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Peut-on arrêter la nouvelle course aux armes nucléaires?

Imogen Foulkes

La semaine dernière, les sirènes d’alarme ont retenti dans les villes de Suisse. Cet exercice périodique fait partie des mesures pour faire face à une attaque nucléaire. Une éventualité moins improbable en Europe depuis la suspension par Washington et Moscou du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI).

Pendant de nombreuses années, la défense civile suisse était considérée par beaucoup comme du folklore.  Quelques jours après le test annuel des sirènes, une communication du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a rappelé la réalité de la menace atomique: «Le monde est-il prêt à affronter une guerre nucléaire? Non. Alors interdisons la bombe !»

Montée des risques

L’organisation humanitaire exhorte les États membres à soutenir le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires déjà signé par 70 pays. Le président du CICR, Peter Maurer, y martèle sa conviction: «Tout risque que des armes nucléaires soient utilisées est inacceptable. Le traité représente une lueur d’espoir et une mesure essentielle pour réduire le risque d’une catastrophe nucléaire.»

Selon le CICRLien externe, les armes les plus dévastatrices et les plus destructrices jamais inventées sont impossible à utiliser sans bafouer grossièrement le droit international humanitaire. Comment une arme conçue pour éradiquer des villes entières peut-elle respecter les principes de proportionnalité ou de distinction entre civils et soldats?

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Mais voilà. Les puissances nucléaires l’ont rejeté et, en Europe, trois États seulement l’ont ratifié: l’Autriche, le Saint-Siège et Saint-Marin.

Et tous les signes montrent qu’on se dirige vers une nouvelle course aux armements atomiques, avertit Marc FinaudLien externe, du Centre international pour la politique de sécurité à Genève.

«Nous sommes déjà dans cette course, déclare l’expert en prolifération des armes et ancien diplomate français, et il est très difficile de trouver un pays doté d’armes nucléaires qui n’y soit pas engagé.»

Course aux missiles

L’annonce faite ce mois-ci par Washington puis Moscou qu’ils pourraient se retirer définitivement du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) n’est pas, selon lui, le premier mais le dernier signe d’un affaiblissement du cadreLien externe posé à l’usage et au développement de ces armes de destruction massive.

«Cela a commencé après le retrait (américain en 2002) du Traité antimissiles balistiques (ABM), rappelle Finaud. La Russie a compris que si les États-Unis déployaient des boucliers antimissiles, l’ensemble du système de défense russe basé sur la deuxième frappe serait mis en danger. La seule solution est donc de trouver des systèmes plus offensifs.»

Selon Marc Finaud, la nouvelle course aux armements a commencé lorsque la Russie a voulu compenser l’absence de traité ABM en modernisant ses systèmes de missiles. Et, bien sûr, les États-Unis ont considéré cette évolution comme une violation du FNI. Ils ont alors averti la Russie, puis ont annoncé qu’ils comptaient également se retirer de ce traité.

Et Moscou d’avertir que si les États-Unis abandonnaient le traité FNI, la Russie le ferait également. Moscou pourrait même développer une nouvelle gamme de missiles encore plus rapides et furtifs que les précédents.

Champ de bataille européen

«Lorsque vous avez le type de missile interdit par le FNI, explique Finaud, vous créez un possible champ de bataille, dans ce cas-ci l’Europe».

Le prochain grand test concerne le traité New START qui réglemente les missiles balistiques «stratégiques» ou intercontinentaux avec lesquels les États-Unis et la Russie peuvent se détruire mutuellement. Le traité expire dans deux ans et, jusqu’à présent, aucune initiative n’a été prise pour négocier son renouvellement.

«Nous espérons tous que la raison l’emportera, commente Marc Finaud. Il n’est dans l’intérêt de personne de lever les restrictions imposées à un État nucléaire.»

Rien n’est moins sûr, cependant. Certaines des puissances nucléaires n’ont adhéré à aucun traité. La Chine, par exemple, qui possède un arsenal substantiel d’armes nucléaires à portée intermédiaire, n’a pas signé le FNI.

Et la conférence du désarmement?

Les organes de désarmement siégeant à Genève peuvent-ils freiner cette course? La Conférence du désarmementLien externe (CD) est en session cette semaine à Genève; de nombreux États membres ont déjà exprimé leur inquiétude face aux retraits du FNI. Pour Marc Finaud, la CD constitue certes un forum de discussion, mais «pas un lieu pour négocier un accord… c’est plus une caisse de résonance, pour des appels, des plaidoyers ou des arguments».

Anja Kaspersen, Secrétaire générale adjointe de la CD, reconnaît que cet organe n’a pas été particulièrement efficace: «Il est vrai que les négociations n’ont guère avancé ces deux dernières décennies. Mais le mécanisme fonctionne.»

À titre d’exemples, Anja Kaspersen cite le Traité sur la prolifération nucléaire et la Convention sur les armes biologiques, négociés au sein de la Conférence du désarmement: «Ce sont des éléments importants du cadre de désarmement mondial».

Un argument que relativise Marc Finaud: «Genève offre un bon environnement, nous avons beaucoup d’expertise dans ces domaines. Ce serait un bon endroit pour négocier. Mais il faudrait une volonté politique que je ne vois pas pour le moment.»

La plupart des experts en contrôle des armements prévoient que si les négociations reprennent, elles commenceront de manière bilatérale, entre la Russie et les États-Unis, et non dans un cadre multilatéral comme la CD.

Pas d’alternative au multilatéralisme

Néanmoins, dans le climat actuel, avec de multiples acteurs du nucléaire, les négociations de désarmement ne peuvent être efficaces si elles restent au niveau bilatéral.

«Les défis d’aujourd’hui, interdépendants et interconnectés, ne peuvent être entièrement relevés par des approches divergentes et fragmentées», explique Anja Kaspersen. Nous avons besoin du multilatéralisme, nous avons besoin d’organes tels que la Conférence du désarmement. Aucune alternative n’existe aujourd’hui.»

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Adapté de l’anglais par Frédéric Burnand

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