Macron, le «banquier de Nestlé», à l’Elysée?
A l’époque banquier chez Rothschild & Cie, le candidat à l’élection présidentielle a conseillé Nestlé pour le rachat de la division nutrition de Pfizer. Une opération réalisée grâce à ses liens avec l’ex-patron du groupe suisse Peter Brabeck.
Emmanuel Macron, qui fera face à Marine Le Pen ce dimanche au second tour de l’élection présidentielle, a connu une carrière fulgurante. A 39 ans, il a déjà été l’assistant du philosophe Paul Ricoeur, inspecteur des finances, banquier, secrétaire général adjoint de l’Elysée, ministre de l’Economie et fondateur du mouvement «En Marche!»
A lire
Marc Endeweld, L’Ambigu Monsieur Macron. Editions Flammarion.
Martine Orange, Rothschild, une banque au pouvoir. Editions Albin Michel.
Macron ne s’est attardé à aucun de ces postes. Son mandat le plus long (moins de quatre ans), le futur candidat l’a effectué au service de la banque Rothschild & Cie à Paris. C’est là qu’il va constituer un joli magot et se faire une réputation de banquier avisé, qui lui jouera des tours pendant la campagne électorale. Son «coup» le plus fameux est résumé, sur Wikipédia et les réseaux sociaux, en quelques mots: «Il a négocié pour Nestlé le rachat de la filiale nutrition de Pfizer, ce qui lui permet de devenir millionnaire».
Avant de rentrer chez Rothschild, le jeune Macron, devenu inspecteur des finances après avoir fait l’Ecole nationale d’administration (ENA), est embauché en 2007 par l’économiste Jacques Attali pour intégrer la Commission pour la libération de la croissance française. Celle-ci vient d’être créée par le président élu, Nicolas Sarkozy, pour lui suggérer des pistes de réformes.
Son job: rapporteur adjoint. Il doit écrire les procès-verbaux, mais aussi tenter de mettre d’accord les membres prestigieux de cette commission. Parmi eux, le PDG d’Axa (assurances) Claude Bébéar, la patronne d’Areva (nucléaire) Anne Lauvergeon, mais aussi Peter Brabeck, alors chief executive officer (CEO) de Nestlé.
Un job chez Nestlé?
Apparemment, le courant passe entre le jeune homme de 30 ans et le rude Autrichien, de 33 ans son aîné. Dans cette commission, «Emmanuel Macron va se démultiplier, écrit la journaliste des Echos Nathalie Silbert, qui a recueilli les témoignages d’une vingtaine de participants. Il sait casser les barrières… Il embrasse même l’intimidant Peter Brabeck, accent autrichien et regard bleu acier.»
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Les deux hommes «continuent à se voir une fois le rapport rendu public, note Marc Endeweld dans son livre ‘L’ambigu Monsieur Macron’. Une relation de confiance s’instaure entre eux, au point que l’Autrichien va proposer à Emmanuel Macron de rejoindre la direction française de Nestlé.» Macron décline: pense-t-il déjà à l’Elysée?
L’année suivante, Macron intègre une autre commission, sur l’avenir des professions du droit, où il rencontre Hans Peter Frick, directeur des services juridiques de Nestlé.
Entre Rothschild et Hollande
Entretemps, l’ambitieux énarque est devenu banquier. Et pas n’importe où: chez Rothschild, qui employa dans les années 1950 un futur Président de la République, Georges Pompidou, et eut d’étroits liens d’affaires avec Nicolas Sarkozy, avant son accession à l’Elysée.
Embauché comme gérant, Emmanuel Macron devient en décembre 2010 le plus jeune associé-gérant de la très puissante banque d’affaires. Ce qui ne l’empêche pas de conseiller le candidat socialiste François Hollande quand celui-ci se lance dans la campagne présidentielle.
Macron n’est pas encore connu du grand public. Ni dans la banque, ni dans la politique. Un homme de l’ombre, encore pour quelques mois… Début 2012, le géant pharmaceutique américain Pfizer met en vente sa division nutrition infantile. Nestlé se porte candidat, tout comme l’américain Mead Johnson et le français Danone. Le groupe suisse s’adresse à Rothschild & Cie pour gérer la négociation. Un petit exploit pour Macron: Nestlé n’avait jamais été client de Rothschild.
Rien n’est joué. En face, la banque Lazard, concurrente directe de Rothschild, conseille Danone, favorite de la course. Macron multiplie les allers-retours Paris-Vevey pour fournir ses conseils à Brabeck et son équipe.
Pour un million d’euros
En avril, Danone casse sa tirelire pour remporter le marché, en faisant à Pfizer l’offre la plus élevée. La tension monte du côté de la paire Nestlé-Rothschild. Macron «arrive à convaincre (Brabeck) d’augmenter son offre, quelques secondes avant que le grand patron ne commence son conseil d’administration», raconte Marc Endeweld. Le deal est scellé, pour 11,9 milliards de dollars. L’opération rapporte au jeune banquier un bon million d’euros.
Mais Macron a déjà la tête ailleurs. Tout en conseillant Nestlé, le banquier «continuait à s’entretenir avec les proches du futur Président, les abreuver de notes et de réflexions sur la crise, la macroéconomie, les banques et autres. Jusqu’à ce qu’on l’appelle à l’Elysée», note Martine Orange, auteure de «Rothschild, une banque au pouvoir». Début mai 2012, Emmanuel Macron s’installe à l’Elysée comme secrétaire général adjoint, auprès du nouveau Président de la République, François Hollande.
Emmanuel Macron
1977 Naissance à AmiensLien externe (SommeLien externe), ses parents sont tous deux médecins.
2001 Macron adhère au parti socialiste.
2007 Mariage avec Brigitte Trogneux, professeur de français, de vingt-quatre ans son aînée, rencontrée en 1993 au cours d’un atelier de théâtre qu’elle anime dans son lycée.
2014 Il est nommé ministre de l’ÉconomieLien externe, de l’IndustrieLien externe et du NumériqueLien externe dans le gouvernement de Manuel Valls, en remplacement d’Arnaud Montebourg.
En décembre, il présente au Conseil des ministres le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, aussi appelé «loi Macron». Son objectif: «déverrouiller l’économie française» en modifiant notamment la réglementation concernant le travail le dimanche, les professions réglementéesLien externe, les transportsLien externe et le permis de conduireLien externe, et l’ouverture du marché autocar.
2016 Macron fonde le mouvement politiqueLien externe «En marche!» qu’il veut «transpartisan» et qu’il définit comme étant à la fois de droite et de gauche.
Le 30 août, il démissionne de sa fonction de ministre de l’Économie pour se consacrer à son mouvement politique.
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