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L’horlogerie ne mord pas la poussière à Baselworld

BASELWORLD

Janvier et février catastrophiques pour l'horlogerie suisse: la branche craignait d'émerger de Baselworld encore plus déprimée. Elle devrait au minimum s'éviter le blues, au vu des propos recueillis mardi sur place.

Si les montres donnent toutes la même heure à Bâle, les horlogers font à peu de choses près de même. Mais sans les chiffres. Prudence donc, car la réalité est toujours plus belle en rose.

Reste que les mines défaites, on ne les rencontre pas souvent dans les travées du premier salon horloger mondial. Costars à la page, stands (dont quarante nouveaux) toujours aussi luxueux plantés dans la moquette, l’horlogerie parie toujours sur son image. Dans les halles principales surtout, où la fine fleur helvétique en impose toujours autant.

Dans les vitrines, les produits tendent à rivaliser par la taille, et par un certain goût pour le foncé et l’obscur. Pas mal de classicisme aussi, comme si la machine industrielle avait anticipé la crise, encore un peu récente pour avoir chamboulé complètement les collections.

Tag Heuer est une marque sportive fortement implantée aux Etats-Unis. Comme la majorité de ses homologues, elle attendait un salon très difficile. PR manager, Mariam Sylla signale une activité et une présence plutôt importante des clients – réels ou potentiels.

«2008 était une année incroyable, presque indécente. Cette année, les ventes atteignent le niveau de 2007», grosse année, elle aussi. Officiellement donc, «aucune nervosité» à signaler pour la marque chaux-de-fonnière propriété du groupe français LVMH.

Un état d’esprit d’autant plus positif que le (petit pour la marque) marché français, comme l’Italie et l’Allemagne, semble faire la fête à une réédition de la montre Monaco qui devrait rassurer Bernard Arnault, le grand patron du groupe.

Leonardo Di Caprio

Aux Etats-Unis, les investissements en marketing et l’engagement de Leonardo Di Caprio permettent à TAG Heuer, de «doucement remonter la pente». A quelques dizaines de mètres, une maison plus petite que son nom, Ulysse Nardin vient d’annoncer du chômage partiel. Mais tout son personnel est au fourneau, personne pour nous répondre.

Plus loin, chez Breitling, la stratégie face à la crise consiste à «communiquer à travers nos produits», indique Valérie Burgat, porte-parole. Profile bas donc, un peu à l’image de Rolex.

Swatch Group, qui occupe un gigantesque stand digne de sa toute puissance, a déjà fait savoir dans la presse que mars sera meilleur que le début d’année. Nick Hayek estime en effet que les détaillants ont recommencé à commander. Le patron du numéro un mondial de l’horlogerie voit donc une reprise, que les prochains mois devront confirmer.

Icône de la grande horlogerie suisse, Patek Philippe s’attend à une baisse de chiffre d’affaires en 2009, mais son patron a indiqué à l’ATS que la situation n’est «pas dramatique».

Magasins étouffés

Installé dans une halle plus modeste, Rolando Braga croit savoir pourquoi les grands noms de l’horlogerie souffrent plus que lui à Baselworld. «Ils ont fait pression sur la distribution, ils ont étouffé les magasins», qui se sont retrouvés avec des monceaux de stocks à écouler.

CEO de la petite maison Armand Nicolet, à Tramelan, il explique que ses détaillants n’avaient pas de stocks de ses montres à lui. Après six mois difficiles, ils sont encore en mal de liquidités, mais achètent parce qu’ils ont besoin de ses «produits de niche». Des pièces largement basées sur d’anciens mouvements hérités de la reprise de l’entreprise dans les années nonante et mis au goût du jour.

«J’ai presque honte de le dire, mais pour nous, Baselworld est meilleur cette année qu’en 2008», lance Rolando Braga. Un événement d’autant plus important que s’il ne représente que 15 à 20% du total des ventes directes de l’année, «95% de nos clients découlent des éditions précédentes.»

Comme 2006-2007

Dubey et Schaldenbrand est une autre de ces petites maisons qui font la richesse du terreau industriel de l’Arc jurassien. Spécialisée dans les montres de forme tonneau, elle n’est pas un poids lourd.

