Malgré des audiences record, le coronavirus fragilise les médias suisses
Le besoin en informations de qualité n’a jamais été aussi grand qu’en cette période de pandémie. Mais les recettes publicitaires s’effondrent et les médias suisses se retrouvent en grandes difficultés. La plupart ont déjà recours au chômage partiel.
Le mandat de service public de la Société suisse de radiodiffusion (SSR), dont fait partie swissinfo.ch, est d’autant plus important en ces temps difficiles. «Plus que jamais, nous devons accompagner notre public et l’aider à traverser cette crise sans précédent en répondant à une triple mission d’informer, de conseiller et d’accompagner», relève Pascal Crittin, directeur de la Radio Télévision Suisse (RTS).
Les grilles de programme ont été modifiées pour renforcer l’actualité et les émissions de service, tout en proposant des divertissements et des offres éducatives pour les élèves confinés à la maison.
Les médias suisses souffrent également de la crise liée au coronavirus. Les recettes publicitaires chutent massivement et l’actualité sportive, associative et locale est au point mort. Les radios privées et les groupes de presse ont recours au chômage partiel et remanient leurs contenus en profondeur. Cela signifie que de nombreux employés voient leur temps de travail diminuer et que le nombre de pages des journaux est réduit, de même que le nombre d’émissions de radio et télévision.
En Suisse romande, le quotidien fribourgeois La Liberté est par exemple passé de quatre à deux cahiers. Les radios de l’Arc jurassien ont de leur côté réduit le nombre d’émissions, comme lors de la période des vacances d’été, mais ont maintenu les rendez-vous d’information.
Le groupe Tamedia, qui possède de nombreux titres dans tout le pays, a également introduit le chômage partiel. Une mesure contestée par les journalistes qui estiment que les conditions du chômage partiel ne sont pas remplies, puisqu’il n’y a pas de diminution de la charge de travail. L’éditeur a toutefois maintenu sa position: ce qui ne peut pas être financé ne doit pas être publié.
Débat sur la gratuité de l’information
Or de nombreux journalistes et politiciens appellent les éditeurs à prendre le chemin inverse et à offrir à toute la population la gratuité des nouvelles liées au coronavirus. Pour eux, il s’agit d’un enjeu de santé publique: afin de lutter efficacement contre la pandémie, chaque habitant devrait pouvoir accéder à une information fiable, indépendante et de qualité.
Certains éditeurs ont réagi très négativement à cette demande, notamment ceux des journaux zurichois NZZ et Tages Anzeiger, qui estiment que leur existence est en jeu et qu’il n’est pas possible de proposer la gratuité en cette période de chute drastique des rentrées publicitaires. En revanche, d’autres médias comme l’hebdomadaire WOZ, le quotidien lémanique Le Temps ou encore les journaux romands du groupe ESH ont opté pour un accès en ligne sans restriction de leurs articles en lien avec le coronavirus.
Car si les médias suisses tirent la langue, ils n’ont jamais été aussi consultés qu’en cette période de pandémie: le trafic sur les sites internet et les demandes d’abonnements sont en hausse. Toutefois, de nombreux titres pourraient ne pas réussir à se relever de cette crise. «On travaille dix-huit heures sur vingt-quatre, on invente des formats, la fréquentation de notre site est énorme mais notre publicité a disparu. Je peux garantir les salaires de mes 10 employés pour mars, plus pour avril», se désole le patron du Journal de Morges, Cédric Jotterand, dans Le Temps.
Syndicats et patrons appellent avec force les autorités fédérales et cantonales à soutenir financièrement les médias dans tout le pays.
«En période de crise du coronavirus, les moyens du chômage partiel doivent être utilisés pour continuer à faire travailler les journalistes et non à les mettre à l’arrêt forcé.» Le syndicat Impressum demande vendredi au Conseil fédéral d’édicter une nouvelle ordonnance en ce sens.
«Le public et les autorités dépendent plus que jamais du travail journalistique. Nous exigeons donc que l’argent n’aille pas dans les indemnités de chômage partiel, mais dans le financement des informations journalistiques. Cela ne coûte pas un sou de plus», affirme le directeur d’impressum Urs Thalmann, cité dans un communiquéLien externe.
Le syndicat estime que la nouvelle «Loi sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme» lui en donne la latitude, en particulier à son article 7 sur les situations extraordinaires. Impressum demande également que les entreprises de presse soient obligées de fournir les raisons pour lesquelles elles demandent le chômage partiel. Et pour le syndicat, les licenciements devraient être exclus dans les médias qui profitent de ce financement.
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