L’élixir de longue vie de Swatch Group face à la crise
En 2009, il s’est montré plus résistant à la crise que la moyenne du secteur. Et il entame 2010 en fanfare. Mais qu’est-ce qui rend Swatch Group si fort? Stratégiste et président-fondateur des Semaines du marketing horloger, Kalust Zorik a sa petite idée.
Le groupe conduit par la famille Hayek tient jeudi son grand raout à destination des médias et des analystes à Bienne, centre névralgique d’un empire horloger qui emploie 22’000 personnes.
L’occasion pour Nicolas G Hayek, Nick Hayek et leurs condisciples de revenir sur un exercice 2009 qui a surpris les observateurs puisque Swatch Group a vu son bénéfice net baisser de «seulement» 8,9% et son chiffre d’affaires de 8,1% dans un climat de quasi-panique pour une grande partie de la branche horlogère.
Cette résistance dans la tempête du numéro un mondial du secteur ne doit rien au hasard, juge Kalust Zorik, co-fondateur du tout jeune Institut du marketing horloger de la Haute école ARC. Une école qui réunit plusieurs cantons de la région jurassienne, haut lieu de l’horlogerie suisse et berceau du Swatch Group.
D’abord, «ce sont des industriels. Et qui dit esprit industriel dit attention toute particulière au monde extérieur». Kalust Zorik est élogieux. Hayek et Cie «ont été capables de voir le signal [de la crise], de la transmettre dans l’entreprise et finalement de réagir.» Les mesures ont donc très vite été prises pour absorber le choc qui allait venir.
Toute la gamme
La palette de produits – une vingtaine de marques – est une autre part de l’explication, pour le stratégiste. Swatch Group dispose de produits allant des montres Swatch, une soixantaine de francs, à Breguet, plusieurs centaines de milliers de francs. Il dispose surtout de trois piliers: Longines, OMEGA et Tissot.
«Tissot a un rôle très important dans cette palette, assure Kalust Zorik. C’est la première marque qui ouvre le chemin et la porte du swiss made pour toute l’industrie.»
Comme en ski, elle joue les ouvreurs et aménage une culture horlogère. Les marques de gammes plus élevées – Longines et OMEGA pour rester dans le groupe – entrent ensuite sur les marchés ainsi préparés. «Swatch Group dispose d’une véritable autoroute avec cette configuration.»
Grâce à sa politique de produits (milieu de gamme), de prix et de distribution «très solide», Tissot touche le monde entier et dispose encore d’un très large potentiel de croissance, selon lui. Cette marque «véhicule par excellence le swiss made, la montre suisse, contrairement à Swatch, qui véhicule plutôt des valeurs fashion.»
Longines, OMEGA et Tissot ont d’ailleurs bien résisté à la tempête, observe le spécialiste. OMEGA, par exemple, est restée «tout le temps en mouvement, par rapport à l’extérieur [aux marchés]. Ils ont changé leur système de distribution, leur politique… En mouvement perpétuel, avec une bonne gamme de produits, Swatch Group a souffert un peu moins.»
Troisième explication à cette résistance: l’état d’esprit. «Malgré tout, Swatch Group est un peu moins nombriliste, un peu plus orienté efficacité. (…) Les autres acteurs sont plus liés à l’image du luxe et ses valeurs. Le champagne soûle mais véhicule aussi d’autres valeurs que la stricte horlogerie. Et cela peut griser…»
A l’interne
Le groupe des Hayek fabrique ses produits à l’interne. Un élément crucial de succès, selon Kalust Zorik. «Mieux vous contrôlez vos compétences clé, avec les ressources pour les nourrir, plus vous êtes efficace.»
Au fil des ans, avec le cumul de savoir-faire et d’expériences, d’erreurs de jeunesse aussi, le groupe produit de bons mouvements qui viennent fournir les montres des marques maison. Conséquence: «La marge dans le groupe est meilleure. La marge et l’image.»
Nicolas Hayek a d’ailleurs annoncé à la fin de l’année passée qu’il voulait arrêter de livrer à la concurrence des composants horlogers produits par son groupe. Une révolution annoncée, pour une branche sous forte dépendance, qui n’a pas fini de susciter des remous.
«C’est une décision évidente et je me demande pourquoi il a tant attendu pour la prendre, réagit Kalust Zorik. Les Hayek se sont rendu compte qu’ils enrichissaient un peu trop les gens qui n’ont qu’une compétence de design extérieur.»
«Cette décision doit leur servir à encaisser plus d’argent, soit en vendant leurs mouvements complets plus chers, soit en les utilisant dans leurs produits, avec donc une marge plus élevée.»
Des questions aussi
Un tableau rose vif? Presque. L’évolution de la palette de produits réjouit Kalust Zorik. Mais il constate aussi que l’internationalisation du groupe n’est pas complète. Certaines marques, fortes à un endroit, restent inconnues à d’autres. «La position de Longines aux Etats-Unis est très faible», par exemple.
Le stratégiste a aussi une interrogation et une crainte. Il se demande d’où viendra la montre économique de nouvelle génération. «La Swatch est très seule en tant que suisse, toutes les autres sur ce créneau proviennent d’Extrême-Orient. Mais pour l’industrie suisse et son dynamisme, une montre économique d’avant-garde est nécessaire. Un challenge pour Swatch Group, peut-être?»
Quant à sa crainte, elle n’est pas très éloignée. Elle est celle de voir le trio Longines-OMEGA-Tissot quitter leur position stratégique et faire exploser leurs prix. «Un tel mouvement vers le haut laisserait un vide, que le made in China viendrait combler».
Pierre-François Besson, swissinfo.ch
Le bénéfice net de Swatch Group a baissé de 8,9% à 763 millions de francs en 2009.
Le bénéfice opérationnel a fléchi de 24,9% à 903 millions de francs.
Le chiffre d’affaires a subit un recul de 8,1% à 5,421 milliards de francs.
Montres. Les exportations horlogères suisses ont baisse l’an dernier de 22,3%. Chez Swatch Group et ses 20 marques, la régression se limite à -7,7% (4,42 milliards de francs).
Composants. La production (mouvements, ébauches, etc) a baissé de 17,7% à 1,49 milliard.
Electronique. Le segment des systèmes électroniques enregistre une chute d’un quart de son chiffre d’affaires à 394 millions.
Succès. Avec ces chiffres, Swatch Group a signé une performance supérieure aux attentes des investisseurs.
Le conseil d’administration devrait accueillir en son sein lors de la prochaine assemblée générale du 12 mai l’ancien président de la Banque nationale suisse (BNS) Jean-Pierre Roth.
Fils du président du conseil d’administration Nicolas G Hayek, Nick Hayek devrait lui aussi entrer dans le poste de commande stratégique du groupe.
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