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Jean-Marie Bockel: «Paris a une vision à court terme»

Jean-Marie Bockel (UDI, centriste) représente le Haut-Rhin (Alsace) au Sénat français et est membre du conseil d’administration de l’Euro-Aiport (EAP) de Bâle-Mulhouse. En interview à swissinfo.ch, il s’exprime à propos du conflit fiscal autour de l’aéroport et des chances pour une solution.

Jean-Marie Bockel est membre socialiste du Sénat français. AFP


swissinfo.ch: La mobilisation des élus alsaciens a-t-elle des chances de porter ses fruits?

Jean-Marie Bockel: Oui, elle a déjà commencé à en porter. Grâce aux contacts que nous avons aussi bien du côté français que du côté suisse, nous savons que les hauts fonctionnaires français à l’origine de la lettre du 18 juillet ont repris contact avec leurs homologues suisses pour reprendre le fil de la discussion après notre conférence de presse de fin août.

swissinfo.ch: Le gouvernement a-t-il pris cette mesure pour augmenter ses recettes fiscales en période d’austérité?

J.-M. B.: Difficile à dire, car nous n’avons été associés à aucun moment aux grandes lignes de cette négociation. En février, nous avions lu dans la presse que Pierre Moscovici et Eveline Widmer-Schlumpf étaient sortis optimistes de leur entretien. Mais début juillet, avant la fameuse lettre, dans des prises de contact discrètes que j’ai été amené à prendre avec Matignon, j’ai senti qu’il y avait moins d’optimisme. Je pense que nous sommes un peu dans le mal français à certains égards.

swissinfo.ch: Un complexe de supériorité?

J.-M. B.: Quelque chose comme ça. Une vision des choses, selon laquelle, tout ce qui n’est pas l’unicité du territoire de la France, pays qui reste très centralisé, n’est pas normal. On l’a vu il y a deux ans lors du problème du droit du travail, quand nous avions frôlé la catastrophe. Ce n’est que lorsqu’un haut fonctionnaire a décidé de se déplacer qu’il a facilité par la suite l’arbitrage du ministre Xavier Bertrand.

Bien sûr, la chasse aux recettes constitue une autre raison, mais c’est une vision à court terme. Et il y a certainement eu aussi, soyons objectifs, à un moment ou à un autre peut-être, des maladresses du côté suisse. Ou peut-être tout simplement des incompréhensions mutuelles qui nous ont fait passer d’une situation de quasi-accord à un blocage total. Mais en étant objectif, la cause principale se trouve du côté français.

swissinfo.ch: Vous parlez de vision à court terme…

J.-M. B.: Oui, car nous savons que la partie suisse est prête à ce qu’il y ait des reversements significatifs de taxes. En d’autres termes, d’un point de vue fiscal, l’accord donnerait lieu à des recettes plus importantes qu’aujourd’hui, et pérennes. Alors que l’application stricte et les menaces des dernières semaines pourraient peut-être nous permettre d’avoir davantage tout de suite, mais d’en arriver à rien du tout.

swissinfo.ch: Dans votre lettre, vous préconisez une solution de compromis. Pouvez-vous nous en dire plus?

J.-M. B.: Non, car je n’ai pas la compétence d’être dans une négociation qui ne m’appartient pas. Je peux simplement évoquer quelques sujets pour la recherche d’un compromis, comme un mix de propositions de reversement par la Suisse de la recette fiscale qui serait perçue à travers des règles de droit suisse.

swissinfo.ch: Easyjet a annoncé la suspension de ses investissements…

J.-M. B.: Il faut rester calme. EasyJet a fait la même chose lors de la négociation sur le droit du travail. Il faut maintenant disposer des quelques mois nécessaires pour arriver à une solution. Nous avons demandé que le couperet de la fin de la négociation en octobre soit retardé jusqu’à la fin de l’année ou le début de 2015 pour que nous disposions d’un trimestre pour négocier tranquillement.

Nous avons la crédibilité des négociations réussies il y a deux ans. Nous sommes des gens sérieux et capables d’aboutir. Le risque, c’est que toutes les entreprises partent, que certaines compagnies se repositionnent et que, in fine, la partie suisse remette en cause la bi-nationalité de la plateforme. Mais personne n’a envie d’aller jusque-là. En tout cas, pas nos interlocuteurs bâlois, qui sont aussi nos alliés. 

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