La Suisse progresse mais peut mieux faire
La Suisse poursuit plus activement la corruption internationale. Depuis la dernière évaluation de l'OCDE en 2011, l'organisation a constaté une augmentation significative du nombre de poursuites et de condamnations pour ce délit. Mais Berne peut encore mieux faire.
Six personnes physiques et cinq personnes morales ont été condamnées dans cinq affaires de corruption transnationales depuis 2011, indique l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans son nouveau rapportLien externe, publié mardi. Un grand nombre d’affaires pour le même délit étaient en outre en cours d’instruction au moment de la rédaction du rapport.
Les chiffres sont étonnamment bas, d’autant plus que, comme le souligne l’OCDE, la Suisse est particulièrement sujette à la corruption étrangère pour diverses raisons.
Le premier est la nature de l’économie axée sur l’exportation. Non seulement 62,9% du revenu national brut de la Suisse est généré par les sorties de capitaux (deux fois plus que dans d’autres économies à revenu élevé), mais la nature de ces exportations augmente également les «risques aigus de corruption à l’étranger»: transactions financières, produits pharmaceutiques et commerce de matières premières et de métaux.
Peut mieux faire
Le Groupe de travail de l’OCDE sur la corruption dans les transactions commerciales internationales a pour tâche d’évaluer la mise en œuvre par la Suisse de la Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, rappelle l’organisation. Il doit également formuler des recommandations.
Le Groupe de travail souligne en particulier l’action répressive significative du Ministère Public de la Confédération (MPC) «qui produit ses effets tant au niveau national qu’international». Malgré ce constat, il attend que la Suisse accentue ses efforts de répression de l’infraction de corruption transnationale.
Le Groupe de travail précise qu’il y attachera un intérêt particulier «dans un contexte où plusieurs décisions de justice pourraient avoir favorisé une interprétation restrictive de cette infraction ainsi que la responsabilité des personnes morales».
Sanctions pas dissuasives
En ce qui concerne les affaires conclues, le Groupe de travail regrette que les sanctions imposées ne soient pas assez dissuasives, comme le prévoit la Convention, notamment à l’égard des personnes morales.
Enfin, faire mieux connaître l’action répressive des autorités et la rendre plus prévisible et transparente devrait passer par une plus grande publicité donnée à ces affaires. Il s’agirait de permettre d’en publier le contenu le plus largement possible.
Ceci est d’autant plus important que la grande majorité des affaires de corruption transnationale conclues à ce jour l’a été hors des tribunaux, en ayant recours à des procédures n’impliquant pas nécessairement l’intervention d’un juge, relève le Groupe de travail.
Politique volontariste saluée
Ce dernier se félicite en outre de la politique volontariste de la Suisse en matière de saisies et confiscation, qui produit des résultats. Il souligne sa participation active à l’entraide judiciaire et au recours à des pratiques telles que l’entraide dynamique, à même de rendre cette dernière plus performante.
Ainsi, le Groupe de travail soutient une révision de la loi suisse sur l’entraide judiciaire en cours afin de formaliser cette entraide dynamique et de favoriser une coopération internationale plus efficace.
Protéger les lanceurs d’alerte
En matière de détection, le Groupe de travail salue le rôle-clé joué par le MROS, la Cellule de renseignement financier suisse en matière de détection de la corruption transnationale. Il regrette que les avocats, les notaires, les comptables et les réviseurs ne soient pas en mesure de contribuer à cette détection, n’étant pas associés à la lutte contre le blanchiment de capitaux comme le prévoient les standards internationaux.
Plus
Cher argent
Enfin, le Groupe de travail regrette l’absence d’un cadre légal et institutionnel visant à la protection des lanceurs d’alerte dans le secteur privé. Il appelle à une réforme rapide en la matière.
La Suisse présentera un rapport oral au Groupe en mars 2019. Il portera précisément sur l’adoption d’une législation appropriée destinée à protéger contre toute action discriminatoire ou disciplinaire les employés du secteur privé qui signalent des soupçons de corruption d’agents publics étrangers.
Dans les deux ans, la Suisse présentera en outre un rapport écrit sur la mise en œuvre de toutes les recommandations du Groupe et sur ses efforts de mise en œuvre de la Convention.
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