Cinq choses à savoir sur l’édition génomique des plantes
La question de savoir comment nourrir le monde devient de plus en plus urgente. Les gouvernements cherchent des moyens de produire davantage sur une planète soumise à la menace croissante du changement climatique.
Les nouvelles technologies d’édition du génome, telles que celle baptisée CRISPR-Cas9, sont présentées comme une solution possible, mais suscitent des avis tranchés. Que se cache-t-il derrière la science et le débat qui divise?
Qu’est-ce que l’édition du génome et comment cette technologie est-elle appliquée dans le secteur agricole?
L’édition du génome (également appelée édition génomique) consiste à modifier l’ADN d’organismes vivants tels que les plantes, les animaux et les êtres humains. Les sélectionneuses et sélectionneurs végétaux modifient depuis des années les gènes pour développer des variétés de plantes améliorées, mais les récentes avancées technologiques permettent de modifier le génome d’un organisme plus rapidement, à moindre coût et avec plus de précision.
L’un des outils pour y parvenir est la technique CRISPR-Cas9Lien externe (clustered regularly interspaced short palindromic repeats and associated protein 9). Découverte en 2012Lien externe, elle agit comme des ciseaux, coupant l’ADN à un endroit précis pour permettre des modifications ciblées des traits d’une plante. Cela peut concerner la couleur et la taille d’un légume ou d’un fruit, mais aussi son contenu nutritionnel ou sa capacité de résistance aux maladies et aux pesticides.
Parmi les autres technologies courantes de modification du génome, citons les nucléases à doigt de zinc (ZFN) ainsi que les nucléases effectrices de type activateur de transcription (TALEN).
La manière de classer l’édition du génome comme la technique CRISPR-Cas9 fait débat. Dans l’Union européenne, les «nouvelles techniques génomiquesLien externe» désignent les technologies capables de modifier le matériel génétique d’un organisme. Celles-ci sont apparues ou ont été principalement développées depuis 2001.
Quelle est la différence entre les semences modifiées par le génome et les semences génétiquement modifiées?
La sélection traditionnelle consiste à identifier, sélectionner et «croiser» des plantes sur plusieurs générations pour améliorer les traits d’une variété. Cette méthode a évolué au fil des ans pour devenir plus efficace grâce aux données et au séquençage du génome.
L’édition du génome, via la technologie CRISPR-Cas9, peut être utilisée pour introduire un gène dans l’ADN d’une même espèce, par exemple une pomme de terre sauvage et une pomme de terre cultivée. Elle permet également d’insérer le gène d’un organisme, par exemple un insecte, dans le génome d’une espèce différente, telle une plante. Il en résulte ce que l’on appelle communément un organisme génétiquement modifié (OGM).
La législation européenneLien externe définit les OGM comme des organismes «dont le matériel génétique (ADN) a été modifié d’une manière qui ne se produit pas naturellement par accouplement et/ou la recombinaison naturelle». Du reste, les OGM développés dans les années 1990 utilisaient des méthodes différentes, moins précises, que les nouveaux outils d’édition du génome tels que la technologie CRISPR-Cas9.
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Pourquoi l’édition du génome en agriculture est-elle controversée?
Le principal débat porte sur les avantages et les risques potentiels des technologies d’édition du génome, tant pour la santé humaine que pour l’environnement.
Les partisans de l’édition du génome, issus en grande partie de l’industrie semencière, affirment que les technologies en question ne font qu’accélérer ce qui se produit déjà dans la nature ou par le biais de méthodes de sélection traditionnelles, et que les risques sont donc minimes. Selon eux, les outils comme la technique CRISPR-Cas9 sont plus précis que les méthodes précédentes du génie génétique, et il y a donc moins de risque qu’un gène utile soit détruit au cours du processus.
De leur côté, les voix critiques affirment que l’édition du génome peut créer toute une série de modifications du génome des plantes présentant des risques pour la biodiversité, l’eau et le sol, la santé humaine et la production d’aliments biologiques. Des personnes s’inquiètent du fait que ces cultures pourraient supplanter les espèces naturelles et créer de vastes monocultures, ce qui pourrait nuire aux écosystèmes. Certains de ces risques ne seraient, par ailleurs, pas entièrement compris.
