme de dialogue au monde» pour les responsables de tous poils.
Il organise à travers le monde toute une série de symposiums, promeut des initiatives et des groupes travail, réalise des études et propose un programme de master.
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