Au Pérou, on creuse pour un or «meilleur»
Que faut-il faire pour produire de l’or de manière durable? swissinfo.ch a visité une mine péruvienne qui adhérera sous peu à la Better Gold Initiative, un projet suisse destiné à promouvoir le respect de critères écologiques et sociaux dans le cadre de l’extraction du métal précieux.
Le long de la rue principale de JuliacaLien externe, les commerces destinés aux touristes semblent les mêmes que ceux de milliers d’autres sites touristiques dans le monde. Mais ici, plutôt que d’entrer dans un restaurant, on leur propose de franchir le seuil de l’un des commerces vendant de l’or extrait de l’une des nombreuses mines situées dans la région au sud-est de Puno.
Seule une infirme partie de ce commerce local est légal et respecte les exigences de la nouvelle législation péruvienne et d’une série d’accords internationaux sur l’environnement, comme la Convention de Minamata sur le mercureLien externe. La criminalité associée à cette activité illégale est chose commune.
Ici, poser trop de questions sur la provenance de l’or acheté n’est donc pas très bien vu. «Si les autres découvrent que vous êtes ici pour poser des questions, ils vont vous lyncher», nous avertit un commerçant.
Production d’or
En 2014Lien externe, le Pérou était le 5e producteur d’or au monde, derrière la Chine, l’Australie, la Russie et les Etats-Unis. Le pays en avait produit 171 tonnes.
L’or extrait au Pérou provient essentiellement de grandes mines. Couvrant une surface de 241 km², celle de Yanacocha est la 4e plus grande mine au monde. Elle a produit 30,2 tonnes en 2014.
L’or représente environ 98% des exportations du Pérou vers la Suisse. On estime que 22% des exportations d’or péruviennes sont d’origine illégale.
Au total, on a extrait 3133 tonnes d’or dans le monde en 2014.
De gardiens d’alpagas à mineurs à ciel ouvert
A environ 150 kilomètres d’ici, à Ananea, à 4700 mètres d’altitude, une grande partie du paysage montagneux est désormais à nu. Les vastes hauts plateaux herbeux ont été creusés pour extraire le précieux minerai.
Ce site est exploité par la CECOMIP, une coopérative minière légale créée en 2006 par des membres de la communauté locale. Auparavant, ceux-ci vivaient de l’élevage des alpagas.
Motivés par le boom du prix de l’or, les habitants du lieu ont commencé à creuser leurs terres ancestrales à la recherche du précieux métal. Ils ont acheté des camions et des excavatrices pour accélérer le travail.
Des milliers d’autres mineurs venus d’autres régions sont ensuite arrivés. Avec 22% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, l’activité minière continue d’être vue comme un Eldorado.
Désormais mineur, Claudio Mara gagnerait environ 400 dollars par an avec un troupeau de 50 alpagas. Avec ses collègues, il devrait sous peu être affilié à la Better Gold Initiative (BGI), un projet lancé en 2013, après qu’on ait découvert que des raffineurs d’or suisses s’approvisionnaient en métal extrait illégalement dans la région au sud de Madre de Dios.
Fruit d’un partenariat public-privé, l’initiative permet aujourd’hui de produire 700 kilos d’or par an. Même si les progrès sont notables – seulement 25 kilos étaient extraits au début du projet – cela ne reste qu’une toute petite partie de l’or extrait chaque année dans le monde et dont 70% transitent par la Suisse. Le site de la CECOMIP produit quant à lui environ 4 kilos et demi de minerai par mois.
Pour un or durable
L’initiative suisse promeut une production d’or qui soit durable et responsable d’un point de vue social et environnemental. Guillermo Medina, coordinateur national du programme, explique que l’initiative offre aux mineurs certifiés des bonus qui peuvent être utilisés pour des améliorations environnementales et sociales. Par exemple, la société d’investissements genevoise Impact FinanceLien externe a avancé des crédits de l’ordre de plusieurs centaines de milliers de dollars à Sotrami, l’une des compagnies minières à qui le programme achète de l’or.
