PostFinance met les Suisses de Cuba en difficulté
La décision de PostFinance d’interrompre au 1er septembre le trafic des paiements avec Cuba crée des difficultés pour les projets de coopération financés par la Confédération. C’était probablement le dernier canal ouvert pour envoyer de l’argent depuis la Suisse. L’établissement financier justifie sa décision par les risques liés aux sanctions américaines (sanctions que la Suisse ne soutient pas).
Quelle n’a pas été la surprise de Roland Wüest le 27 août dernier. Le coordinateur alémanique de l’ONG MediCuba s’est vu notifier par un employé de PostFinance l’interruption dans les prochains jours du trafic des paiements avec CubaLien externe.
L’ONG est financée par des donateurs privés, des cantons, des communes, ainsi que par la DDC, l’agence publique suisse de coopération au développement. Elle fournit des équipements médicaux et des matières premières pour produire des médicaments et soutient des échanges et des transferts de savoir entre professionnels de la santé cubains et suisses. Pour elle, la mesure a de graves conséquences.
«Je ne sais pas comment on va faire»
«Nous ne sommes plus en mesure d’honorer les contrats passés avec des organismes privés et publics en Suisse», écrit l’ONG dans un communiqué. Même si PostFinance a évoqué la possibilité de trouver des solutions, Roland Wüest ne sait pas encore ce qui va advenir des projets à Cuba. «Je ne sais toujours pas comment on va faire. Les grandes banques suisses ont fermé leurs canaux sur l’île il y a quelques années et PostFinance offrait probablement la dernière chance pour les transferts d’argent entre la Suisse et Cuba».
Contactée par swissinfo.ch, PostFinance confirme que le canal de paiement vers Cuba est fermé depuis le 1er septembre 2019 en raison du durcissement des sanctions américaines contre le gouvernement cubain. Il y a quelques exceptions, mais l’institut financier ne veut pas donner de détails. Pour PostFinance, le risque, en cas de maintien des relations commerciales avec Cuba, est l’exclusion du trafic international des paiements, affirme Johannes Möri, porte-parole de la banque postale.
Dans une communication écrite de PostFinance en possession de swissinfo.ch, l’établissement précise qu’en tant que banque suisse, il n’est pas directement soumis au droit américain, mais qu’il participe à des opérations de paiement globales et dépend d’un réseau et de l’accès aux opérations de paiement en dollars US. Ainsi, le droit américain a, dans certains cas, un effet extraterritorial.
Surprise et indignation
swissinfo.ch a activé ses contacts à Cuba et lancé un appel sur FacebookLien externe, invitant ses lecteurs à signaler les difficultés que rencontrent les citoyens suisses établis sur l’île après la décision de PostFinance. D’après les premières réactions, un retraité suisse à La Havane signale qu’il ne peut plus accéder à l’argent de sa rente, versé sur un compte PostFinance.
Divers contacts nous signalent que cette affaire s’inscrit dans une longue suite de difficultés pour les Suisses de Cuba avec les banques, puisque UBS, Credit Suisse et les autres ont déjà cessé de transférer de l’argent vers l’île par le passé.
Il ressort également, des mails que nous avons reçus, un sentiment d’indignation face au manque d’informations fournies par PostFinance. «Ce qui me dérange, et je trouve ça d’une insolence absolue, c’est la manière. On ferme le robinet, sans aucun avertissement. Et maintenant. Il y a beaucoup de gens qui se trouvent démunis», écrit un citoyen suisse établi à Cuba depuis dix ans, en précisant qu’il ne veut pas commenter la mesure en soi.
Le porte-parole Johannes Möri, quant à lui, se contente de préciser que PostFinance a informé «les clients commerciaux les plus exposés».
«Situation ridicule»
La psychologue Marina Frigerio, membre du Comité directeur de MediCuba, qui s’est rendue plusieurs fois sur l’île, ne cache pas son indignation: «C’est une situation ridicule, la Confédération soutient financièrement des projets médicaux humanitaires à Cuba. PostFinance, qui appartient à la Confédération et qui est tenue de fournir un service public, refuse d’envoyer l’argent à ses destinataires. On donne d’une main et on reprend de l’autre».
PostFinance rappelle toutefois que son mandat de service universel se limite à la Suisse et que l’obligation d’offrir l’accès au trafic des paiement est limitée aux opérations en francs suisses sur le marché intérieur.
(Adaptation de l’italien: Marc-André Miserez)
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