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Le jour où la plus grande banque suisse a été sauvée

UBS negli USA
Entre 2007 et 2009, UBS a dû annuler plus de 50 milliards de dollars de son bilan, perdu à la suite de son offensive sur le marché américain. Martin Ruetschi

Il y a dix ans, au moment de l'éclatement de la crise financière, UBS a subi de plein fouet les effets de la stratégie de développement à haut risque sur le marché américain. Le gouvernement suisse et la Banque nationale suisse ont dû aider le colosse bancaire en difficulté. Alors que d'autres pays se sont endettés pour sauver leurs banques, l'Etat suisse en a même tiré un bénéfice.

«Nous ne sommes pas surpris par la performance des marchés financiers ces dernières semaines. Cependant, nous avons été surpris par la rapidité avec laquelle la crise s’est détériorée», déclarait le président de la Confédération, Pascal Couchepin, le 16 octobre 2008, en présentant aux médias les mesures prises par le gouvernement et la Banque nationale suisse (BNS) pour secourir la plus grande banque suisse, qui risquait de sombrer dans la tempête des marchés financiers.

La tension était palpable dans la salle de presse. Après le «grounding» en 2001 de la compagnie aérienne Swissair, soit l’effondrement d’un mythe national, la Suisse risquait de perdre un autre emblème de son succès commercial international. Et cette fois, les conséquences auraient été beaucoup plus dramatiques. Rien qu’en Suisse, l’effondrement d’UBS aurait menacé l’épargne d’un million de clients privés et les comptes courants de 300’000 entreprises. Avec Credit Suisse, le géant bancaire détenait 60% du marché des crédits aux petites et moyennes entreprises en Suisse.

Stratégie à risque élevé

UBS avait passé une décennie d’expansion aventureuse aux Etats-Unis, en particulier dans le secteur de la banque d’investissement. Cette stratégie lui avait permis d’accumuler des bénéfices records en 2005 et 2006. Cette croissance semblait imparable à l’époque. Une courbe ascendante qui s’est brutalement brisée lorsque la crise hypothécaire a éclaté. UBS était alors la banque étrangère la plus exposée sur le marché américain des fonds immobiliers et des produits dérivés.

La faillite de la banque américaine Lehman Brothers le 15 septembre 2008 avait détruit en quelques jours le climat de confiance du secteur financier, gelant pratiquement le marché des prêts interbancaires. UBS, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, se retrouvait à court de liquidités et d’une montagne de titres illiquides (invendables, sauf à grande perte), après avoir déjà annulé 40 milliards d’actifs perdus de son bilan lors de la crise des subprimes.

Le 16 octobre, le gouvernement et la BNS ont annoncé leur plan d’aide pour sauver UBS, soit 6 milliards de francs de la Confédération pour restaurer les fonds propres de la banque et 54 milliards de dollars de la banque centrale pour permettre à UBS de transférer les titres non liquides dans un fonds spécial, en attendant des temps meilleurs pour les revendre. Ces titres étaient placés dans un «special purpose vehicle» mis en place par la BNS elle-même aux îles Caïmans.

«La BNS doit contribuer à la stabilité du système financier suisse.» C’est ainsi que Jean-Pierre Roth, alors président de la Banque nationale, expliqua aux médias les raisons qui avaient conduit la BNS à reprendre les actifs «toxiques» de la première banque suisse. «A la BNS, nous avons le temps, pas UBS. Elle est sous pression constante, chaque trimestre, elle doit produire des résultats. La BNS est ici pour l’éternité.»

Opération réussie

Il n’a pas fallu si longtemps pour prouver que Jean-Pierre Roth avait raison. En quelques années, la BNS s’est libérée des titres illiquides de l’UBS en faisant même un bénéfice de 5 milliards de francs suisses. Et la banque centrale avait imposé à UBS le partage des dividendes éventuels. La Confédération a également gagné 1,2 milliard de francs dans l’opération en appliquant un taux d’intérêt de 12,5% sur le prêt accordé à la banque. Et ce, alors que le plan de sauvetage avait été élaboré en quelques jours dans un climat de grande nervosité. Le ministre des Finances Hans-Rudolf Merz était hospitalisé, à la suite d’une crise cardiaque.

Pour sa part, UBS a clôturé l’année 2008 avec un déficit de 20 milliards de francs, la perte la plus importante jamais enregistrée par une entreprise suisse. Quelques mois plus tard, la banque a été mise sous enquête pour avoir aidé des dizaines de milliers de clients américains à échapper aux autorités fiscales. En 2009, le gouvernement a dû intervenir une deuxième fois pour sauver la banque, acceptant de fournir à la justice américaine les noms et données de milliers de clients soupçonnés d’évasion fiscale. Une intervention qui a marqué le début de la fin du secret bancaire suisse.  

Traduit de l’italien par Frédéric Burnand

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