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L’Argentine renâcle sur ses obligations

En Argentine, l’insolvabilité du gouvernement a ruiné des milliers de petits investisseurs et provoqué des manifestations. Keystone

L’Argentine refuse d’honorer les obligations émises avant la crise économique qui l’a frappée. Des milliers d’épargnants sont touchés, jusqu’en Suisse.

Grands et petits investisseurs ont pris des risques et ont perdu. Mais l’offre argentine apparaît particulièrement avare et jette des ombres inquiétantes sur le système financier international.

Un double «road show» est actuellement en cours dans les principales places financières. A Zurich, Londres, Francfort ou Milan, le gouvernement argentin et les représentants des investisseurs défendent des positions radicalement divergentes concernant le remboursement de ce que l’on nomme les «Tango Bonds».

Des centaines de milliers d’investisseurs doivent décider d’ici le 25 février s’ils acceptent l’offre de remboursement de l’Argentine. Celle-ci entend ne rembourser que 35% de la valeur des obligations qu’elle a émises avant la dramatique crise économique qui l’avait frappée en 2001.

Buenos Aires veut se refaire une «virginité»

En d’autres termes, Buenos Aires prévoit donc une diminution moyenne de 65% de la valeur nominale des obligations en circulation. Il s’agit d’une des plus grande baisse jamais décidée par un Etat souverain pour une opération de ce genre.

A cause de cette crise de 2001, l’Argentine avait à l’époque suspendu tous ses payements. Désormais, avec son offre de remboursement, elle entend remettre les compteurs à zéro et se refaire une «virginité» pour pouvoir à nouveau puiser dans les capitaux internationaux.

Et l’Argentine n’entend pas discuter cette décision – à l’ambassade d’Argentine en Suisse c’est le silence – et jette du coup une ombre sur la fiabilité d’un système financier international sur lequel de nombreux pays émergents comptent pour financer leur développement.

Cette décision argentine est évidemment très difficile à avaler pour les investisseurs. Parmi eux, on trouve des milliers de petits épargnants qui recherchaient des rendements intéressants en pariant sur des pays émergents comme l’Argentine.

Aujourd’hui, ces investisseurs ne comprennent pas l’intransigeance de Buenos Aires. En effet, après un écroulement de son produit intérieur brut en 2002 (- 10,9%), l’Argentine a enregistré des taux de croissance de plus de 8% en 2003 et 2004. De plus, les prévisions sont bonnes pour 2005 et 2006.

L’UBS au four et au moulin

La Suisse est particulièrement concernée par cette situation. L’Association suisse des banquiers confirme que la valeur des obligations argentines en circulation en Suisse tourne autour des 10 milliards de francs.

Son porte-parole précise cependant que l’association ne s’occupe pas de conseiller les détenteurs de ces obligations. «Nous nous limitons à donner des informations sur cette question», déclare Thomas Suter. Une tâche appréciée surtout par les petites banques qui ne disposent pas de l’infrastructure des grands instituts financiers.

L’UBS, qui fait partie des poids lourds du secteur, a en revanche un rôle plus actif. Conjointement à la Barclays Bank et à la Merryll Lynch, le principal institut bancaire suisse assiste en effet le gouvernement argentin dans cette affaire.

L’UBS est en fait engagée sur deux fronts: sa «Division investissements» représente les autorités argentines tandis que sa «Division gestion de fortune» conseille les clients détenteurs d’obligations argentines.

«Cette situation n’est nullement exceptionnelle, affirme Serge Steiner, porte-parole de l’UBS. Nos deux divisions travaillent séparément et les conseils données au clients se basent sur des expertises extérieures.»

L’UBS conseille à ses clients de ne pas se laisser mettre sous pression par le gouvernement argentin. «Il ne s’agit pas d’une bonne offre», précise Oussama Himani, responsable de la section gestion de fortune pour les pays émergents.

«De plus, il reste encore de nombreux aspects juridiques à éclaircir sur les possibles conséquences pour les investisseurs qui entendent refuser l’offre argentine», poursuit-il.

500’000 investisseurs réunis



Constitué il y a un an, le Global Committee of Argentina Bondholders (GCAB) s’active également pour la défense des investisseurs. Très actif en Italie, il prétend représenter pas moins de 500’000 investisseurs privés et plus de 100 institutions, banques et comités pour un total de 40 milliards de dollars, ce qui équivaut aux 46% des obligations émises par l’Argentine à l’étranger.

Dans le cadre de son «road show», le co-fondateur du GCAB Nicola Stock vient de visiter les places financières de Lugano, Genève et Zurich. «L’offre de l’Argentine ne garantit même pas aux épargnants l’assurance d’obtenir un jour la somme proposée.»

«Il est de plus faux de dire que celui qui n’accepte pas cette offre se retrouvera avec des obligations sans valeur dans les mains, poursuit-il. En effet, les possesseurs continueront de disposer d’un titre de crédit ayant une valeur juridique.»

Le GCAB exige que les obligations soient remboursée à au moins 55% de leur valeur, soit pas loin du double de l’offre de l’Argentine. «Buenos Aires est en mesure de payer une telle somme, compte tenu de ses résultats économiques», plaide Nicola Stock.

Le GCAB veut que le gouvernement argentin débute une négociation avec les principaux groupes de créditeurs. Le Fonds monétaire international avait la même exigence, mais sa requête est jusqu’à présent restée lettre morte.

swissinfo, Mariano Masserini
(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)

Buenos Aires doit une somme de 104 milliards de dollars en «Tango Bounds» et en intérêts
Plus de 10% des obligations argentines se trouvent en mains suisses
Les autres pays les plus concernés sont l’Italie, les Etats-Unis, l’Allemagne et le Japon
Le GCAB regroupe plus de 500’000 créditeurs détenant 46% des obligations argentines

– Les centaines de milliers de petits investisseurs et d’instituts de crédit ont acquis des obligations argentines à la fin des années 90.

– Mis à genoux par une terrible crise économique en 2001, l’Argentine a suspendu les payements l’année suivante.

– Pour retourner sur le marché des capitaux, Buenos Aires veut régler cette dette, mais à des conditions très défavorables (35% de la valeur).

– Les investisseurs sont confrontés à un dilemme: soit ils retrouvent un tiers de leur mise de départ soit ils risquent de tout perdre.

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