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L’Algérie cherche les pots-de-vin de ses anciens ministres en Suisse

Homme s exprimant face à des micros
Avant de tomber en disgrâce, Chakib Khelil était un homme influent non seulement en Algérie, mais également au niveau international en sa qualité de président de l’OPEP. Keystone / Ouahab Hebbat

L’Algérie a adressé des demandes d’entraide à la Suisse au sujet de deux anciens pontes du régime d’Abdelaziz Bouteflika: l’ex-ministre de l’Industrie Abdeslam Bouchouareb et celui de l’Énergie Chakib Khelil. Accusés de corruption, ils ont tous deux été condamnés dans leur pays. La Confédération répondra dans le premier cas, mais pas dans le second.

C’était un des principaux engagements d’Abdelmadjid Tebboune lors de sa campagne électorale. L’Algérie allait récupérer les biens détournés par les responsables politiques et les hommes d’affaires qui avaient mis le pays sous leur coupe sous l’ère d’Abdelaziz Bouteflika, dont il était lui-même un des proches.

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Cette promesse n’avait pas convaincu. Des milliers de manifestants avaient conspuéLien externe son arrivée au pouvoir, en décembre 2019, dénonçant la «mascarde» d’une élection ou tous les candidats étaient issus du «système» hérité de son embarrassant prédécesseur.

Lors de sa première conférence de presse, Abdelmadjid Tebboune avait promis de séparer «définitivement l’argent de la politique» et de «construire un État purifié de la corruption et des corrompus».

Quatre ans plus tard, le bilan du président Tebboune est mitigé, notamment sur le plan de la liberté d’expression, qui reste sévèrement encadrée. Sa promesse anticorruption, elle, s’est concentrée sur une poignée de responsables et d’hommes d’affaires de l’ancien régime trop exposés pour être sauvés.

C’est le cas d’Abdeslam Bouchouareb et de Chakib Khelil, qui avaient déjà été lâchés par le pouvoir bien avant l’arrivée du nouveau président.

Ancien ministre de l’Industrie, Abdeslam Bouchouareb avait été éclaboussé par les Panama PapersLien externe, en 2016, qui avaient révélé le nom de sa société offshore panaméenne et ses tractations pour ouvrir un compte auprès de la National Bank of Abu Dhabi (NBAD) de Genève alors qu’il était en poste.

Ex-ministre de l’Énergie et président de l’entreprise pétrolière nationale Sonatrach, Chakib Khelil faisait quant à lui l’objet d’accusations de corruption dans son pays depuis 2013.

Un entrepreneur «incontournable»

Il s’avère aujourd’hui que peu après l’arrivée au pouvoir du président Tebboune, en 2020 et en 2021, les autorités algériennes ont adressé des demandes d’entraide à la Suisse visant à saisir les avoirs des deux anciens politiciens.

L’existence de la requête visant Abdeslam Bouchouareb, déposée en juin 2020, ressort d’un arrêt du Tribunal pénal fédéral (TPF) rendu public le 25 octobre 2023. La réception de la seconde demande visant Chakib Khelil, en mai 2021, a été confirmée à Gotham City par l’Office fédéral de la justice (OFJ).

Tribunal pénal fédéral – Arrêt du 27 juillet 2023

Téléchargement :Tribunal pénal fédéral – Arrêt du 27 juillet 2023

Si les deux anciens ministres étaient chacun poursuivi pour des affaires de corruption séparées, ils étaient aussi impliqués dans un dossier commun: celui de l’homme d’affaires Ali Haddad, lui aussi exposé dans les Panama PapersLien externe.

Symbolisant la chute du régime Bouteflika, cet entrepreneur «incontournable» dans le domaine de la construction avait été arrêté en Algérie le 31 mars 2019, soit deux jours avant la démission du président grabataire.

La demande algérienne visant Abdeslam Bouchouareb évoque un projet de construction d’un barrage qui a nécessité l’importation de 90 kilomètres de canaux en acier via la société turque Erciyas Çelik Boru. Cette vente aurait été surfacturée pour payer des commissions de 11,5 millions de dollars au ministre, ainsi qu’à son partenaire Ali Haddad.

Les Panama Papers avaient montré que les sociétés offshore des deux hommes étaient gérées par le même intermédiaire français, G.F*. Ces fonds auraient notamment servi à acheter des biens immobiliers à Paris. Près de 1,7 million de dollars ont été séquestrés à Genève dans le cadre de l’entraide.

Abdeslam Bouchouareb a écopé de 100 ans de prison dans plusieurs affaires en Algérie, ce qui, comme le note Jeune AfriqueLien externe, fait de lui l’ancien cacique le plus lourdement condamné de l’ère Bouteflika. Il est actuellement en fuite et son lieu de résidence est inconnu. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international.

Demande irrecevable

La seconde demande visant Chakib Khelil n’a pas connu le même sort. En effet, l’Office fédéral de la justice a considéré que cette requête était irrecevable et a refusé d’entrer en matière, comme le confirme un porte-parole:

«Cette demande d’entraide judiciaire ne répond malheureusement pas aux exigences de recevabilité du droit suisse ce qui signifie que la demande ne peut être transmise pour l’instant à l’autorité requise pour exécution. C’est pourquoi l’Office fédéral de la justice a transmis une demande de renseignements complémentaires à l’autorité requérante le 7 juin 2021. Depuis, l’Office fédéral de la justice a transmis plusieurs rappels à l’autorité algérienne compétente qui sont malheureusement restés sans réponse.»

Le gouvernement d’Abdelmadjid Tebboune affirme avoir récupéré 4 milliards d’euros de biens mal acquis auprès d’anciens responsables.

Abdeslam Bouchouareb était défendu en Suisse par Benjamin Borsodi et Charles Goumaz chez Schellenberg Wittmer. Contactés, ils n’ont pas souhaité s’exprimer. Condamné en janvier 2023 à 20 ans de prison par contumace pour corruption en Algérie, Chakib Khelil est en fuite et n’a pas pu être contacté pour une prise de position. 

* Nom connu de la rédaction

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