«Un retour à la normale qui permettra de tester l’UDC»
Peu d’enthousiasme dans la presse suisse au lendemain de l’élection d’un second conseiller fédéral de la droite conservatrice. Les opinions à l’égard de Guy Parmelin sont mitigées. Par contre, le retour de deux élus de l’Union démocratique du centre au gouvernement est considéré comme un retour à la concordance arithmétique, qui obligera l’UDC à assumer ses responsabilités.
Le nouvel élu à la Défense
Guy Parmelin reprendra le département (ministère) de la Défense, de la Protection de la population et des Sports des mains de son collègue de parti Ueli Maurer, qui reprend lui le département des Finances, laissé vacant par le départ d’Eveline Widmer-Schlumpf. Les cinq autres conseillers fédéraux conservent chacun leur département. Ainsi en a décidé le gouvernement lors de sa séance du vendredi 11 décembre.
La répartition s’est faite rapidement, sans conflit et dans la collégialité. Il s’agit d’un bon départ pour le Conseil fédéral dans sa nouvelle composition et cela devrait continuer ainsi, a commenté la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga. Cinq ministres voulaient conserver leur département. Seul Ueli Maurer a souhaité changer et passer aux Finances. Guy Parmelin quant à lui a indiqué que trois départements avaient ses faveurs dont la Défense.
(source: ats)
«Le moindre mal», «le plus petit dénominateur commun», «l’homme du consensus». Les éditorialistes suisses ne se montrent pas particulièrement flatteurs à l’égard du nouveau conseiller fédéral Guy Parmelin.
La Liberté le qualifie de «ministre normal», estimant que le nouvel élu au gouvernement suisse pourrait «faire sien le slogan du président français François Hollande.» Le quotidien fribourgeois ajoute que «son caractère affable et son ton consensuel ont rassuré l’Assemblée fédérale au point de faire oublier son adhésion à la ligne dure de l’UDC (Union démocratique du centre / droite conservatrice).»
La personnalité effacée de Guy Parmelin peut apparaître comme une faiblesse, mais le viticulteur vaudois doit peut-être justement son élection à ce trait caractère. C’est l’analyse de la Tribune de Genève. «Guy Parmelin accède au gouvernement en creux. L’absence de défauts majeurs, l’inexistence d’idées fortes et le manque de charisme: tels furent ses plus grands atouts.»
Le quotidien genevois évoque une élection typiquement helvétique. «Après le tumulte spéculatif de la classe politico-médiatique, la Suisse a connu hier, une élection parfaitement maîtrisée, en ligne avec nos valeurs, rassurante pour ses institutions par sa normalité.»
Le journal vaudois 24 heures se montre plus élogieux à l’égard du premier représentant au Conseil fédéral de ce canton depuis 17 ans. «Réduire l’élection de M. Parmelin à un hasard de circonstance serait une injustice crasse», affirme le quotidien publié à Lausanne, qui décrit un homme «compétent, intelligent, doué d’un sens politique et d’une pâte humaine qui en font un interlocuteur solide, fiable et réfléchi.»
«En Suisse, le système de consensus et l’esprit de clocher partisan empêchent l’élection par le Parlement d’un candidat de haut vol.»
Le Matin
Un élu sous-estimé
L’Agefi rappelle de son côté que, malgré «ses airs d’édile pastoral», le Vaudois s’engage depuis 12 ans au niveau fédéral, engagement «qui n’est donc pas celui du Suisse romand alibi». Selon le quotidien économique, M. Parmelin doit son élection davantage à son expérience comme président de la commission de la sécurité sociale et de la santé qu’à ladite malléabilité de son caractère.
«Gare au faux procès», avertit Le Matin. Le journal (également publié à Lausanne) défend aussi le nouveau conseiller fédéral, arguant qu’il correspond bien aux attentes du système politique suisse. «On peut reprocher à Guy Parmelin d’être un choix «par défaut», une souris grise juste bonne à gérer des dossiers. Mais c’est oublier qu’en Suisse le système de consensus et l’esprit de clocher partisan empêchent l’élection par le Parlement d’un candidat de haut vol.»
Le bénéfice du doute
Le Temps attend de voir. «Comment passer du statut de plus petit dénominateur commun à celui de grand conseiller fédéral? C’est le défi que devra relever Guy Parmelin.» Si le journal prend soin de noter que le Vaudois fait son entrée au gouvernement par défaut, il lui laisse le bénéfice du doute, un temps d’adaptation. Le nouvel élu «demeure largement une énigme». «Personne ne sait s’il a la capacité de diriger, si ses compétences vont au-delà des assurances sociales», souligne Le Temps. «La politique suisse a ceci de magique qu’elle permet l’accession au pouvoir de gens relativement banals.»
