L’initiative «vache à lait» sèchement refusée
Les Suisses ne veulent pas rendre à la route l’entier des taxes que payent les automobilistes. Dimanche, ils ont été 70,8% à rejeter l'initiative «vache à lait», lancée par le lobby routier et officiellement soutenue par l'UDC (droite conservatrice) et les Jeunes PLR (droite).
Cette initiative populaire, dite «Pour un financement équitable des transportsLien externe», voulait affecter aux infrastructures routières la totalité du produit des impôts sur les huiles minérales, soit environ trois milliards de francs par année. Actuellement, la moitié de cette somme finit dans la caisse générale de la Confédération, et sert donc aussi en partie à financer les transports publics.
Le but était d’en finir avec ce que les initiants nomment une «inégalité de traitement» dans le financement des infrastructures. Emmené par l’association des importateurs suisses d’automobiles (auto-suisse), le comité d’initiative était soutenu par l’UDC et plusieurs parlementaires de droite.
Gouvernement en tête, les opposants dénonçaient une initiative excessive qui aurait nui au système actuel et grevé les finances fédérales. Celles des cantons en auraient également pâti. Sans compter que les taxes sur l’essence n’ont pas été adaptées depuis des décennies et que les conducteurs ne participent pas aux 6,5 milliards de francs annuels pour les coûts externes de la route.
Avec ce non, le peuple a manifesté son refus «d’un privilège financier accordé uniquement à une certaine catégorie de la population», a déclaré le ministre des Finances Ueli Maurer.
Des scores très nets
Ces arguments ont convaincu 1,7 million de citoyens de dire «non» à l’initiative, alors que 709’752 citoyens l’ont approuvée. Tous les cantons ont largement rejeté le texte. C’est dans le canton de Vaud que le refus a été le plus marqué (77,1%), juste devant Genève (75,6%). Les Schwytzois se sont le plus laissés tenter par le texte, qu’ils ont quand même rejeté à 63%. Les résultats des autres cantons romands se trouvent dans un mouchoir de poche: Le Jura dit «non» à 70,8%, Berne à 70,5%, Fribourg à 70,4%, Neuchâtel à 70,2% et le Valais à 69,3%. Le Tessin refuse l’initiative à 66%. La participation quant à elle s’est élevée à 46%.
Une solution à l’étude
Ueli Maurer ne conteste pas le problème: en 25 ans, le nombre de voitures a augmenté de 56%. Pour alléger la charge de trafic sur les routes, le Parlement planche déjà sur une solution plus modérée: un Fonds pour les routes nationales et le trafic d’agglomération (FORTALien externe). Il doit financer l’entretien, l’exploitation et l’extension du réseau national, y compris les contributions aux transports dans les agglomérations.
«Nous avons réussi à démontrer que les automobilistes ne sont pas les vaches à lait de la Suisse, a déclaré la députée socialiste Evi Allemann, également présidente de l’Association transports et environnement. Les citoyens n’auraient pas goûté un pillage de la caisse fédérale. Le peuple ne veut pas construire des routes sur le dos de la formation et des transports publics».
«Le peuple veut une politique raisonnable des transports publics», a renchéri Regula Rytz, également députée et présidente des Verts.
Fin d’une «guerre de religion»
Le rejet de l’initiative met fin à la guerre de religion du rail contre la route, selon le démocrate-chrétien Filippo Lombardi, membre du comité des opposants. Le vote de dimanche a envoyé un signal clair: le peuple veut que l’on donne des moyens à la route mais de manière équilibrée, a indiqué le sénateur tessinois.
«Le FORTA est désormais sur la bonne voie», a-t-il ajouté. Le Conseil des Etats (Chambre haute) a présenté un compromis maximal en proposant d’attribuer à la route jusqu’à 60% des recettes de la taxe de base sur les carburants. La Chambre basse ne devrait pas demander davantage, selon lui.
«La bataille reprend dès lundi»
Dans le camp des vaincus, on clame que l’initiative aura été plus utile que jamais, comme l’affirme l’Union suisse des arts et métiers (USAM). Elle aura servi à infléchir le débat sur le fonds routier FORTA au Parlement. L’USAM va désormais le soutenir, a indiqué son directeur Hans-Ulrich Bigler.
L’initiative était considérée comme une sorte de contre-projet inofficiel au FORTA. Elle a permis des avancées que le lobby routier n’était pas près d’obtenir sans elle au Parlement, a relevé le président de l’USAM, et député UDC Jean-François Rime.
Pour Andreas Burgener, directeur d’auto-suisse, les opposants ont su faire valoir la crainte de coupes au niveau de la formation, de la recherche, de l’agriculture et de l’armée. Andreas Burgener exige que le FORTA soit mis en œuvre selon les modalités souhaitées par le Conseil des Etats (Chambre haute du Parlement). «Des cercles issus de la gauche écologiste vont désormais tenter de tailler dans le fonds, avertit-il. Pour nous, la bataille reprend donc dès lundi». Avec FAIFLien externe (Financement et aménagement de l’infrastructure ferroviaire), le rail a obtenu son propre fonds, la route a également droit au sien, tonne le patron d’auto-suisse.
Selon vous, ce «non» massif à une demande du lobby routier donne-t-il un signal fort en faveur d’une meilleure promotion des transports publics? Votre avis nous intéresse.
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