Glencore et Xstrata entérinent leur fusion
Les actionnaires de Glencore et Xstrata ont tour à tour donné leur feu vert mardi à la fusion entre les deux groupes actifs dans l'exploitation et le commerce des matières premières. Le nouveau géant pèsera près de 200 milliards de francs suisses de chiffre d'affaires annuel.
Glencore Xstrata International, groupe issu de la fusion entre Glencore et Xstrata, constitue un véritable mastodonte des matières premières. Variées, les activités du géant zougois vont de l’extraction de minéraux à leur négoce, en passant par celui des produits énergétiques et agricoles.
D’ici la fin de l’année, l’union des deux groupes domiciliés à Baar (ZG) donnera naissance à un géant qui a généré l’an passé un chiffre d’affaires cumulé de près de 200 milliards de francs, soit deux fois celui du numéro un mondial de l’alimentation, le Veveysan Nestlé. Son résultat brut d’exploitation a atteint 16,2 milliards de dollars.
Il s’agit de la troisième plus grosse entrée en Bourse d’une entreprise européenne de l’histoire, qui a rendu ses quelque 500 propriétaires – managers et employés – riches, voire milliardaires pour quelques-uns. Xstrata est pour sa part cotée à Londres et subsidiairement à Zurich.
Lutte de pouvoir
En joignant ses forces à son voisin Xstrata, actif pour sa part dans les métaux et minéraux, Glencore vient lutter sur les terres des anglo-australiens BHP Billiton et Rio Tinto, ainsi que du brésilien Vale et de l’anglo-sud-africain Anglo American. Mais le futur géant tire aussi sa puissance d’une présence géographique étendue et de la grande diversité de ses opérations.
Glencore possède ainsi une grande partie de ses actifs dans le zinc, le cuivre, le plomb et l’aluminium. Il est également présent dans les produits énergétiques (pétrole et charbon) et agricoles (coton, tournesol, blé, sucre…). Le numéro un mondial des matières premières, qui compte plus de 60’000 collaborateurs, s’approvisionne aussi auprès de 7000 sous-traitants. Il détient en propre des installations portuaires, des entrepôts et une flotte de navires pour fournir ses clients à travers le monde.
Fort de 70’000 salariés, Xstrata exploite quant à lui des matières premières essentielles, telles que le cuivre, le zinc, le charbon, le nickel ainsi que d’autres minerais. Le nouveau groupe va aussi tirer profit du savoir-faire de Glencore acquis dans le négoce depuis 38 ans.
Le négociant en matières premières Joseph Di Virgilio, qui possède une vaste expérience de ce marché en plein essor en Suisse, estime que d’autres fusions pourraient suivre par effet de mimétisme. «La perspective à long terme pour les matières premières est plutôt forte compte tenu de la croissance exponentielle de la population mondiale et la croissance des marchés liés à l’alimentation, à l’eau, aux matières premières et à l’énergie, affirme-t-il à swissinfo.ch. Cela va encourager d’autres entités à accroître leurs parts de marché via des acquisitions et des fusions».
Craintes des ONG
Les organisations de défense des droits de l’homme et de l’environnement ne voient en revanche pas d’un bon œil cette méga-fusion. La Déclaration de Berne dénonce depuis longtemps les atteintes à l’environnement et les conditions de travail déplorables dont se rendraient coupables les deux entreprises dans les pays en développement. Par ailleurs, l’ONG suisse accuse Glencore, qui a établi son siège dans le canton de Zoug, de pratiquer l’évasion fiscale agressive dans les pays pauvres.
La volatilité du prix des matières premières est par ailleurs source d’inquiétude pour de nombreux gouvernements. La Déclaration de Berne est convaincue que la fusion de Glencore et de Xstrata, qui conduira à une monopolisation de certains secteurs de matières premières, pourrait encore accroître ces inquiétudes.