Des questions éthiques et sociales se posent également quant au moment et à l’endroit où cette technologie devrait être utilisée. De plus, l’accès aux semences fait débat.
Quid de la réglementation sur les semences et les aliments génétiquement modifiés?
Le paysage réglementaire est en pleine évolutionLien externe, le développement technologique et les préoccupations liées au changement climatique incitant de nombreux pays à modifier des politiques établies de longue date en matière de génie génétique. La réglementation influe sur les exigences en matière de contrôles de sécurité et sur la nécessité de classer différemment les produits issus du génie génétique.
Les États-Unis et le Canada ont tous deux décidé de ne pas réglementer l’édition du génome si la modification génétique aurait pu être effectuée via des méthodes traditionnelles. Cela signifie que les plantes modifiées par le génome ne sont pas soumises aux protocoles de sécurité et aux exigences d’étiquetage des OGM. Le Royaume-UniLien externe a adopté une position similaire l’an passé. Certains pays, tels le Brésil et l’Argentine, traitent les plantes modifiées par l’édition du génome comme des plantes conventionnelles, sauf si elles contiennent de l’ADN étranger.
Au Japon, les cultures modifiées par le génome doivent être enregistrées, mais n’ont pas à subir de tests de sécurité ou environnementaux. En décembre 2020, Tokyo a donné son feu vert à la vente d’une tomate modifiée par le génomeLien externe.
Jusqu’ici, la Chine a imposé des limites strictes à l’importation et à la production d’OGM. Cependant, dans le but de transformer l’industrie des semences et de renforcer la sécurité alimentaire, le gouvernement a récemment annoncé des changements réglementaires qui ouvrent la voie à plus d’autorisations de cultures génétiquement modifiées. En janvier 2022, il a également défini des règles qui permettraient aux plantes modifiées par le génome d’éviter les longs essais au champ requis pour les plantes génétiquement modifiées. Le gouvernement investit massivement dans cette technologie, mais aucune plante modifiée par le génome n’a encore été commercialisée.
La Russie investit également massivement dans les technologies d’édition du génome et a indiqué que les plantes modifiées par le génome n’impliquant pas l’intégration d’ADN étranger pourraient être exemptées d’une loi datée de 2016 interdisant la culture d’OGM. En 2019, le gouvernement a lancé un programme de 1,7 milliard de dollars pour développer 30 variétés végétales et animales génétiquement modifiées au cours de la prochaine décennie.
La Suisse a jusqu’à présent suivi l’UE, qui a placé les organismes modifiés du génome sous la directive OGMLien externe depuis 2001. Cette décision a été soutenue par un arrêt de la Cour de justice européenne en 2018, qui a déclaré que l’édition du génome n’avait pas d’historique d’utilisation sûre. En avril 2021, une étude de la Commission européenne proposait de mettre à jour la législation pour tenir compte des progrès scientifiques et technologiques, en particulier les nouvelles techniques génomiques. En décembre dernier, une Chambre du Parlement suisseLien externe a prolongé le moratoire contre les OGM, mais accepté d’autoriser ceux issus de l’édition génomique. Cependant, plus de preuves de sécurité ont été demandées avant de prendre une décision finale.
Existe-t-il des aliments modifiés par le génome sur le marché?
Jusqu’ici, seuls deux produits modifiés par le génome ont été mis sur le marché. Du sojaLien externe au profil d’acide gras plus sain est le premier produit commercialisé aux États-Unis (développé à l’aide de la technologie TALEN). Au Japon, une tomateLien externe enrichie en acide gamma-aminobutyrique (développée à l’aide de la technique CRISPR) a été mise en vente en septembre 2021.
Les scientifiques travaillent sur de nombreuses autres variétés de légumes et de fruits, notamment un champignon de Paris anti-brunissement, des tomates sans pépins, du colza résistant aux herbicides, des pommes de terre extra-féculières, du cacao résistant aux maladies fongiques et virales ainsi que des fraises plus sucrées avec une durée de conservation plus longue.
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