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Le scandale HSBC

Hervé Falciani s'adresse aux journalistes à l'extérieur du tribunal national après une audience sur son extradition à Madrid, mardi 11 septembre 2018. Condamné en Suisse, l'ex-informaticien d'HSBC vit toujours en Espagne. Copyright 2018 The Associated Press. All Rights Reserved

Pour des millions de gens, lundi 22 décembre 2008 n’est pas une date mémorable. C’est pourtant ce jour-là, à quelques heures du réveillon, que s’est produit le plus gros vol de données bancaires de l’histoire. L’affaire HSBC, aussi connue sous le nom des «SwissLeaks», a changé à jamais les relations des Français et des Françaises avec la Suisse.

Ce lundi 22 décembre 2008, Hervé Falciani quitte la Suisse dans une voiture de location, avec sa femme et sa fille. Il passe la frontière sans se retourner, avec dans son coffre, des ordinateurs, des CD Roms, des carnets. Le Français est informaticien à Genève, au sein de la filiale suisse d’HSBC. Depuis des mois, il copie les données sur 100’000 comptes bancaires avec d’abord pour objectif de les vendre.

Mais ses tentatives ne réussissent qu’à le faire repérer par les services de police. Impossible de rester en Suisse, où le viol du secret bancaire est un crime. Il prend la fuite vers sa région d’origine, Nice, et contacte un inspecteur de la Direction nationale des enquêtes fiscales, à qui il avait déjà eu affaire. Une procédure est ouverte et une perquisition est menée. Les enquêteurs comprennent vite que les informations livrées par Hervé Falciani sont une mine d’or: elles révèlent les noms de 9000 détenteurs français de comptes en Suisse, la plupart non déclarés.

>> Découvrez le cinquième épisode de notre podcast «Dangereux millions» consacré à l’affaire HSBC:

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L’enquête est d’abord pilotée par le procureur niçois Eric de Montgolfier. Puis passe dans les mains du Parquet National Financier à Paris, créé en 2013 à la suite de l’affaire Cahuzac, du nom du ministre délégué chargé du budget pris la main dans le sac et finalement condamné pour fraude fiscale.

Scandale planétaire

A Paris, c’est Eric Russo qui empoigne notamment les listings HSBC et qui le raconte en exclusivité: «L’une des particularités de ce dossier, c’est le fait qu’il intervient quasiment en même temps que la grande crise économique et financière autour de la crise des subprimes aux Etats-Unis. Et il y a donc une prise de conscience par l’opinion publique, par des responsables politiques, du fait qu’il y a sans doute une forme de dérive dans la finance mondiale et que l’évasion fiscale, la fraude fiscale constitue finalement un des aspects de cette dérive».

Mais à Paris, les mois, les années passent, sans qu’aucun acte d’accusation ne soit émis dans cette affaire. Face à l’inaction de la justice, des gens s’agitent en coulisses. En 2014, le journal Le Monde reçoit l’intégralité des données récupérées par Hervé Falciani qui, entre temps, est allé s’installer en Espagne.

Pour traiter ces données, Le Monde les partage avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). Cette organisation indépendante, basée à Washington, fait travailler en réseau des médias du monde entier. Et a des moyens financiers pour le faire… Quand les «SwissLeaks» sortent, le 4 février 2015, le scandale est mondial.

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HSBC échappe au procès

On parle d’un système massif d’évasion fiscale. En France, plusieurs personnalités sont accusées d’avoir caché leur fortune aux impôts. L’humoriste Gad Elmaleh, le footballeur Christophe Dugarry. Le coiffeur Jacques Dessange. Un sénateur, celui du Gard, Aymeri de Montesquiou. L’artiste Christophe Boltanski. L’actrice Jeanne Moreau. Et la famille Ouaki, qui possède le groupe Tati.

Pour Titus Plattner, journaliste chez Tamedia, qui a participé à l’opération, «c’était la première fois qu’au fond, la Suisse se trouvait au cœur de l’affaire». Malgré les tentatives de jeter le discrédit sur l’enquête de l’ICIJ, les révélations s’enchaînent et poussent la justice à faire son travail. Dans les tribunaux, les audiences se multiplient. Au final, même si les procédures sont parfois longues, le fisc va récupérer plusieurs centaines de millions d’euros d’impôts impayés.

La banque échappera en revanche à un procès. En 2017, elle signe avec la France une Convention judiciaire d’intérêt public pour mettre fin aux poursuites et paie l’équivalent de 40 millions de francs d’amende. Deux anciens dirigeants de la banque ont été poursuivis au pénal, mais seul l’un d’entre eux a été condamné. En 2019, Peter Braunwalder, ancien directeur général de la HSBC Private Bank, a écopé d’un an de prison avec sursis et de 500’000 euros d’amende. Quant à Hervé Falciani, il a lui aussi été condamné en Suisse, en son absence, et vit toujours en Espagne.

Coproduit par swissinfo.ch, Europe 1 Studio et Gotham City, «Dangereux millions» raconte comment la Suisse est devenue la lessiveuse des escrocs du monde entier. Le prochain et dernier épisode de la série sera consacré à «l’affaire 1MBD», ou comment l’ancien Premier ministre de la Malaisie et ses proches ont réussi à s’accaparer près de deux milliards de dollars de fonds publics. Qu’ils ont fini par dilapider dans des yachts, des appartements de luxe et même un film avec Leonardo Di Caprio.

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