Dernière ligne droite pour obtenir les faveurs des Suisses de l’étranger
En ces derniers jours de l’ultime session parlementaire de la législature, la Cinquième Suisse est enfin à l’ordre du jour avec une pluie d’interventions. Tour d’horizon.
«Cela n’a pas été facile», confiait le président de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE) Filippo Lombardi à swissinfo.ch cet été. Au cours des quatre dernières années, les préoccupations politiques des Suisses de l’étranger ont longtemps trouvé peu d’écho au Parlement.
L’urgence était ailleurs, avec la gestion de la pandémie de Covid-19, puis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. «À cause du Covid, il a été difficile pour nous de rencontrer les gens au Parlement», analysait Filippo Lombardi.
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2019-2023, une législature perdue pour la Cinquième Suisse? Si l’on en juge par les objets traités, cette conclusion s’impose. Il y eu peu d’interventions politiques, et encore moins d’impacts notables.
Un postulat du député libéral-radical Andri-Silberschmidt a longtemps fait exception. En 2021, il a demandé au gouvernement d’étudier comment l’envoi du matériel de vote par courrier diplomatique pourrait accélérer la distribution. Le postulat a été adopté par les deux Chambres et a donné lieu à une étude approfondie de la part de la Chancellerie fédérale.
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Son collègue de parti Laurent Wehrli a lui aussi régulièrement mis les Suisses de l’étranger à l’ordre du jour du Parlement: avec ses interpellations sur le vote électroniqueLien externe, la possibilité d’imprimer les documents de vote à domicileLien externe et l’accord-cadre avec l’UELien externe, et avec une question sur la reconnaissance des vaccinsLien externe pour les expatrié-es.
Pression pour le vote électronique
Plusieurs interpellations ont été déposées pour pousser à un élargissement du recours au vote électronique. En 2022, le sénateur socialiste Carlo Sommaruga a voulu savoir comment l’e-voting serait utilisé lors des élections fédérales de 2023Lien externe.
Le député Marc Jost, du Parti évangélique suisse, a quant à lui déposé une interpellation comprenant une liste de questionsLien externe relatives au vote électronique, notamment sur les possibilités d’utilisation du système – à l’essai depuis juin 2023 – pour les Fédérales ou encore sur le soutien des cantons.
Une interpellation toute récente de la conseillère nationale Katja Christ (Vert’libéraux) va dans le même sens. La parlementaire y demande au gouvernement comment les essais de vote électronique seront évalués, et «quelles sont les étapes prévues si la solution de vote électronique de la Poste s’avère inadaptée».
Une tentative de rattrapage juste avant les élections
227’000 Suisses de l’étranger sont en âge de voter cette année. Le sprint final pour remporter les faveurs de ce puissant électorat a commencé en mai de cette année, à peine six mois avant les élections fédérales du 22 octobre. C’est à partir de ce moment que l’engagement des parlementaires en faveur de la diaspora a sensiblement augmenté.
C’est aussi à ce moment qu’une crise a éclaté au Soudan et que des ressortissantes et ressortissants suisses ont dû être évacués par avion. Ces événements ont révélé que la Suisse n’avait pas d’avion adapté à ce genre de situation.
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Ce qui a conduit la députée PLR Anna Giacometti à déposer une interpellation intitulée «N’abandonnons pas nos concitoyens à l’étranger en cas de criseLien externe». Le gouvernement a répondu plutôt négativement à la question de savoir si la Confédération pourrait acquérir son propre avion de transport, ainsi qu’à une interpellation similaire du député socialiste Pierre-Alain Fridez intitulée «Utilité d’un avion de transport pour la Suisse. Kaboul, Khartoum, et demain?Lien externe».
Un postulat d’Elisabeth Schneider-Schneiter a ensuite trouvé un écho important au sein de la communauté des Suisses de l’étranger. La politicienne du Centre souhaite préparer le terrain pour «garantir une couverture d’assurance-maladie pour les Suisses de l’étrangerLien externe». Son intervention vise le nombre croissant de Suisses à la retraite en Thaïlande, aux Philippines, au Vietnam et au Brésil, qui n’ont guère accès à une solution d’assurance viable.
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Elisabeth Schneider-Schneider a aussi démontré son engagement pour la Cinquième Suisse lors de la session parlementaire d’automne, qui se déroule actuellement. Elle a déposé une interpellation qui met en lumière une bizarrerie de la politique suisse: dans la moitié des cantons, les Suisses de l’étranger peuvent participer aux élections au Conseil des États, dans l’autre moitié non. Pour la centriste, ces cantons limitent de facto les personnes expatriéesLien externe dans l’exercice de leurs droits politiques.
Deux autres interventions, également fraîchement déposées, traitent de la représentation de la Cinquième Suisse dans la vie politique de la Berne fédérale. Le Vert Nicolas Walder demande ainsi si le Conseil fédéral pourrait envisager d’attribuer aux Suisses de l’étranger des sièges fixes au Parlement à BerneLien externe, proportionnellement à leur nombre.
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Cette question a reçu une réponse fin août. Le Conseil fédéral relève que la création d’une nouvelle circonscription électorale pour la Cinquième Suisse nécessiterait de modifier la Constitution et qu’aucune démarche n’est prévue en ce sens.
Une autre interpellation quasiment similaire intitulée «Des circonscriptions pour les Suisses de l’étranger?Lien externe», émanant du conseiller national UDC Jean-Luc Addor, a aussi reçu une réponse négative du Conseil fédéral, pratiquement dans les mêmes termes.
Interventions de dernière minute
La dernière semaine de l’ultime session parlementaire de la législature vient de débuter. Pour les Vert’libéraux (PVL), il est encore temps de déposer un paquet d’interventions concernant la Cinquième Suisse.
La conseillère nationale PVL Melanie Mettler s’interroge ainsi sur la situation des retraites pour les Suisses qui émigrent temporairement. Dans son interpellation intitulée «Une prévoyance vieillesse sûre même en cas de mobilité internationale», elle demande un tour d’horizon de la prévoyance vieillesse des personnes revenant de l’étranger, afin d’identifier d’éventuelles lacunes et de possibles mesures.
Un agenda chargé pour la prochaine législature
La motion de son collègue de parti, le conseiller national Michel Matter, est également intéressante pour les personnes de retour au pays. Il souhaite que la Suisse reconnaisse les PACS (pacte civil de solidarité) français.
Cette forme de partenariat enregistré, plus contraignant que le concubinage mais moins que le mariage, est aussi courante que le mariage en France, mais elle n’est pas encore reconnue en Suisse. Ce qui entraîne une insécurité juridique pour les 200’000 Suisses résidant en France.
La plupart de ces interventions sont encore en attente de traitement au Parlement. Certaines questions, les interpellations, pourraient être poursuivies sous une forme plus contraignante, comme des postulats ou des motions. Une chose est sûre: la prochaine législature débutera avec un agenda bien rempli.
Traduit de l’allemand par Pauline Turuban
Pauline Turuban
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