«La perspective d’une domination du marché par Glencore et Xstrata inquiète de nombreux acteurs, de l’industrie sidérurgique allemande aux membres du Parlement européen, affirme le porte-parole de la Déclaration de Berne Andreas Missbach à swissinfo.ch. En général, le secteur des mines et celui du commerce des matières premières sont dominés par quelques grands acteurs. L’influence de ces oligopoles sur le prix des matières premières doit être soigneusement surveillée.»
L’œuvre de Marc Rich
Comme Xstrata, Glencore est issu de l’empire du financier zougois d’origine belge Marc Rich. A sa fondation en 1974, la modeste société Marc Rich + Co. est spécialisée dans le négoce de pétrole brut, de métaux et de minéraux. Mais, au fil des ans et des acquisitions, l’entreprise se transforme en un géant, avec d’importantes participations industrielles.
En 1990, le groupe reprend une part de 53% dans Südelektra, alors société de participation active dans les infrastructures électriques en Amérique du Sud. Mais, dès 1994, elle met le cap vers les matières premières en prenant des participations dans des sites de production en Afrique du Sud, en Australie et aux Amériques.
En septembre de cette même année, Marc Rich cède sa participation majoritaire dans le groupe Marc Rich + Co. à ses cadres, qui, devenus des associés contrôlant l’entreprise, la rebaptisent Glencore. En 1995, celle-ci déplace son siège social de Zoug à Baar (ZG). En 1999, Südelektra prend de son côté la raison sociale de Xstrata, dont Glencore détient aujourd’hui 34,1%. L’entrée l’année dernière de Glencore aux Bourses de Londres et Hong Kong lui a permis de lever quelque 60 milliards de dollars.
Mardi matin, les propriétaires de Glencore ont comme attendu accepté l’offre lancée par Xstrata à une majorité dépassant les 97% des plus de 4,9 milliards de titres représentés.
Ensuite, réunis à Zoug et à Londres, 90% des actionnaires de Xstrata ont accepté l’offre de 33 milliards de francs de Glencore, soit 3,05 nouvelles actions Glencore pour chaque titre Xstrata.
En revanche, le plan de rémunération de 216 millions de francs destiné à quelque 70 cadres de Xstrata n’a pas obtenu la majorité qualifiée des trois quarts nécessaire à son acceptation.
La Commission européenne devrait décider d’ici à jeudi si elle approuve cette reprise. Les autorités chinoises doivent aussi examiner la mégafusion sous l’angle de la concurrence.
Grâce à la situation centrale de la Suisse en Europe, des villes telles que Winterthour, Lucerne et Lausanne ont une longue tradition de négoce de matières premières telles que le coton ou le café.
L’entreprise Volkart, basée à Winterthour, a débuté ses affaires dans les domaines du coton, du café et des épices au Sri Lanka et en Inde en 1857. La société bâloise Union Trading Company a été un des premiers négociants en cacao.
Après les deux guerres mondiales, les entreprises de négoce de matières premières s’intéressent de plus près à la Suisse, pays neutre dont l’économie et la structure politique ont survécu aux conflits.
La première maison de négoce de grains voit le jour à Genève dans les années 1920. Après la Deuxième Guerre mondiale, dans le contexte de la Guerre froide, la Suisse offre un terrain neutre aux entreprises américaines désirant faire des affaires avec les pays du bloc soviétique.
La popularité de Genève en tant que destination touristique pour les voyageurs du Moyen-Orient donne un avantage à la ville lors de l’essor de l’industrie pétrolière dans la région.
Dans les années 1990, les entreprises pétrolières russes s’installent aussi en Suisse, dans le canton de Zoug.
Certaines des plus importantes entreprises de négoce de matières premières et entreprises actives dans l’extraction de matières premières sont désormais basées en Suisse, notamment Glencore, Xstrata, Trafigura, Vitol, Gunvor, Litasco, Mercuria, ADM, Bunge, Cargill, Dreyfus et Kolmar Group.
(Avec la collaboration de Matthew Allen)
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