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La Mesolcina, son autoroute, ses sociétés-écran

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La vallée Mesolcina, ici à Roveredo, compte 1600 entreprises pour 8300 habitants. Keystone

Une vallée grisonne mieux connue pour son trafic nord-sud et ses châtaignes que pour ses fiduciaires est en train de se faire une réputation dans le grand monde de la criminalité en col blanc. Ou quand le sud des Alpes prend la place des îles Caïman et des Iles Vierges britanniques. 

Les paradis fiscaux adorent se nicher dans les lieux les plus improbables. Un modeste récif calcaire émergeant des eaux chaudes de la mer des Caraïbes sous le nom d’île Caïman est devenue la capitale mondiale des hedge funds et autres entités de la finance de l’ombre. Un modeste archipel d’îlots surgissant de la même mer est devenu le centre mondial des sociétés boîte aux lettres sous le nom d’Îles Vierges britanniques. Et une modeste vallée grisonne est bien partie pour devenir la capitale des sociétés-écran d’origine douteuse.

À la suite de la restructuration qui a frappé le quotidien Le Temps accompagnée de la fermeture du magasine L’Hebdo, un groupe de journalistes a lancé le site Bon pour la têteLien externe, reprenant l’un des slogan phare de L’HEBDO.

Réunissant une trentaine de collaborateursLien externe, le site a démarré au début de l’année grâce à un financement participatif. Il entend proposer un regard impertinent et distancié sur l’actualité politique, économique, culturelle et sociétale d’ici et d’ailleurs depuis Lausanne.

Le Val Mesolcina s’est récemment découvert en effet une vocation inattendue. Connue pour être un lieu de transit nord-sud sur l’axe du San Bernardino, la vallée située aux portes du Tessin compte désormais près de 1600 entreprises pour 8300 habitants, soit une entité pour cinq personnes. Un seul village, celui de Grono, mille habitants, parvient même l’exploit de concentrer une entreprise pour deux personnes! Un exploit pour une région agricole devenue progressivement une périphérie de Bellinzone.

Comme l’explique le gouvernement grison à la question posée par un député au Grand conseil, cette situation est la conséquence d’un durcissement de la pratique tessinoise en matière d’identification des organes et des adresses. Si bien que plus de 300 de ces sociétés ont migré juste de l’autre côté de la frontière cantonale.

Coire prend-elle vraiment la mesure du problème?

La présence de ces 300 sociétés-écran ne fait pas encore de la vallée un centre financier offshore, de très loin. Mais elle suffit à susciter depuis six mois la colère du célèbre avocat et ancien procureur tessinois Paolo Bernasconi, qui voit d’un très mauvais oeil leur émergence. Surtout qu’il soupçonne qu’elles ne servent d’officines de blanchiment d’argent pour la mafia italienne. Or, le Tessin et la Suisse dans son ensemble cherchent trop à retrouver leur honorabilité financière! Pour l’homme de loi, il suffirait que les Grisons resserrent leurs contrôles. Ils pourraient simplement exiger, par exemple, que le registre du commerce vérifie systématiquement l’identité des signataires et les adresses qu’ils fournissent. Cela éviterait que de paisibles villages de montagne aux noms enchanteurs, comme celui de San Vittore, ne deviennent le théâtre d’actes criminels en col blanc.

A Coire, bien loin des sociétés-écran de Roveredo, est-on réellement en train de prendre la mesure du problème? Le gouvernement grison vient juste de reconnaître le problème. Non pas en raison de la grande criminalité internationale en col blanc, mais parce que cette situation commence à coûter à la caisse AVS en raison de faillites frauduleuses que permet ce laxisme! La Suisse s’est dotée ces trente dernières années d’un arsenal toujours plus contraignant de mesures destinées à prévenir le blanchiment d’argent.

Or, le canton des Grisons ne s’est toujours pas doté de loi spécifique encadrant l’activité et la responsabilité des fiduciaires sur le plan de la création des entreprises, ce qui permet la persistance des abus. De fait, c’est un trou qui subsiste dans la cuirasse. Un trou qui peut favoriser quelques conseiller en entreprises de la Mesolcina et du Tessin voisin, mais qui risque de porter préjudice à l’ensemble de la Suisse si rien n’est rapidement entrepris.

Cet article est initialement paru sur le site Bon pour la têteLien externe

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