Ces réfugiés qui fabriquent le fromage suisse
Symbole helvétique, le fromage ne séduit plus. La filière des métiers du lait peine à recruter de nouveaux apprentis chez les jeunes Suisses. Mais la relève pourrait venir d’ailleurs, par exemple des requérant-es d’asile.
C’est une routine, presque une chorégraphie, qui démarre chaque jour à cinq heures du matin. Dans une presse à fromage, Habteab Makele finalise la transformation de 8000 litres de lait en vacherin fribourgeois. Une opération qui fascine toujours autant cet apprenti fromager originaire d’Érythrée, lui qui n’a appris à connaître le fromage qu’il y a sept ans, lors de son arrivée en Suisse.
Après un stage, le requérant d’asile a demandé à l’entreprise qui l’avait accueilli d’être recruté comme apprenti. Désormais, à 24 ans, il est en passe de réaliser son rêve de devenir fromager. «Quand je viens au travail, j’oublie mes problèmes, mon parcours, mes difficultés».
Un métier difficile
À l’instar d’Habteab Makele, les jeunes requérant-es d’asile sont toujours plus nombreuses et nombreux à s’engager dans les fromageries. À la laiterie-fromagerie d’Arconciel (canton de Fribourg), l’arrivée de l’Érythréen a été une aubaine, car son patron Stéphane Schneuwly peine à trouver du personnel.
«Quand j’étais apprenti, je côtoyais plutôt des Portugais. Après il y a eu les Français, maintenant les Érythréens, et les Polonais avant eux. Nous avons toujours eu de la chance que le monde vienne nous aider quand on n’avait personne».
Être fromager demande de se lever tôt le matin, de travailler le week-end et les jours fériés. «Même le premier janvier, il faut se lever», plaisante Stéphane Schneuwly.
Des contraintes toutes relatives comparées aux épreuves qu’Habteab Makele a traversées. Parti de chez lui, seul, à 17 ans, il est arrivé en Suisse après avoir franchi de nombreux pays et la mer Méditerranée, théâtre d’innombrables drames.
Depuis cinq ans, Stéphane Schneuwly transmet patiemment son savoir à Habteab Makele. Et l’heure des examens finaux approche, ce qui angoisse passablement le jeune homme. «Je n’ai jamais passé d’examen aussi important, mais je pense que ça se passera bien», se rassure-t-il.
De l’importance du diplôme
Les apprenti-es des métiers du lait de Suisse romande sont formé-es à l’Institut agricole de Grangeneuve à Posieux, dans le canton de Fribourg. Ils s’y retrouvent une fois par semaine. À la pause, on y parle souvent le Tigréen, car les communautés, notamment érythréennes, se transmettent le filon.
Mais les cours sont donnés en français, ce qui, pour beaucoup, représente la principale difficulté de l’accès à l’apprentissage. Pourtant, ces jeunes s’accrochent, car ils se rendent compte de l’importance de disposer d’un diplôme officiellement reconnu en Suisse. Les professeurs sont compréhensifs et adaptent leurs cours en conséquence. Ils proposent un enseignement par le jeu et en petits groupes plutôt que frontal, devant toute la classe.
Pour les entreprises qui souhaitent engager des requérants d’asile, d’autres contraintes peuvent survenir, comme le risque d’un renvoi en cours de formation. Mais les mentalités ont beaucoup évolué ces dernières années, et les maîtres d’apprentissage sont désormais prompts à embaucher ces jeunes, venus d’Afrique pour la plupart, et qui leur donnent entière satisfaction.
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