Le trumpisme comme crash test pour la démocratie
Frein suisse à l'immigration, Brexit, élections américaines: cette série de réactions à la globalisation constituent un test pour les démocraties occidentales. L'étonnante accession de Donald Trump à la Maison Blanche est le signal le plus clair d'une révolte anti-establishment qui secoue les démocraties des deux côtés de l'Atlantique.
Le vote qui a permis de propulser le magnat de l’immobilier à la présidence des États-Unis reflète une réaction profonde envers les marchés et les frontières ouvertes. Des millions d’ouvriers et de travailleurs blancs en colère pointent la mondialisation et le multiculturalisme, comme causes de leur mauvais sort.
«Il y a quelques parallèles avec la Suisse. Les perdants de la mondialisation ont trouvé quelqu’un qui les écoute», déclare Wolf Linder, politologue et ancien directeur de l’Institut de science politique de l’Université de Berne. «Trump séduit les perdants de la mondialisation aux États-Unis, comme l’UDC le fait en Suisse, estime le professeur. C’est un phénomène qui touche toutes les pays européens.»
La campagne populiste et polarisante de Trump – un outsider dans son propre parti politique – reflète une polarisation politique croissante qui traduit un rejet des classes politiques traditionnelles.
Son vœu de secouer l’establishment fait écho aux propos des candidats populistes dans des pays européens comme la Suisse, l’Autriche, la France, la Hongrie, la Pologne et la Suède, où le populisme a gagné malgré des conditions économiquement stables.
Écouter les gens
Les élites européennes et américaines sont coupées des travailleurs, selon Wolf Linder, parce qu’elles sont «trop liées à la grande industrie et aux secteurs qui ont profité de la migration».
Défenseur de la démocratie directe, Wolf Linder ajoute: «Tant que les élites dirigeantes ne compenseront pas les pertes de la mondialisation, restera un potentiel de protestation qui ira grandissant. Et je pense que la situation est très semblable dans de nombreux pays industrialisés et démocratiques. L’image ou la réputation de la démocratie libérale en en train de souffrir.»
En Suisse par exemple, le vote de février 2014 favorable à l’introduction de quotas pour les migrants en provenance de l’Union européenne met en péril non seulement un accord de longue date avec Bruxelles pour garantir la liberté de circulation, mais met aussi en péril les nombreux secteurs économiques suisses qui ont besoin d’employés étrangers.
«Le problème est que tous ces partis d’extrême droite et populistes soulèvent tous les problèmes, mais sans apporter de solutions», estime Wolf Linder.
Après le vote de 2014, le président de la Confédération a dû faire appel à l’unité nationale et au calme. De même, les dirigeants britanniques ont tenté de contenir les dommages après la décision de la Grande-Bretagne de quitter l’UE.
Complications
Selon un haut responsable des Nations Unies, la démocratie directe peut servir de contrepoids aux gouvernements perçus comme sourds à leurs propres citoyens.
«La démocratie directe est sans aucun doute l’une des méthodes les plus efficaces, fiables et transparentes pour déterminer la volonté du peuple», estime Alfred de Zayas, professeur de droit international américain à Genève et rapporteur spécial de l’ONU pour la promotion de la démocratie et de l’égalité dans les gouvernements.
Cependant, certaines conditions doivent exister pour que ces systèmes réussissent.
Alfred de Zayas estime que les démocraties représentatives – celles basées sur la représentation des citoyens par des élus – ont de plus en plus déçu les électeurs «parce que les parlementaires, une fois élus, consultent rarement leurs électeurs et prennent parfois des décisions clairement contraires aux souhaits exprimés par l’électorat».
L’inverse peut aussi conduire à des problèmes, comme on l’a vu avec le gouvernement suisse et les parlementaires qui cherchent à mettre en œuvre l’initiative anti-immigration, sans casser les accords bilatéraux avec l’UE.
Exemple suisse
Cependant, la fréquence des référendums suisses fournit une «soupape de sûreté» pour se protéger d’une trop grosse pression de mécontentement populaire, selon Alfred de Zayas.
Jürg Steiner, politologue suisse à l’université de Caroline du Nord ajoute: «En Suisse, quatre fois par an, les citoyens peuvent se prononcer sur des questions de fond. Donc si les choses tournent mal, ils ne peuvent pas blâmer l’establishment.
Autre problème: peut-être que les gens ne s’écoutent plus les uns les autres, en partie à cause des médias sociaux qui favorisent l’entre soi.
«Nous avons besoin de plus de délibérations, ce qui signifie que les gens doivent être prêts à écouter les arguments des uns et des autres», estime Jürg Steiner.
Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand
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