Le quotidien lémanique ne manque toutefois pas de souligner l’ampleur des défis auxquels devra faire face Guy Parmelin. «La crise économique frappe cette fois à notre porte et la poussée migratoire questionne nos valeurs.» Le gouvernement devra ainsi faire preuve d’inventivité «pour avancer dans les négociations avec l’Europe, calmer l’ardeur des lanceurs d’initiatives qui minent la stabilité du pays et s’attaquer à toute une série de dossiers (fiscalité, transition énergétique, retraites, notamment) pour assurer la prospérité.»
Le Corriere del Ticino ne prononce pas non plus de jugement hâtif. «Guy Parmelin doit prouver sa valeur au sein du gouvernement. Un bon député ne signifie pas un bon ministre. Et vice-versa: un parlementaire médiocre ne signifie pas qu’il ne peut pas devenir un bon conseiller fédéral», écrit l’éditorialiste du journal italophone édité à Lugano.
L’UDC doit prendre ses responsabilités
Si la personnalité de Guy Parmelin a inspiré la presse francophone, la presse alémanique met davantage en évidence l’arrivée d’un second conseiller fédéral de l’Union démocratique du centre (UDC) au Conseil fédéral. Les éditorialistes questionnent la capacité du parti de la droite conservatrice à respecter la collégialité et à prendre ses responsabilités.
La Neue Zürcher Zeitung (NZZ) salue «un retour à la raison de la concordance» et appelle l’UDC à un changement d’attitude, estimant que dorénavant ses «lamentations incessantes sur le dos des autres partis doivent prendre fin.» «L’UDC doit cesser de saisir les armes de l’opposition, référendums et initiatives. Elle doit construire des solutions solides et trouver des majorités parlementaires avec les autres partis.», relève le journal proche des milieux économiques.
Même analyse pour le Blick, qui concède que Guy Parmelin peut devenir un bon conseiller fédéral, même en étant un choix par défaut. Sa réussite dépend toutefois de l’attitude de son parti. Pour le quotidien de boulevard zurichois, maintenant que l’UDC a à nouveau pleinement intégré le gouvernement, elle doit «chercher des compromis au parlement et non pas la confrontation perpétuelle, respecter les instituions au lieu de les diaboliser continuellement», mais aussi «soutenir son conseiller fédéral, même lorsqu’il s’écarte de la ligne du parti et s’efforce de faire des compromis.»
«Pour l’UDC, l’élection de Parmelin signifie prendre davantage de responsabilités», écrit l’éditorialiste du Tages-Anzeiger. Il estime qu’un parti qui réunit 30% des voix ne peut pas «continuer à regarder le fonctionnement politique de l’extérieur et s’en mêler avec des initiatives radicales. Pour le quotidien zurichois de sensibilité de gauche, la droite conservatrice se doit désormais d’exercer le pouvoir en accord avec «la meilleure tradition suisse». Ce qui signifie: «former des alliances, parvenir à des compromis et prendre en considération les positions minoritaires.»
La presse étrangère souligne le renforcement de la droite populiste
Un ministre de plus au gouvernement suisse pour la droite populiste, titre l’Agence France Presse (AFP). La droite marque des points au gouvernement, en s’appuyant sur une politique anti-immigration, souligne le Wall Street Journal.
Les sites internet du journal de la région de New York TimesUnion et du quotidien San Francisco Chronicle publient la dépêche de l’agence de presse Associated Press (AP). « Le parti nationaliste » gagne un second siège au sein du gouvernement suisse, ce qui a pour conséquence de « pousser le gouvernement un peu plus à droite », avance AP.
« Le parti anti-immigration reprend un deuxième siège au sein du Conseil fédéral », titre le site du The Peninsula, un quotidien qatari. L’article mentionne les effets de cette élection qui « renforce les forces isolationnistes du pays alors que celui-ci tente de revitaliser les bilatérales avec l’Europe tout en y incluant des freins à la migration ».
« Le gouvernement suisse continue de virer à droite », peut-on lire sur le site du Spiegel-Online. Le fait que la droite populiste gagne un deuxième siège au gouvernement marque finalement le retour à une certaine normalité politique, poursuit le site allemand, faisant référence à une représentation des partis au gouvernement, proportionnelle à leurs forces.
L’agence de presse allemande dpa compare elle la montée en puissance de l’UDC à celle observée en France avec le Front national ou avec le parti de la liberté aux Pays-Bas.
Le premier écueil pour le nouveau gouvernement helvétique sera l’application de l’initiative sur l’immigration de masse. Les débats sur ce thème promettent d’être tendus au Conseil fédéral, relève dpa. « La capacité tant vantée des Suisses de trouver des compromis sera vite mise à rude épreuve ».
(source: ats)
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