Emmanuel Macron en Suisse pour confirmer le «réchauffement» bilatéral
Le président français se rend en Suisse en visite d’État, mercredi et jeudi. L’occasion de sceller la normalisation des relations, après quelques années de brouille.
Emmanuel Macron a attendu plus de six ans pour se rendre en Suisse en visite officielle. Manque d’intérêt pour son petit voisin? La dernière visite d’État d’un président français remonte à celle de François Hollande en 2015. «Une visite tous les huit ans, c’est tout à fait honorable», nuance François Nordmann, ancien ambassadeur de Suisse en France.
Mercredi à Berne, puis jeudi à l’Université de Lausanne et au CERN à Genève, Emmanuel Macron pourra parler sans arrière-pensée au président de la Confédération, Alain Berset. Ce qui aurait été difficile il y a deux ans, en plein refroidissement des relations franco-suisses.
La rupture par la Suisse des négociations sur un accord-cadre avec l’Union européenne et surtout la préférence de Berne pour les avions F-35 américains plutôt que les Rafale français ont contribué à dégrader les liens entre Berne et Paris.
«On sort d’une période de méfiance réciproque, pointe le politologue François Cherix. Les Français se sont sentis bernés dans l’affaire du Rafale, quand une partie du Conseil fédéral négociait encore avec Paris alors que l’autre avait déjà fait son choix américain. Il s’agit aujourd’hui de tourner la page.»
Ensemble dans la Communauté politique européenne
Ancien camarade d’études d’Emmanuel Macron, devenu député des Français de Suisse, Marc Ferracci se réjouit du «réchauffement» des relations franco-suisses. Un réchauffement attesté, ces dernières semaines, par plusieurs rencontres ministérielles. On a vu le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, discuter immigration irrégulière avec son homologue suisse, Élisabeth Baume-Schneider, à Moillesulaz, près de Genève. Karin Keller-Sutter, chargée du département fédéral des Finances, s’entretenait le même jour avec le ministre Bruno Le Maire. Bref, le temps est à la normalisation.
Quand, après le déclenchement de la guerre en Ukraine, le président Macron a lancé la Communauté politique européenne (CPE), la Suisse s’est jointe à cette entité censée faire le lien entre l’Union européenne et les autres États du continent. Alain Berset et son collègue des Affaires étrangères Ignazio Cassis, ont même proposé que la Suisse accueille le sommet biannuel de la CPE, en 2025.
«Cet enthousiasme a contribué à accélérer le réchauffement bilatéral», confirme Marc Ferracci. Emmanuel Macron et Alain Berset en parleront certainement, jeudi à l’Université de Lausanne. Ils évoqueront aussi dans leurs discussions la relance des négociations avec Bruxelles. L’annonce, faite la semaine dernière par le Conseil fédéral, d’un mandat de négociation avant la fin de l’année est «positive», note Marc Ferracci.
Le programme de recherche Horizon Europe intéresse particulièrement la Suisse. Paris résiste pour l’heure à accueillir Berne dans Horizon sans que soit réglé le dossier des bilatérales. «La position française n’est pas bloquante, estime Marc Ferracci. Mais l’accord entre l’UE et la Suisse ne peut être que global. Négocier sur Horizon sans parler de la mobilité des biens et services, c’est compliqué.»
Macron inspiré par la démocratie suisse?
Marc Ferracci connaît désormais bien la Suisse, il vient chaque semaine ou presque dans «sa» circonscription. En 2017, son ami Emmanuel Macron à peine élu à l’Élysée, Marc Ferracci accompagne alors la ministre du Travail, Muriel Pénicaud à Berne, puis au centre de formation de l’entreprise Bobst, dans le canton de Vaud. Objectif: s’inspirer du système suisse de l’apprentissage pour améliorer le système français et réduire ainsi le chômage des jeunes. Depuis, le nombre de contrats d’apprentissage a bondi de 300’000 à plus de 800’000 l’an dernier.
La Suisse est-elle un modèle à suivre sur d’autres plans ? La démocratie semi-directe par exemple ? «On ne peut pas transposer dans l’Hexagone le système en vigueur en Suisse, où la culture politique est davantage fondée sur le consensus, estime Marc Ferracci. Mais les votations helvétiques aux niveaux communal et cantonal peuvent être une source d’inspiration pour la France, où les référendums locaux n’ont qu’une valeur consultative et non décisionnelle. Il faut, dans ce domaine, y aller pas à pas.»
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Une visite express
Emmanuel Macron ne s’attardera pas en Suisse. Une visite d’État peut-être, mais une visite express. Vingt-quatre heures tout au plus. «Je suis surpris que le président français ne se déplace pas à Zurich ou à Bâle, ne visite pas d’entreprises ayant une succursale en France, remarque François Nordmann. Il aurait pu faire un détour par le Kunsthaus de Bâle par exemple, où sont exposés Matisse et Derain. C’est une visite réduite au minimum.»
En 1998, Jacques Chirac s’était rendu à Berne et Zurich avant de s’aventurer sur les terres tessinoises du président suisse d’alors, Flavio Cotti. En 1983, François Mitterrand avait voulu voir Soleure, Bâle et bien sûr le Neuchâtel de son homologue, le socialiste Pierre Aubert. François Mitterrand reviendra en Suisse tous les deux ans, pour des visites privées. Une vraie passion pour la Confédération.
«Il paraît bien loin, le temps où le conseiller fédéral Adolf Ogi emmenait ses hôtes étrangers en hélicoptère admirer les glaciers, note François Cherix. Le tourisme affectif entre voisins n’est plus de mise. J’y vois le signe d’une moindre sympathie pour la Suisse dans les opinions publiques européennes. Ajoutons que la situation géopolitique mondiale est très difficile. Il faut aller à l’essentiel.»
Des liens étroits
Quelque 210’000 Suisses vivent en France, soit la communauté suisse à l’étranger la plus importante. Environ 163’000 ressortissants français vivent en Suisse. Par ailleurs, plus de 220’000 frontaliers travaillent en Suisse.
Sur le plan économique, la France est le cinquième partenaire commercial de la Suisse, après l’Allemagne, les Etats-Unis, l’Italie et la Chine. La France est prisée des investisseurs suisses: avec des investissements directs de 63 milliards de francs, la Suisse se situe au troisième rang des investisseurs étrangers en France, après les Etats-Unis et juste derrière l’Allemagne.
Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg
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