«L’Église catholique deviendra tôt ou tard une secte masculine»
Depuis la publication d’un rapport faisant état de plus de 1000 cas d’abus sexuels commis au sein de l’Église catholique au cours des 70 dernières années en Suisse, de nombreux fidèles tournent le dos à l’Église. C’est notamment le cas en Suisse orientale.
Les quatre plus grandes paroisses zurichoises, Zurich, Winterthur, Uster et Dübendorf comptent ensemble 140’000 membres. Au cours des deux dernières semaines, 778 personnes y ont quitté l’Eglise. Un chiffre qui équivaut aux sorties enregistrées généralement en un trimestre.
Les paroisses zurichoises désemparées
Co-directrice de l’église de Greifensee, qui fait partie de la paroisse d’Uster, Hella Sodies se montre désabusée après la révélation mi-septembre d’abus massifs commis au sein de l’Église catholique romaine de Suisse. Avec son équipe, elle veut être présente pour toutes les personnes, dans toute leur diversité.
«Si les gens ne sentent plus que nous sommes de leur côté, alors l’Église catholique deviendra tôt ou tard une secte masculine, relève-t-elle. Il ne restera alors plus que ceux qui se sentent liés au système actuel, au Vatican. Et au sein de la base des fidèles, cela ne représente pratiquement plus personne».
L’aumônier pour la jeunesse Jonathan Gardy, avec lequel Hella Sodies travaille en étroite collaboration, sent lui aussi que les jeunes se distancient de l’Église. L’attitude de l’Église catholique à l’égard des personnes homosexuelles n’est pas comprise.
Au vu du grand nombre de sorties de l’Église, un signal donné par les évêques serait important. Mais Jonathan Gardy n’y croit pas: «Nous n’attendons plus grand-chose de l’évêché. Nous souhaiterions que le thème de la morale sexuelle ne soit plus abordé. Cela sabote notre travail à la base».
Mécontentement à Saint-Gall
À Saint-Gall, 120 personnes ont également décidé de quitter l’Eglise au cours des deux dernières semaines, soit cinq fois plus que d’habitude durant un tel laps de temps. C’est le prix à payer pour les révélations sur les abus sexuels commis au sein l’Église, regrette Armin Bossart, président du Conseil d’administration de l’Église de Saint-Gall. À ses yeux, il est grand temps que l’institution se regarde enfin en face.
Armin Bossart regrette néanmoins ces nombreux départs. Car avec eux, c’est aussi une manne fiscale qui disparaît, et l’Église a ainsi moins d’argent à disposition pour ses engagements sociaux, par exemple pour venir en aide aux personnes en marge de la société.
«En fin de compte, ce signal ne fonctionne pas car il touche les mauvaises personnes. Il y a beaucoup d’aumôniers qui s’engagent énormément, et si les moyens viennent à manquer, leur engagement en pâtit», souligne Armin Bossart.
Désobéissance
À Uster, on voit les choses de la même manière. Le président de la paroisse catholique, Albin Mitsche, fait remarquer que 85% des fonds vont directement aux aumôniers.
La désobéissance aux supérieurs qui refusent de bouger est, selon Albin Mitsche, une voie vers le changement. La fin du célibat des prêtres est également évoquée par le président de la paroisse, tout comme la possibilité d’un mariage, respectivement d’un accompagnement à l’Église pour les personnes de même sexe. «Le diocèse doit montrer qu’il est prêt à entreprendre des changements», avance-t-il.
Hella Sodies, le co-responsable de la paroisse de Greifensee, vit déjà cette désobéissance. Car «seuls les êtres humains libres sont de bons pasteurs», estime-t-elle.
Traduit de l’allemand par Samuel Jaberg
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