La mobilité, un phénomène qui questionne aussi la Cinquième Suisse
Plus de 10% des citoyens suisses vivent actuellement à l’étranger. Et ils deviennent de plus en plus nombreux. Dans le même temps, la durée moyenne d’un séjour dans un endroit donné diminue. Samedi à Berne, le 94e Congrès des Suisses de l’étranger s’est penché sur la signification de cette mobilité internationale pour la Suisse.
«Cette journée est pensée comme un questionnement sur le passé et le présent de la mobilité. Elle doit ainsi permettre d’aborder l’évolution future de l’expatriation dans différents domaines et de réfléchir à l’amélioration des conditions d’émigration de nos compatriotes», a déclaré, en guise de préambule, le président de l’Organisation des Suisses de l’étranger, Remo Gysin, devant les participants au Congrès.
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Filippo Lombardi: «la mobilité continue d’augmenter»
Spécialisé dans les questions de migration et de citoyenneté, Gianni D’Amato, professeur à l’Université de Neuchâtel, a eu le sens de la formule de synthèse en déclarant: «Les gens se déplacent, c’est ce que l’on appelle la mondialisation». Mais au fait, pourquoi se déplacent-ils? Le professeur y voit trois raisons: le travail, la famille et le style de vie. Certains partent à l’étranger parce qu’ils y ont de meilleures perspectives de carrière ou parce que leur entreprises les y ont envoyés. D’autres tombent amoureux d’une personne vivant dans un autre pays et la suivent. D’autres enfin quittent la Suisse dès leur retraite pour aller chercher ailleurs un climat plus doux.
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Entre drapeaux suisses et parapluies
Le professeur peut aussi dresser un portrait-robot du Suisse qui émigre. Il est relativement jeune (35 ans en moyenne pour les hommes et 33 ans pour les femmes) et provient le plus souvent des grands centres urbains. «C’est probablement lié aux qualifications plus élevées que l’on trouve dans les villes», a expliqué Gianni D’Amato.
Les Suisses de l’étranger ne sont plus les mêmes
L’émigration n’est pas un phénomène nouveau. Des Suisses quittent leur pays depuis des siècles – que ce soit à cause de la misère ou de leur propre volonté. Durant la Première Guerre mondiale, beaucoup de Suisses de l’étranger avaient fait face à des difficultés, parce qu’ils avaient perdu leurs biens ou n’étaient plus les bienvenus. C’est justement pour aider les expatriés se trouvant dans des situations difficiles que l’Organisation des Suisses de l’étranger avait été créée en 1916, a rappelé à l’assistance l’historien et politologue Bernhard Altermatt, de l’Université de Fribourg.
Les choses ont bien changé depuis cette époque. Les problèmes actuels des expatriés sont plutôt liés au fait qu’ils reçoivent trop tard le matériel de vote, raison pour laquelle l’OSE s’engage constamment et vigoureusement pour l’introduction généralisée du vote électronique. L’orientation politique des expatriés a aussi évolué, penchant désormais plus souvent vers la gauche.
Mais malgré les changements, les missions de l’OSE suivent les mêmes grands axes au fil des décennies, note l’historien: maintenir le contact et la communication entre et avec les expatriés; leurs apporter aide et soutien en cas de nécessité; défendre leurs droits et les représenter au niveau politique.
Des nuages dans le ciel
Adrian Beer, directeur général du groupe international GrupoBeer, a dressé un tableau un peu plus sombre des conséquences de la mobilité internationale. Il a notamment rappelé qu’il y avait de plus en plus d’habitants sur Terre, ce qui pose des défis énormes en matière de changement climatique et de pollution de l’environnement. «Les hommes vont-ils s’éliminer eux-mêmes?», a-t-il demandé de manière provoquante.
Adrian Beer entrevoit la solution dans la réunion des ressources et des infrastructures à l’échelle mondiale. Les chances et les ressources devraient être partagées équitablement entre les hommes et les Etats devraient se mettre en relation, afin de pouvoir échanger des matières premières inéquitablement réparties sur Terre.
Lors du Congrès, le système de formation suisse et la mobilité des chercheurs ont également été discutés. Le secrétaire d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation, Mauro Dell’Ambrogio, a rappelé que la plus grande partie des investissements pour la recherche et le développement provenait d’entreprises privées. Il en a conclu que le cadre légal doit inciter les entreprises suisses à investir en Suisse et non à l’étranger.
Le dernier intervenant fut Mariano Tschuor, responsable Marché et Qualité de la direction générale de la Société suisse de radio-télédiffusion (SSR). Pour lui, la mondialisation et Internet posent aussi des défis en matière d’information. «Chacun peut être auteur de vérités, de semi-vérités ou de nouvelles à sensation», a-t-il dit. Dans le monde numérisé et en réseau d’aujourd’hui, il faut donc plus que jamais un journalisme de qualité qui hiérarchise l’information et il faut des lecteurs éveillés, en particulier dans une démocratie directe comme la Suisse.
Urgent de trouver des jeunes
Le centenaire de l’Organisation des Suisses de l’étranger était aussi placé sous le signe de la jeunesse et de l’avenir. L’occasion aussi pour le Parlement des jeunes, créé il y a un an, de tirer un premier bilan.
Ces douze premiers mois d’existence lui ont notamment permis de rédiger des statuts et de créer un logo.
Les priorités des prochains mois seront la création d’un site Internet, l’envoi d’une newsletter et le développement des réseaux locaux de jeunes, comme c’est le cas en Italie.
Le Parlement des jeunes poursuivra ses efforts, mais demande du soutien. «La pénurie de jeunes dans les structures de l’OSE montre que les politiques menées jusqu’à présent pour les attirer n’ont pas suffi. Il nous faut un soutien moral et financier de la part de l’OSE. L’attribution aux jeunes de trois postes de délégués au sein du Conseil des Suisse de l’étranger est un premier pas dans la bonne direction. Mais il est urgent d’agir avant qu’il ne soit trop tard», a déclaré Davide Wüthrich, membre du comité du Parlement des jeunes.
(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)
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