Production d’or
En 2014Lien externe, le Pérou était le 5e producteur d’or au monde, derrière la Chine, l’Australie, la Russie et les Etats-Unis. Le pays en avait produit 171 tonnes.
L’or extrait au Pérou provient essentiellement de grandes mines. Couvrant une surface de 241 km², celle de Yanacocha est la 4e plus grande mine au monde. Elle a produit 30,2 tonnes en 2014.
L’or représente environ 98% des exportations du Pérou vers la Suisse. On estime que 22% des exportations d’or péruviennes sont d’origine illégale.
Au total, on a extrait 3133 tonnes d’or dans le monde en 2014.
«Nous voulons maintenir la production à une petite échelle», affirme Thomas Hentschel, directeur de la BGI. L’initiative permet aux mineurs d’avoir un accès direct au marché, évitant ainsi de passer par des intermédiaires qui perçoivent une commission de 5 à 6% sur le prix international.
Pour les mineurs d’Ananea, les conditions de l’initiative sont donc intéressantes. «Pour nous, il est important que notre production soit reconnue à l’échelle locale, nationale et internationale, avec les meilleures conditions pour accéder au marché», déclare le président de la coopérative William Yamparra.
Un camion pour deux grammes
Dans la mine, les travailleurs nous expliquent qu’il faut un camion plein de terre provenant d’une fosse toute proche, profonde de 30 mètres, pour extraire seulement 2 grammes d’or. Ici, comme à Madre de Dios, l’or se trouve dans des dépôts alluvionnaires. En d’autres termes, il est disséminé le long des lits de cours d’eau et non pas dans des filons géologiques.
A l’endroit où s’effectue l’amalgame, le mercure est utilisé dans les dernières étapes de la production, puis est recyclé. C’est l’une des nombreuses caractéristiques qui distinguent la coopérative CECOMIP des mines illégales, où le mercure est utilisé en abondance et sans trop se préoccuper de la pollution du sol, des eaux et de l’air.
Dans la seule région de Madre de Dios, les autorités péruviennes estiment qu’environ 40 tonnes de mercure sont déversées chaque année dans les eaux du fleuve Amazone. A Ananea, les mines illégales sont également très répandues. A certains moments, même les 74 hectares de la CECOMIP étaient occupés par des mineurs illégaux. Et effectivement, à l’extérieur de la mine, à seulement quelques centaines de mètres, nous avons vu des travailleurs installer des tuyaux dans un lagon, où l’eau était pompée puis reversée après avoir été utilisée pour l’extraction illégale.
Etre légal coûte cher
Le site de la CECOMIP où est effectué l’amalgame a coûté cher. Gerardo Smith, responsable de la sécurité et de la technologie de la coopérative, estime que le total des dépenses pour satisfaire aux exigences de la loi péruvienne – un prérequis pour faire partie de la BGI – a atteint 150’000 dollars. C’est une somme énorme pour des travailleurs pauvres sans accès au système de crédit.
Les procédures administratives, incluant la validation des concessions, les certificats environnementaux et même les autorisations archéologiques, ajoutent encore aux coûts et aux délais.
Le résultat est que beaucoup des 100’000 mineurs péruviens se sentent traités injustement par les autorités nationales. «Nous aimerons nous aussi avoir accès au crédit, comme les mineurs qui œuvrent à large ou moyenne échelle», observe Andres Cotrina, responsable des opérations de la coopérative.
Le directeur de la BGI Thomas Hentschel reconnaît que les contraintes légales péruviennes ainsi que des «raisons économiques» empêchent de petits mineurs intéressés à adhérer à l’initiative. Fidel Huisa Mamani, un ingénieur qui conseille les mineurs de cette province, affirme que sur les 11’500 mineurs actifs au sud de Puno, seulement dix ont obtenu une autorisation formelle d’exercer depuis 2013.
Ce nombre est toutefois en augmentation, relève Thomas Hentschel, qui se dit confiant sur le fait que d’autres mineurs de la région vont adhérer à l’initiative. L’an prochain, ajoute le directeur de la BGI, le programme suisse devrait être exporté également en Bolivie et en Colombie.
(Traduction de l’anglais: Olivier Pauchard)
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