Sa patronne prend des pincettes pour indiquer que si elle n’attendait pas un grand salon, elle est «étonnée de l’intérêt, des nouveaux clients potentiels. Je vois du mouvement, beaucoup de demandes. Mais le niveau des commandes est nettement inférieur à l’an dernier.»

En moyenne toutefois, cette édition de Baselworld «atteint des niveaux meilleurs que prévus, les niveaux atteints sont ceux de 2006-2007», assure Corine Fiechter, de l’agence de communication Darwel, après sa propre enquête qui sera diffusée par la presse au terme du salon.

CEO de Victorinox Swiss Army, Alexander Bennouna fait apparemment partie des relatifs heureux. Partie intégrante du groupe (une fondation) fabricant le fameux couteau suisse débarqué dans l’horlogerie en 1989, il dirige une marque en croissance. «De 20 à 30% depuis 5 ans. (…) Et nous ferons face à un ralentissement de croissance, pas à un recul en 2009.»

Délégations plus petites

Cette édition du salon sera aussi bonne que celle de l’an dernier, estime Alexander Bennouna. «La fréquentation est similaire même si les délégations (distribution) sont souvent plus réduites.»

Les armes du groupe schwyzois face à la crise, outre ses montres technologiques/sportives, sont sa distribution quasi-mondiale. Il a su avant la crise sortir de sa dépendance du marché américain, qui a représenté jusqu’à 90% des ventes.

Une chance, même si «depuis quelques semaines, le marché aux Etats-Unis se reprend. (…) Le Sud-est asiatique et le Japon restent très fortement touchés» toutefois.

Pour passer la crise avec l’ensemble de ses 250 employés (sur 1700 pour le groupe et 500 millions de francs de chiffre d’affaires annoncés), Victorinox Swiss Army compte aussi sur les valeurs qui ont fait la force de son couteau: Fonctionnalité, fiabilité, innovation. Vous avez dit Suisse?

swissinfo, Pierre-François Besson à Bâle

Salon. Centré sur l’horlogerie, la bijouterie et les branches annexes mondiales, Baselworld se tient jusqu’au 2 avril à Bâle, dans le Nord de la Suisse.

Histoire. Il découle de la «Foire suisse d’échantillons Bâle» ou MUBA, où un secteur horlogerie/bijouterie a été créé en 1917.

No1. Ce salon commercial, le plus grand organisé en Suisse et le plus vaste salon horloger de la planète, réunit 1952 exposants de 45 pays (2087 en 2008).

Horlogers
. Les 359 fabricants d’horlogerie occupent presque deux-tiers des 160’000 m2 de halles d’exposition.

Suisses. 95% de la production horlogère suisse y est représentée.

Europe
. Deux tiers des exposants sont européens, et un quart asiatiques.

Record. Plus de 106’000 visiteurs de cent pays et presque 3000 journalistes ont suivi l’édition 2008.

2010
. La prochaine édition est prévue entre le 18 et le 25 mars 2010.

Reculs. Troisième industrie d’exportation de la Suisse, l’horlogerie a enregistré de forts reculs en janvier et février, après les 17 milliards de francs de 2008.

Chutes. Aux Etats-Unis, son deuxième marché, et au Japon (5e), la chute des exportations s’est élevée à 47,5% et 13,3%.

Exception. L’Europe et l’Asie ont enregistré des reculs de moins de 10%. Seule l’Italie, troisième marché de l’horlogerie suisse, est restée dans le noir en février.

Licenciements. L’horlogerie suisse employait presque 50’000 collaborateurs avant le début de la crise. Mais un bon millier d’emplois au moins (estimation) en auraient déjà fait les frais.

Exemples
. Des marques comme Roger Dubuis, Ebel, Girard-Perregaux ou Zenith ont déjà réduit leurs équipes.

Freiner. Tablant sur l’aspect conjoncturel de cette crise, la branche cherche à encaisser le choc en évitant les licenciements. Elle utilise notamment les mesures de chômage partiel, dont la Confédération a étendu la durée récemment.

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