«L’affaire UBS prend un tournant politique»
La mise en examen, mercredi, d’UBS par le parquet de Paris dans une affaire de démarchage illicite de clients français prend une dimension très politique. Pour la presse helvétique, cette attitude «à l'américaine» est aussi une première européenne.
Soupçonné par Paris de blanchiment aggravé de fraude fiscale entre 2004 et 2012, le numéro un bancaire helvétique a été soumis mercredi à une caution de 1,3 milliard de francs (1,1 milliard d’euros) à verser au 30 septembre, un montant sans précédent en Europe.
L’accord à l’amiable semblait tout proche, la banque devait payer quelques millions, et la justice française classer l’affaire dite ‘des carnets du lait’.
«De nouvelles méthodes sur le vieux continent»
Dans cette affaire, les plus hautes instances des deux Etats sont intervenues d’une manière ou d’une autre. Pour la Neue Zürcher ZeitungLien externe, «Paris fait un exemple. La France n’est plus intéressée par un règlement rapide, elle veut le procès. Motif: remplir les caisses vides de l’Etat.»
Même avis dans le Lien externeTages-AnzeigerLien externe et Der Bund: «Si les hypothèses d’UBS sont justes, et que c’est maintenant la politique française qui donne le tempo judiciaire, alors cela ferait sens: transformer UBS en ‘punchingball’ pour faire un exemple, une affaire de communication.»
«Au tour du coq français de donner de la voix», lance le Sankt-Galler TagblattLien externe. Le Temps Lien externe relève, lui, que l’affaire prend une mauvaise tournure. «D’abord, la France importe en Europe des pratiques américaines. L’amende de 8,9 milliards de dollars et la culpabilité de BNP Paribas aux Etats-Unis ont fait l’effet d’un choc à Paris.» Il y a aussi les 2,5 milliards de francs payés par Credit Suisse, également aux Etats-Unis: «Comment expliquer autrement le montant inédit, 1,3 milliard de la caution exigée par le parquet de Paris? Une somme qui donne une idée de l’amende espérée. Et qui signale de nouvelles méthodes sur le Vieux Continent.»
«UBS pète les plombs»
Le BlickLien externe poursuit dans cette ligne, relevant qu’après l’affaire Paribas «le ton de la France a soudain complètement changé. UBS se considère aujourd’hui comme une victime de la politique (…): le montant arbitraire de la caution bat tous les records, alors que le reproche fait à la banque reste obscur et que la charge de la preuve semble mince». Conclusion du quotidien de boulevard: «Les socialistes français ont trouvé une nouvelle source d’argent pour leur Etat faiblard. L’ancienne Grande Nation doit être terriblement fauchée.»
«UBS pète les plombs», titre la Neue Luzerner ZeitungLien externe. «Après le triste affaire de l’ex-grand argentier français budget Jérôme Cahuzac rattrapé par son compte chez UBS, l’actuel ministre des finances Michel Sapin s’est transformé en champion de la lutte contre l’évasion fiscale. Début juillet, il interrompait les pourparlers confidentiels avec l’UBS sur une solution à l’amiable. Aujourd’hui, la banque suisse a de plus en plus l’impression d’être le bouc émissaire de Paris, qui politise le dossier à outrance, UBS qui dit qu’elle ne va pas se laisser faire et passe lentement à la contre-attaque.»
D’autres banques?
La LibertéLien externe s’inquiète de son côté de ce que «d’autres banques suisses pourraient également être inquiétées… et de la part d’autres pays européens», citant l’avocat fiscaliste Philippe Kenel. «La justice française reproche notamment à UBS d’avoir démarché des clients sur son sol: or, toutes les banques suisses l’ont fait jusqu’au début des années 2000. C’était notoire.»
Le TempsLien externe s’inquiète de «la mauvaise publicité suscitée par un procès qui s’annonce long (trois ans), non seulement pour la banque, mais aussi pour la place financière de la Suisse dans ses négociations au sein d’instances clés pour la gouvernance économique mondiale, comme l’OCDE.»
Mais surtout, le quotidien romand s’inquiète de voir que «la condamnation d’UBS fait à présent partie des scénarios possibles. Sa nature pourrait avoir des conséquences systémiques si elle entraînait un retrait de la licence bancaire d’UBS aux Etats-Unis; motif pour lequel la Suisse était venue à son secours en 2009».
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