La relance de l’industrie photovoltaïque européenne passe par la Suisse
L’Union européenne compte sur une start-up suisse pour relancer la production de panneaux solaires en Europe, presque abandonnée entre les mains de la concurrence asiatique. L’entreprise vaudoise Insolight a développé une technologie photovoltaïque à très haut rendement qui ouvre de nouvelles perspectives.
Encore en 2000, l’Europe était, avec les États-Unis, leader dans le développement des technologies photovoltaïques et dans la production de modules et de systèmes destinés à l’énergie solaire. À peine une décennie plus tard, le marché commençait à être inondé de produits asiatiques: japonais, coréens et, surtout, chinois.
Aujourd’hui, presque seules les entreprises chinoises comptent parmi les plus grands producteurs de panneaux solaires, tandis que des centaines d’entreprises européennes actives dans ce secteur ont fermé ou ont été contraintes de reconvertir leurs activités. Plus de 80% des modules installés dans le monde sont assemblés en Chine.
Mais l’Europe n’a pas dit son dernier mot. Plusieurs initiatives ont été lancées récemment pour donner un nouveau souffle à l’industrie photovoltaïque européenne. Parmi elles, il y a le projet Hiperion, qui vise à mettre sur le marché des modules solaires hyper efficients basés sur la technologie innovante de la start-up suisse Insolight. Ce projet a reçu l’an dernier un financement de 10,6 millions d’euros de la part de la Commission européenne.
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Record mondial
Insolight a été fondée en 2015 par trois anciens étudiants de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) qui, après avoir acquis une première expérience professionnelle dans l’industrie, ont décidé de créer une start-up dans le Parc de l’innovation de cette école à Ecublens (VD) avec l’idée de développer une nouvelle génération de modules photovoltaïques à concentration.
Alors que les panneaux conventionnels reposent uniquement sur une structure de cellules en silicium, dans ces modules à concentration, l’apport lumineux est renforcé par un revêtement de lentilles, qui permet de concentrer les rayons sur des cellules photovoltaïques miniaturisées à haut rendement. Ce système améliore l’efficacité du système énergétique, en augmentant de manière exponentielle la quantité de rayons solaires «capturés» par les cellules et transformés en courant électrique.
«En 2016, nous avons établi un record mondial avec cette technologie, en atteignant un rendement de 36%, soit presque le double de celui des panneaux conventionnels sur le marché, indique David Schuppisser, responsable de la stratégie commerciale d’Insolight. Ce record – homologué par l’Institut Fraunhofer pour les systèmes d’énergie solaire à Fribourg, en Allemagne – a permis le début de l’aventure, c’est-à-dire la mobilisation de fonds et le passage d’un prototype de laboratoire à un prototype avec des modules pouvant être déployés commercialement.»
Micropistage du soleil
Introduits il y a 20 ans, les cellules à haut rendement ont d’abord été utilisés sur les satellites, où il est essentiel de maximiser l’efficience énergétique au mètre carré, étant donné la surface très limitée disponible. Sur Terre, en revanche, on les utilise généralement dans des modules à concentration assez grands, équipés d’une structure mobile de lentilles ou de miroirs, orientée par un moteur vers la lumière du soleil.
L’un des éléments révolutionnaires de la technologie d’Insolight est d’avoir développé un système de micropistage du soleil, dans lequel se sont les cellules qui se déplacent de quelques millimètres au cours de la journée. Ce léger mouvement permet de capturer un maximum de lumière, jusqu’à 60 degrés d’incidence des rayons.
«Notre innovation consiste en la miniaturisation du système photovoltaïque à concentration au moyen d’un module plat et mince qui peut être monté comme n’importe quel autre panneau conventionnel. Les technologies à concentration actuelles sont basées sur le positionnement de l’ensemble du module en direction du soleil et nécessitent donc des installations très volumineuses et très lourdes pour effectuer ce mouvement», souligne David Schuppisser.
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Production agricole et énergétique
Avec le projet Hiperion – qui réunit seize partenaires de différents pays, entre centres de recherche et entreprises – l’objectif est de créer une première ligne de production industrielle de modules Insolight en 2022, avec un rendement de 29%. Ces modules augmentent l’efficacité énergétique d’au moins un tiers par rapport aux panneaux conventionnels sur les toits, mais ils ont des coûts de production sensiblement plus élevés. Cependant, dans un premier temps, la start-up entend se concentrer sur la fourniture de modules pour le secteur agricole.
Insolight a en effet développé une version translucide de ses modules, ce qui permet de produire de l’électricité et, en même temps, d’avoir suffisamment de lumière pour la culture en serre ou dans des structures légères qui remplacent les tunnels de plastique. Dans le cas d’une serre, on recouvre environ 50% du toit orienté au sud. L’installation peut être exploitée de manière à produire de l’électricité, en ne laissant passer que la lumière solaire diffuse, ou à filtrer le maximum de lumière directe.
«Nous sommes les seuls à proposer une telle solution d’agrivoltaïsme, pour lequel il existe un énorme potentiel de développement. Pour atteindre les objectifs climatiques fixés par les pays européens, il faut chaque année de 500 à 750 kilomètres carrés de surface couverte par des panneaux solaires. La question est donc de trouver des zones appropriées, sans sacrifier inutilement des terres qui peuvent être utilisées d’une autre manière. D’où l’idée du double usage des structures agricoles», explique David Schuppisser.
Restauration de l’industrie photovoltaïque
Entre 2013 et 2018, la Commission européenne avait imposé des droits antidumping sur les importations de panneaux solaires chinois, accusant Pékin de subventionner outre mesure ses produits et d’utiliser des pratiques commerciales déloyales, causant ainsi un préjudice à l’industrie photovoltaïque européenne. Il y a deux ans, ces mesures, qui avaient rencontré peu de succès, ont été levées et l’UE se concentre désormais sur les technologies solaires à haut rendement, comme celle développée par Hiperion, pour promouvoir la production de modules photovoltaïques en Europe.
L’invasion de panneaux chinois a entraîné une forte baisse des prix et a contribué à son tour à l’expansion de l’énergie solaire en Europe. Cependant, l’importation de produits assemblés en Chine a un effet négatif sur le bilan environnemental de cette source renouvelable. Elle soulève également la question de la dépendance énergétique des pays européens, qui veulent réduire leur consommation de combustibles fossiles non seulement pour des raisons climatiques, mais aussi pour être moins dépendants des importations.
Une autre entreprise suisse, Meyer Burger, a également l’intention de participer à la restauration de l’industrie photovoltaïque en Europe. Après de nombreuses tentatives de reconversion infructueuses, cette entreprise de Thoune (Berne) a décidé il y a quelques mois de relancer la production de panneaux photovoltaïques dans la «Solar Valley», dans l’est de l’Allemagne. Cette initiative, qui vise à couvrir au moins un tiers de la nouvelle demande européenne de panneaux d’ici cinq ans, a recueilli d’importants soutiens qui étaient impensables il y a quelques années encore pour ce secteur.
Ce projet n’entre pas en concurrence avec celui d’Insolight et David Schuppisser le considère positivement. «Nous sommes satisfaits de ces développements. Cela démontre la volonté de l’Europe de reconstruire son propre savoir-faire dans le domaine du photovoltaïque et de nouvelles chaînes de production, en utilisant les synergies et l’expertise disponibles.»
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Les cinq start-ups suisses appelées à conquérir le monde
(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)
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