Journées cruciales pour l’avenir de Swiss
Les plans en vue de l’absorption de la compagnie nationale par l’Allemande Lufthansa seront soumis lundi soir aux principaux actionnaires de Swiss.
Cette reprise doit obtenir l’aval de ces investisseurs, qui contrôlent 86,1% de la compagnie en difficultés. Et de la Confédération en particulier, son principal actionnaire.
Les événements se sont précipités ce week-end, avec l’annonce par les journaux dominicaux de l’absorption prochaine – très probable à défaut d’être certaine – de la compagnie helvétique par sa concurrente allemande.
«Le modèle d’entreprise envisagé prévoit un regroupement des forces des deux compagnies aériennes avec préservation de l’autonomie de Swiss», indique la deuxième compagnie européenne.
Concrètement, la compagnie allemande s’engagerait à conserver la marque Swiss, à maintenir ses liaisons aériennes et l’aéroport de Zurich en tant que hub. La reprise devrait être bouclée d’ici la fin mars, croit savoir la radio alémanique DRS.
A ce stade toutefois, les chiffres et les axes précis de la reprise ne sont pas connus. La Lufthansa pourrait d’abord prendre une participation minoritaire, et, progressivement, en venir à contrôler la totalité du capital de Swiss.
Petits et grands
Les principaux actionnaires de Swiss en sauront davantage à Zurich lundi. Techniquement, 86,1% de son capital est contrôlé par un pool composé de la Confédération (20,4%), UBS (10,4%), le canton de Zurich (10,2%), Credit Suisse Group (10%), les cantons (12,1%) et quelques autres.
Certains observateurs estiment que ces derniers actionnaires pourraient accepter de se délester de leurs actions pour un prix symbolique. En contre-partie, Lufthansa abandonnerait l’idée d’une recapitalisation préalable de Swiss avant son entrée dans le jeu.
«Si les approbations nécessaires sont obtenues (du conseil de surveillance de Lufthansa, du conseil d’administration et des actionnaires de référence de Swiss), Lufthansa soumettra une offre d’achat aux actionnaires minoritaires (13,9% du capital), qui sera basée le prix moyen de l’action au cours des 30 jours» indique la compagnie. On parle d’un montant total de quelque 65 millions de francs.
A en croire aussi la presse allemande, Lufthansa conditionnerait encore la finalisation de sa prise de contrôle à des économies supplémentaires chez Swiss, notamment chez les pilotes et personnels au sol.
La forme plus que le fond suscite l’ire des syndicats helvétiques. Il est intolérable que les partenaires sociaux soient mis au courant par les médias, s’insurgent-ils en choeur.
Quelque 200 membres du personnel au sol ont du reste manifesté lundi matin devant le siège de Swiss à Bâle. Ils ont exigé un nouveau contrat collectif de travail et la garantie de garder leur emploi pendant trois ans après le rachat de Swiss par Lufthansa.
Sauvegarder l’emploi
«Swiss traite son personnel de manière catastrophique», estime Urs Eicher, président du syndicat du personnel de cabine Kapers.
Il est important désormais de sauvegarder à long terme les emplois en Suisse, aussi bien chez Swiss que chez ses fournisseurs comme SR Technics, Gate Gourmet ou Swissport, lance pour sa part Daniel Vischer, de la section transport aérien au Syndicat suisse des services publics (SSP).
Cela dit, les syndicats relèvent que ce rapprochement peut constituer une chance. «Swiss a besoin d’un partenaire fort», résumée Christian Frauenfelder, du syndicat des ex-pilotes de Swissair, Aeropers.
En cela, ils rejoignent l’avis la plupart des politiciens interrogés sur la question.
Spécialiste de l’aviation, Sepp Moser explique pour sa part à swissinfo que le management de Swiss fait ce qu’il a à faire. Mais seulement après avoir jeté des milliards de francs par les fenêtres ces trois dernières années.
Alors que Swissair se trouvait en état de mort clinique, «on aurait dû laisser jouer le marché, estime le spécialiste. C’est à dire laisser mourir Swissair et continuer avec Crossair. On a assisté à un viol du marché».
La seule stratégie possible
Sepp Moser estime que Crossair aurait survécu. «Elle présenterait un visage assez proche de celui de Finnair ou d’Aer Lingus. Une petite compagnie, mais qui fait de l’argent.»
Mais au vu des circonstances, la reprise de Swiss par Lufthansa «est la seule stratégie possible». Car selon le Suisse, «si rien n’était fait maintenant, la compagnie s’effondrerait probablement rapidement, ou devrait encore réduire sa voilure».
Ce qui n’empêche pas Sepp Moser d’estimer que les actionnaires de Swiss ne toucheront quasiment rien au passage. «Le prix auquel Swiss fait référence n’est pas pertinent. Car il s’applique à un petit pourcentage d’actionnaires. A mon avis, ce prix sera proposé à quelque 5% des actionnaires.»
A la Bourse suisse lundi, l’action du transporteur helvétique a ouvert en hausse, dopé par la confirmation de ces discussions avec Lufthansa. Le titre de la compagnie gagnait plus de 6% dans la matinée.
swissinfo et les agences
Chiffre d’affaires de Lufthansa en 2003: environ 16 milliards d’euros (24,8 milliards de francs)
Chiffre d’affaires de Swiss en 2004: 3,6 milliards de francs
Bénéfice de Lufthansa en 2004: environ 400 millions d’euros (620 millions de francs)
Perte de Swiss en 2004: 140 millions de francs (2003: 687 millions; 2002: 980 millions)
Lufthansa a transporté 45 millions de passagers en 2003
Swiss a transporté 9,2 millions de passager en 2004
Collaborateurs de Lufthansa: 90’000
Collaborateurs de Swiss: 6625
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