L’aide suisse à la Corée va se poursuivre
Le nouveau dirigeant nord-coréen est en fonctions depuis 100 jours. Son arrivée au pouvoir n’a pour l’heure rien changé dans le pays. L’aide suisse se poursuit dans le domaine de l’alimentation ainsi que de l’approvisionnement en eau et en énergie.
Le 29 décembre 2011, Kim Jong-un est devenu le «leader suprême» de la Corée du Nord, douze jours après le décès de son père, Kim Jong-il, qui avait désigné le plus jeune de ses trois fils à sa succession une année plus tôt.
Pour l’heure, la passation de pouvoir n’a pas eu d’impact sur la République populaire démocratique de Corée, dite Corée du Nord. «Aucun changement visible n’a été enregistré depuis que Kim Jong-un a pris le pouvoir, explique à swissinfo.ch Simon Mason, chercheur au Centre pour les études sur la sécurité (CSS) de l’Ecole polytechnique fédérale (EPF) de Zurich, qui a réalisé plusieurs études sur la péninsule coréenne.
Trop jeune?
Agé de 27 ans (ou 28, ou 29, selon les versions), Kim Jong-un est le plus jeune chef d’Etat au monde. Pour certains, il est même trop jeune pour cette fonction. «Dans la culture asiatique ou coréenne, il n’est pas en position d’exercer la charge suprême et il n’est pas marié. Il aura besoin de soutien au sein du gouvernement», note de son côté Stefan Burckhardt, directeur du programme d’aide en Corée du Nord auprès d’Agape, une organisation caritative suisse gérant environ 60 projets d’aide au développement dans 15 pays.
Stefan Burckhardt connaît bien le pays pour s’y rendre plusieurs fois par année et y avoir vécu. Il a lui-même fait l’expérience des préjugés culturels envers l’âge. «Si vous n’avez pas de cheveux gris, vous ne pouvez pas dire à une personne plus âgée de faire quelque chose. Vous pouvez émettre des suggestions, mais pas davantage», explique-t-il.
Aide alimentaire
Après la famine du milieu des années 90, Agape a commencé à aider des agriculteurs nord-coréens à améliorer leurs techniques de récolte. Elle en invite en Suisse pour y suivre une formation. «Comme la Suisse, la Corée du Nord est un pays montagneux. Le riz et le maïs ne poussent que dans les vallées», note le directeur d’Agape. En comparaison, la Corée du Sud est topographiquement mieux lotie.
Après la partition de 1945, la Corée du Nord a reçu pendant des décennies une assistance alimentaire des autres pays communistes. Mais la fin de l’ère soviétique au début des années 90 a mis un terme à ces aides, le secteur agricole s’est détérioré et le pays n’a plus pu faire face à ses besoins.
«Le niveau de mécanisation du secteur agraire est celui des années 70», souligne Martin Weiersmüller, responsable de la Corée du Nord à la Direction du développement et de la coopération (DDC), qui a un bureau à Pyongyang depuis 1997. «Outre les facteurs économiques et techniques, les conditions météorologiques ont empiré dès le milieu des années 1990 et la production agricole a drastiquement diminué, ce qui a provoqué la famine qui a tué plus d’un million de personnes.»
«Notre présence en Corée du Nord se justifie par la détresse de la population, dont l’alimentation s’est à peine améliorée depuis 1995», ajoute Martin Weiersmüller. L’alimentation est donc la priorité de la DDC en Corée du Nord. Le programme est doté d’un budget de 5,5 millions de francs en 2012.
En coopération avec le ministère de la protection de l’environnement, la DDC aide les paysans nord-coréens à cultiver des terrains en pente depuis huit ans. Quelque 3500 personnes ont pu cultiver 10 hectares de terre. «Les bienfaits de ce programme à long terme sont aujourd’hui pleinement reconnus, non seulement par la population, mais également par le gouvernement, qui souhaite étendre le programme à tout le pays», explique Martin Weiersmüller.
Une nouvelle énergie
Le domaine énergétique est la deuxième priorité de l’ONG Agape en Corée du Nord. «L’alimentation et l’énergie sont des problèmes liés. Sans énergie, vous ne pouvez pas augmenter la production agricole grâce à la mécanisation et, sans mécanisation, vous avez besoin de très nombreuses personnes pour travailler», détaille Stefan Burckhardt.
Grâce au soutien d’Agape, des villageois ont construit un moulin à vent en 2009. Il génère assez d’énergie pour 10 familles. Un deuxième a suivi, plus puissant. L’enthousiasme a été tel que des ateliers et des concours de dessins de moulins ont été organisés.
Tant la DDC qu’Agape comptent poursuivre leur action en Corée du Nord. «La stratégie suisse est planifiée pour trois ans, de 2012 à 2014 et il n’est pour l’heure pas prévu d’arrêter les activités humanitaires en Corée du Nord», affirme Martin Weiersmüller.
Agape planifie ses activités deux ans à l’avance. «Nous continuerons aussi longtemps que nous le pouvons, dit Stefan Burckhardt, et aussi longtemps que la Corée du Nord est intéressée à travailler en partenariat.»
Quant à Kim Jong-un, Stefan Burckhardt estime que les Nord-Coréens le jugeront sur ses actes. «Ils ne savaient pas grand-chose sur lui avant son arrivée au pouvoir et ils se feront une opinion ces prochains mois.»
La Corée du Nord a annoncé lundi la tenue d’une conférence exceptionnelle de son parti, le 11 avril afin de cimenter la position de son jeune nouveau dirigeant, avant les commémorations du centenaire de la naissance du fondateur du pays et le lancement controversé d’une fusée.
Selon la DDC, la Corée du Nord est capable de produire environ 80% de ses besoins alimentaires. Le reste est fourni par le gouvernement ou par l’aide humanitaire de différents pays. Le Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU supervise la distribution de l’aide humanitaire.
Selon le PAM, 3 millions de personnes n’ont pas assez à manger en Corée du Nord. Les enfants, les femmes enceintes, les femmes allaitant et les personnes âgées sont les plus vulnérables.
La production de lait et de fromage de chèvre en Corée du Nord a été soutenue grâce à l’importation de sperme de chèvres suisses au début des années 2000. Deux millions de chèvres coréennes ont aujourd’hui des gènes helvétiques.
La Suisse a également aidé les paysans coréens à cultiver des pommes de terre.
Berne entretient des relations diplomatiques avec Pyongyang depuis 1974.
La première présence officielle de la Suisse sur la Péninsule coréenne date de 1953. La Suisse a alors rejoint la Commission de supervision des nations neutres (CSNN) en Corée, organe qui surveille la ligne de démarcation entre les deux Corées.
Il s’agissait du premier déploiement de militaires suisses à l’étranger.
Dans le cadre de la CSNN, la Suisse, la Suède, la Pologne et la Tchécoslovaquie ont inspecté des centaines de points sur la frontière entre les deux Corées. A l’origine, 146 officiers suisses travaillaient à cette mission, mais leur nombre a été progressivement réduit pour s’élever à cinq aujourd’hui.
De 1997 à 1999, la Suisse a hébergé les discussions entre les deux Corées, la Chine et les Etats-Unis.
Depuis 2003,
des échanges politiques ont lieu au plus haut niveau une fois par année entre les deux Etats, en alternance à Berne et à Pyongyang.
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