Coronavirus: un an seulement – un an déjà?
Édition spéciale de notre sélection de l’actualité scientifique, pour marquer une année de coronavirus. Triste anniversaire, qui doit commencer par un «mea culpa».
«Le monde a-t-il raison d’avoir peur du coronavirus de Wuhan?» En posant la question début février 2020 – et même sans le dire -, j’étais sûr d’avoir la réponse. Funeste arrogance! J’aurais dû me souvenir qu’il ne faut jamais être sûr de rien.
Moins de 10’000 cas recensés dans le monde et 213 morts, tous Chinois. Il y a un an, c’est le bilan officiel du nouveau coronavirus, que l’Organisation mondiale de la Santé vient de déclarer «urgence sanitaire de portée internationale». Aucun malade en Suisse – le premier sera déclaré le 25 février – mais déjà des inquiétudes. Dans les milieux de la santé, comme dans les rédactions.
À swissinfo.ch, nous sommes en plein débat. Faut-il relayer les craintes? Rassurer? Attendre de voir ce qui se passe? Nous sommes des journalistes. Comme nos collègues des autres médias, notre devoir est d’informer. Alors, je me porte crânement volontaire pour essayer de voir ce qu’on peut en dire.
Je contacte un docteur en épidémiologie, qui me dit très honnêtement ce qu’il en sait. C’est-à-dire – et comme ses confrères à ce moment-là – pas grand-chose. Le nouveau virus se transmet facilement, mais son taux de létalité est évalué autour de 4% – aujourd’hui, on est plutôt à 2%. Et les sites de l’OMS me montrent qu’il était de 9,5% pour le SRAS de 2003/2004 et 34% pour le MERS de 2012. Or ces deux épidémies mondiales de coronavirus ont fait moins de mille victimes chacune. C’est entre 300 et 600 fois moins que la grippe, qui revient chaque année.
Comparaison n’est pas raison
La comparaison avait de quoi rassurer. Surtout que ces chiffres sont toujours faux, sachant qu’il y a bien moins de cas déclarés que de cas réels. Et donc que le taux de létalité est toujours plus bas que ce que la statistique laisse voir… Mais j’aurais dû me souvenir que comparaison n’est pas raison.
Aujourd’hui, le constat est sans appel. Avec 100 millions de personnes officiellement infectées et plus de 2 millions de morts, la Covid-19 est bien un fléau mondial. Et la comparaison avec les 50 à 100 millions de victimes de la grippe dite espagnole de 1918-20 ne vaut pas: en un siècle, les systèmes sanitaires du monde sont censés avoir fait quelques progrès. De plus, jamais un virus n’avait causé autant de dégâts à l’économie et à la société, privant des millions de personnes de leur gagne-pain, voire de leur raison de vivre, comme seules les guerres peuvent le faire.
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Le monde a-t-il raison d’avoir peur du coronavirus de Wuhan?
Alors oui, le monde avait raison d’avoir peur du coronavirus de Wuhan! Et aux quelque 140’000 personnes qui ont lu mon article d’il y a un an, je dois d’humbles excuses: je me suis lourdement trompé.
Dolce vita parisienne
Ma collègue Sarah (qui n’avait pas encore rejoint notre équipe à l’époque), a vécu ce début de pandémie bien différemment. Elle raconte:
«Je ne me souviens pas d’avoir pris une position nette au début. Comme Italienne transplantée à l’étranger (je vivais à Paris), j’étais un peu dans les limbes, entre les nouvelles d’Italie, où la situation se péjorait rapidement et la placide indifférence française. À Paris, les gens n’ont commencé que très tard à se rendre compte de la gravité de la situation. Et par une étrange coïncidence, les journées étaient douces et ensoleillées dans la Ville Lumière. Personne ne voulait rater l’occasion de sortir faire un pique-nique aux Tuileries ou de s’attarder à une terrasse de café».
Catastrophe imminente
Naturellement, certains en savaient déjà plus et prévoyaient la catastrophe imminente. Stéphane Bancel, patron de Moderna, avait compris en janvier déjà que le virus avait commencé à se propager partout. Le 24 février, l’entreprise a envoyé les premiers échantillons cliniques de son vaccin au Département américain de la santé.
>> Et vous? comment avez-vous vécu les débuts de la pandémie? Avec le recul, est-ce que vous referiez les mêmes choses? Parlons-en. Écrivez-nous.
Le virus, lui, ne perd pas de temps
Tandis que le monde discutait de la gravité de la situation et des mesures à prendre, le virus, lui, ne perdait pas de temps. Et de transmission en transmission, il modifiait de petites sections de son code génétique, pour continuer à se reproduire et à contaminer de nouvelles victimes – et même aussi des anciennes.
Emma Hodcroft, épidémiologiste génomique à l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Berne, a suivi l’évolution du SARS-CoV-2. Dans une interview exclusive, elle a raconté à Sarah comment il a muté pour devenir de plus en plus contagieux:
«Scientifiquement parlant, l’évolution du virus est tout à fait normale. Il n’y a rien d’étonnant. Mais à chaque fois qu’il se dédouble, il est possible qu’une erreur se glisse et génère une mutation. Et plus nous acceptons la présence d’un nombre élevé de cas de contamination avec plusieurs virus en circulation, plus nous nous exposons à une mutation que nous ne souhaiterions pas voir venir».
Selon Emma Hodcroft, il est donc très important de maintenir les contaminations au niveau le plus bas possible et de ne pas donner d’espace au virus.
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Que savons-nous vraiment de ces variants qui font peur?
L’épidémiologiste britannique Adam Kucharski a également confirmé, dans un article du Financial Times, qu’une accumulation de mutations pourrait changer dramatiquement le visage de la pandémie et la menace qu’elle fait peser. Pour le pire.
La course aux vaccins
Les vaccins, naturellement, pourraient réellement changer la donne. Mais la campagne de vaccination est lente en Suisse, à cause notamment des retards dans la livraison des doses. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Israël, avec sa population comparable à celle de la Suisse, est le premier pays du monde pour la proportion de personnes vaccinées. Comment cela se fait-il? Un des facteurs déterminants est certainement l’efficacitéLien externe de son système de santé numérisé. En Suisse par contre, la numérisation de la santé est encore loin d’être une réalité. Et cela pourrait coûter cher à la population. Nous en parlerons dans un prochain article.
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