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Alain Perroux: «Je suis très bien accueilli en France»

L'Opéra national du Rhin est une institution régionale à la réputation internationale. © Nis & For.

Rares sont les Suisses qui ont dirigé de grandes scènes françaises. Directeur général de l’Opéra national du Rhin (OnR), prestigieuse institution sise à Strasbourg, le Genevois Alain Perroux prépare sa première saison lyrique. Portrait d’un Chevalier des Arts et des Lettres émerveillé par la magie de la musique et des spectacles.

Il faudrait d’abord parler de cette ample chevelure rousse serrée dans une queue de cheval qu’Alain Perroux portait tel un styliste de mode. C’était dans les années 1990, il avait alors à peine 25 ans et se distinguait par sa tête bien faite autant que par sa plume bien ciselée de critique musical. Alain Perroux, nous l’avons côtoyé pendant trois ans au sein d’un quotidien romand pour lequel nous travaillions tous deux. Il brillait alors par son analyse très percutante des spectacles. Rien n’a changé depuis, sauf son look qui s’est embourgeoisé: la queue de cheval a disparu, une barbe a poussé. Allure de cadre supérieur, avec en moins la raideur du chef.

Genevois pur jus, l’homme dirige aujourd’hui l’Opéra national du Rhin (OnR), prestigieuse institution française sise à Strasbourg, avec des activités réparties sur deux autres villes: Mulhouse et Colmar. Directeur général de l’OnR depuis janvier 2020, Alain Perroux prépare pour le moment sa première saison lyrique qui démarre en 2021. Totale discrétion néanmoins sur sa programmation! Malgré une année sur le fil du rasoir (pandémie oblige), il garde son calme olympien et surtout ses émotions d’enfant, toujours émerveillé par la magie de la scène.

Un enthousiasme intact

La charge administrative n’a jamais écorné l’enthousiasme de ce passionné de musique. «Je suis tout sauf blasé», lance-t-il au téléphone en cette matinée de décembre bien compliquée, rythmée par des réunions avec son équipe. La veille, les annonces du Premier ministre français, relatives aux restrictions sanitaires, chamboulaient tout. La veille aussi, il avait assisté à la Générale de «Hansel et Gretel», l’opéra d’Engelbert Humperdinck à l’affiche de son institution. De ce grand morceau du répertoire, il a vu au moins dix versions. «A chaque fois j’en sors enchanté», dit-il, avant de préciser: «Pour l’instant, les représentations sont annulées, mais je ne désespère pas car on va réaliser une captation de cet opéra qui sera diffusée, début 2021, en streaming, gratuitement».

Né en 1971, Alain Perroux a fait des études de musicologie et de langue allemande à l’Université de Genève, avant de se lancer dans le journalisme. © Nis & For.

Streaming. Le mot est aujourd’hui sur toutes les bouches des directeurs de salles, partout en Europe. Les esprits sceptiques redoutent néanmoins son effet à long terme. Ne finira-t-il pas par tuer la scène? «Non je ne pense pas, répond Alain Perroux, le public ne voudra jamais se passer des émotions en live, que le streaming ne peut pas procurer justement. Cela dit, il ne faut pas oublier que ce moyen de diffusion existe depuis une quinzaine d’années. Pour autant, il n’a jamais empêché le spectacle vivant de poursuivre sa route ».

Le journalisme, une école

Né en 1971, Alain Perroux fait des études de musicologie et de langue allemande à l’Université de  Genève, avant de se lancer dans le journalisme. «Je me souviens de briefings passionnants, de débats constructifs au sein de la rédaction. L’écriture m’a appris à analyser les concerts et les opéras, à en critiquer la forme et le contenu sans m’en tenir à ce jugement simpliste:  j’aime/je n’aime pas. Le journalisme est une école de la pensée qui me sert encore aujourd’hui dans mes choix de compositeurs, de chanteurs, de metteurs en scène».

Sa lucidité et son sérieux ont forgé sa réputation bien au-delà des frontières suisses. Après avoir été dramaturge au Grand Théâtre de Genève (de 2001 à 2009), Alain Perroux est engagé comme Directeur de l’administration artistique au Festival d’Aix-en-Provence, le plus couru festival d’art lyrique d’Europe. Il y restera dix ans, y côtoiera de grands artistes internationaux, comme Patrice Chéreau et Peter Sellars, saura repérer les jeunes talents, sopranos, ténors et autres barytons.

Accueil français chaleureux

Son flair et son savoir (il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la musique) lui valent les honneurs du Ministère français de la Culture qui, en 2019, le fait Chevalier des Arts et des Lettres. «J’étais très surpris et en même temps très touché lorsque le Ministère m’a prévenu, je n’avais pas l’impression d’avoir accompli des exploits qui expliquent l’attribution de cette médaille. Je dois avouer que partout en France je suis très bien accueilli, y compris à Strasbourg bien sûr où j’apprécie la présence de collaborateurs bienveillants, toujours à l’écoute», confie-t-il.

«Les gens ici sont ponctuels, ils aiment le travail bien fait, le dialogue social passe très bien, il est fructueux et m’évite une perte de temps» Alain Perroux, directeur général de l’Opéra du Rhin

Les Alsaciens ont un côté germanique qui lui rappelle la Suisse. «Les gens ici sont ponctuels, ils aiment le travail bien fait, le dialogue social passe très bien, il est fructueux et m’évite une perte de temps». La proximité avec les frontières helvétiques est prometteuse. Dans l’avenir, il est probable qu’Alain Perroux fasse tourner certaines de ses productions en Suisse. Pas à Bâle où il y a déjà un opéra. «Notre but, dit-il, est de faire connaître dans un proche avenir l’art lyrique à des populations qui n’ont pas l’habitude de fréquenter les salles de théâtre, aussi bien en France que dans les pays frontaliers».

En attendant, le directeur de l’OnR invitera de jeunes artistes suisses à se produire chez lui. Parmi eux le ténor Tristan Blanchet et la soprano Ève-Maud Hubeaux, qui font aujourd’hui une belle carrière internationale. Une collaboration placée d’ores et déjà sous les meilleurs auspices, Alain Perroux veillant avec bonheur sur la musique.

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