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Les partisans du mouvement Gülen menacés de poursuites judiciaires

La rupture entre Gülen et Erdogan avait déjà divisé la communauté turque de Suisse il y a trois ans. Keystone

Le gouvernement turc met la pression sur les opposants turcs de Suisse. A la suite de plusieurs articles parus dans la presse suisse qui font état du désir de vengeance du président turc Recep Tayyip Erdogan contre ses ennemis potentiels, l’ambassade de Turquie en Suisse a pris position au cours d’une conférence de presse. L’ambassadeur ad interim qualifie le mouvement Gülen d’organisation terroriste. L’ambassade de Turquie envisage de poursuivre en justice les membres de ce mouvement en Suisse.

«Depuis le coup d’Etat raté, la Turquie a des preuves claires que le mouvement Gülen est une organisation terroriste», a indiqué Volkan Karagöz, l’ambassadeur ad interim, dès le début de la conférence de presse.

Fethullah Güllen, autrefois considéré comme un proche du président Erdogan, est tombé en disgrâce à la suite d’accusations de corruption. Depuis le coup d’Etat raté, il est plus que jamais devenu l’ennemi numéro un du régime.

A la question de savoir si les partisans de ce mouvement en Suisse seraient considérés comme des terroristes, Volkan Karagöz répond: «Nous savons qu’il y a des membres de ce mouvement dans beaucoup de pays.» Il ajoute que s’il y a des preuves solides qu’une personne ou une institution est impliquée, elle se rend coupable par sa participation.  

La Suisse a une autre définition de ce qu’est une organisation terroriste. Toutefois, la Turquie dit être en contact avec les autorités turques à ce propos. L’ambassadeur ad interim n’exclut pas la possibilité que des poursuites soient entreprises contre les proches de la mouvance Gülen. Il n’a toutefois pas pu ou voulu évoquer les raisons pour lesquelles les membres de ce mouvement ont augmenté au cours des dernières années, en Turquie mais aussi à l’étranger.

Demande d’extradition nécessaire

Pour toute procédure, la Turquie devrait choisir la voie de l’entraide judiciaire internationale, indique l’Office fédéral de la justice. Si un Etat veut faire arrêter des personnes qui se trouvent en Suisse, il doit déposer une demande d’extradition. Il faut cependant satisfaire à des critères bien précis pour obtenir cette assistance de la Suisse, indique encore l’office. 

Il faut par exemple qu’un délit soit punissable dans les deux pays, illustre l’Office fédéral de la justice. Par ailleurs, la Suisse ne fournit pas d’entraide judiciaire «si l’objet de la procédure est une acte donc le caractère est avant tout politique aux yeux de la Suisse.» 

La prise de position de l’ambassade de Turquie est une réaction à des articles parus dans les médias au cours des derniers jours et qui font état d’une chasse à cor et à cri, surtout sur les médias sociaux, contre les détracteurs d’Erdogan.

«Ses partisans lancent des appels à signaler les dissidents du régime sur Facebook et Whatsapp», affirme 20 Minuten. Le quotidien gratuit cite différentes publications sur les réseaux sociaux qui font penser à une véritable chasse aux sorcières. «Ensemble, nous allons déloger les sympathisants du putsch de leurs tavernes. Qui ne voudrait pas dénoncer ces terroristes et ces traîtres à la patrie?», écrit l’un de ces sympathisants du régime. 

Dans un autre message posté sur Facebook, un autre partisan de l’AKP, le parti au pouvoir, exige la fermeture d’une école fondée en 2009 à Zurich par le mouvement Gülen. Fethullah Güllen, autrefois considéré comme un proche du président Erdogan, est tombé en disgrâce à la suite d’accusations de corruption. Depuis le coup d’Etat raté, il est plus que jamais devenu l’ennemi numéro un du régime.

Les Turcs de Suisse sont déjà descendus dans la rue

La rupture entre Gülen et Erdogan avait déjà divisé la communauté turque de Suisse il y a trois ans. Du jour au lendemain, certains amis avaient cessé de s’adresser la parole, raconte l’historien zurichois Cebrail Terlemez à la radio publique alémanique SRF. «Les événements en Turquie affectent les citoyens turcs en Suisse. Même si tout le monde est satisfait que la tentative de coup d’Etat soit terminée, la polarisation s’intensifie», affirme Cebrail Terlemez, qui est lui-même membre du mouvement Gülen.

Les nombreux Kurdes résidant en Suisse, qui ont à de nombreuses reprises manifesté dans les rues de Berne par le passé pour faire valoir leurs revendications, craignent eux aussi le bras long du président Erdogan. «Cette fois, les Kurdes se montrent plus prudents», affirme la parlementaire bâloise d’origine kurde Edibe Gölgeli dans les colonnes de la Basellandschaftliche Zeitung. «Aujourd’hui, ce ne serait pas le bon moment pour descendre dans la rue et protester contre la politique d’Erdogan», poursuit Edibe Gölgeli. Les Kurdes condamnent eux aussi la tentative de coup d’Etat, soutient-elle. «Erdogan doit être délogé du pouvoir par la voie démocratique», estime Edibe Gölgeli, qui ne cache pas sa crainte de voir éclater une guerre civile en Turquie, une situation qui provoquerait la fuite de nombreux Turcs de leur pays.

Hausse des demandes d’asile?

Il est réaliste d’envisager une hausse des demandes d’asile en provenance de la Turquie, affirme en écho le député libéral-radical Kurt Fluri dans le Bund de Berne. Les demandes doivent être soigneusement examinées, estime-t-il. «Et que cela plaise ou non à Erdogan», ajoute-t-il. Dans le même article, le député de la droite conservatrice Andreas Glarner, connu pour ses positions radicales à l’encontre de la politique d’asile de la Confédération, estime en revanche qu’il n’y a aucune raison d’accorder l’asile en Suisse à des putschistes. «Erdogan est un président démocratiquement élu», relève Andreas Glarner.

Ce week-end, plusieurs centaines de manifestants pro-Erdogan se sont rassemblés devant le consulat turc à Zurich pour exprimer leur joie à l’annonce de l’échec de la tentative de coup d’Etat. Cette manifestation, qui s’est déroulée dans le calme selon la police, n’a fait l’objet que de quelques encarts dans la presse locale. 


Pas de dispositifs d’écoute pour la Turquie

A la suite de la vague de purges en Turquie, le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a durci sa pratique d’autorisation d’exporter des biens qui pourraient être utilisés pour la répression de la population, écrit la Neue Zürcher Zeitung (NZZ). «En raison des événements récents en Turquie, les technologies de surveillance feront l’objet d’un examen encore plus sévère», affirme Jürgen Böhler, responsable des contrôles à l’exportation au SECO. Avant la tentative de putsch déjà, les dispositifs d’écoute mobiles avaient été interdits d’exportation vers la Turquie.


(Traduction de l’allemand: Samuel Jaberg)

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