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«Dangereux millions»: le scandale HSBC ou l’industrie de la fraude fiscale

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Hervé Falciani face aux médias en 2015. Chevalier blanc ou employé indélicat? Keystone / Jean-christophe Bott

En 2015, un système massif d’évasion fiscale de la France vers la Suisse est mis à jour. À l’origine de l’affaire, un informaticien de la banque HSBC à Genève: Hervé Falciani. Mais balancer des fraudeurs ne fait pas forcément de lui un chevalier blanc.

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Genève, lundi 22 décembre 2008. La procureure Laurence Boillat interroge un homme de 36 ans. Il est brun, il a les yeux noisette. Il présente bien. Ce n’est pas une petite frappe. Hervé Falciani est né à Monaco, il a la nationalité française. Depuis une dizaine d’années, il travaille comme informaticien à la banque HSBC.

Depuis quelques mois, la police suisse a reçu des informations confidentielles données par des services secrets étrangers: Hervé Falciani essaierait de vendre des données bancaires. C’est un crime pour la Suisse. Presque de la haute trahison.

Ce 22 décembre pourtant, l’homme nie en bloc. L’audition se prolonge durant des heures et la magistrate n’arrive à rien. Il est 23 heures, et Hervé Falciani sort les violons. Il dit que sa femme et sa fille de 3 ans l’attendent à la maison. Et Laurence Boillat craque: après tout, c’est bientôt Noël. Elle le laisse repartir, mais lui fait promettre de revenir le lendemain matin. L’informaticien la remercie et enfourche sa trottinette. Sa cavale vient de commencer.

En hâte, il embarque sa famille dans une voiture de location. Direction la France. Dans le coffre, il y a un empilement d’ordinateurs et de CDRoms. Hervé Falciani vient de commettre le plus gros vol de données de l’histoire des banques suisses.

Il pense que les données qu’il a patiemment enregistrées peuvent intéresser le fisc français. Mais il est acculé. Il comprend que sa cavale ne le mènera nulle part. Et il commence à parler. Petit à petit, une liste apparaît, avec des chiffres qui donnent le tournis. Il y a là 100’000 comptes bancaires, et près de 9000 noms de contribuables français, qui pour la plupart n’ont jamais déclaré officiellement cet argent.

Mais les mois passent… les années, même, sans qu’aucun fraudeur ne soit poursuivi. Bien sûr, le dossier «Falciani / HSBC» est complexe. Mais cinq ans, c’est énorme. Et c’est là que François Pilet et Marie Maurisse, de Gotham City, ont enquêté, pour essayer de comprendre où était le problème. C’est le cœur de ce nouvel épisode de  «Dangereux millions», le podcast coproduit par swissinfo.ch et Europe 1 Studio.

Une belle brochette de célébrités

Le 4 février 2015, le scandale éclate. Il a désormais un nom: les Swiss Leaks. On parle d’un système massif d’évasion fiscale. La Suisse est pointée du doigt. En France, plusieurs personnalités sont accusées d’avoir caché leur fortune aux impôts. L’humoriste Gad Elmaleh, le footballeur Christophe Dugarry, le coiffeur Jacques Dessange, l’actrice Jeanne Moreau, ou la famille Ouaki, qui possède le groupe Tati.

Et c’est là que tous les regards se tournent vers Hervé Falciani. Auréolé de son tout nouveau statut de lanceur d’alerte, il est partout dans les médias. Mais l’homme n’est pas un chevalier blanc. La meilleure preuve, pour ses détracteurs, c’est qu’il a d’abord voulu vendre les données bancaires volées.

Pendant des années, Hervé Falciani va faire l’aller-retour entre la France, où il n’est plus tout à fait le bienvenu, et l’Espagne où il se sent plus en sécurité. Il s’alliera ensuite au mouvement politique des Indignés, devenant en quelque sorte le fer-de-lance du combat contre la fraude fiscale et pour l’égalité. Héros pour les uns, renégat pour les autres.

À Genève, la banque HSBC a longtemps fait la sourde oreille. Quand elle a réalisé que des données avaient été volées, elle a informé ses clients, mais en précisant que cela ne concernait qu’une poignée d’entre eux. Ce n’est que quand le scandale médiatique a éclaté qu’elle a fini par confesser qu’il y avait un problème.

Aujourd’hui, HSBC a toujours une filiale en Suisse. L’année dernière, la banque a réalisé un bénéfice net de près de 15 milliards de dollars, en hausse de 17%.

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