La Banque nationale frappe fort contre la récession
Pour lutter contre la dégradation conjoncturelle, la Banque nationale suisse (BNS) a frappé vite et fort en réduisant pour la 4e fois en deux mois son taux directeur de 50 points à 0,5%. Mais elle prévoit que la récession durera toute l'année 2009.
1929-2009: quatre-vingts ans après la grande dépression, nombre d’observateurs relèvent des similitudes avec l’actuelle dégringolade financière mondiale. Alors que la Banque centrale européenne maintient l’incertitude sur sa politique monétaire, la BNS a frappé vite et fort jeudi.
L’institut suisse d’émission a abaissé de 50 points de base son taux directeur (Libor) à trois mois, dont la marge de fluctuation passe ainsi à 0% – 1,0%. Avec cette quatrième intervention depuis le 8 octobre, la BNS a réduit son taux de référence de 2,25% au total. Soit le plus bas niveau depuis 2000.
La crise financière actuelle est, selon les mots de Thomas Jordan, membre de la direction, «unique d’un point de vue historique». Plus directe qu’une politique fiscale qui n’agit que lentement, la politique monétaire doit «mettre l’économie suisse le plus possible à l’abri», a déclaré Jean-Pierre Roth, président de la direction générale.
«Nous voulons permettre à l’économie de se financer à des conditions qui ne soient pas détériorées», a poursuivi le président, jeudi à Zurich face aux médias.
Il a rappelé que le Libor à trois mois avait été maintenu à un niveau constant à 2,75% pendant un an jusqu’en septembre dernier. Avec l’augmentation des primes de risques, il est aujourd’hui aux alentours de 1% (1,13% mercredi).
Récession pour 2009
La BNS prévoit désormais une récession sur toute l’année 2009 et non sur les premiers mois comme elle l’estimait précédemment. L’institut table sur une croissance négative du produit intérieur brut (PIB) réel de la Suisse comprise entre -0,5% et -1%.
La banque centrale réduit aussi nettement sa prévision d’inflation pour 2009, à 0,9%, contre 1,9% en septembre. Elle pourrait même passer à 0,5% en 2010. Cela dans la perspective d’un Libor à trois mois maintenu constant à 0,5%.
Cette révision radicale est motivée par les perspectives conjoncturelles défavorables et la baisse du prix du pétrole. La recrudescence du chômage, qui devrait augmenter d’un point de pourcentage à 3,5%-3,7% d’ici une année (contre 2,7% en novembre) modère les prix et les salaires.
C’est cette baisse «inattendue» des perspectives de renchérissement qui a donné à la BNS la marge de manœuvre pour abaisser la marge de fluctuation du Libor.
«Revers positif de la médaille», les prix des biens alimentaires, des matières premières et du pétrole se sont effondrés, ce qui va soutenir les revenus réels et la consommation, a poursuivi Jean-Pierre Roth.
Stabiliser le franc
La correction de l’inflation en 2009 devrait aussi contribuer à une hausse des revenus réels, selon Jean-Pierre Roth. Autre conséquence: la consommation pourrait rester soutenue.
Thomas Jordan a ajouté que la BNS n’avait pas brûlé toutes ses cartouches. Un taux à zéro n’est donc pas à exclure.
La banque va se concentrer désormais à empêcher une augmentation du franc suisse, qui a repris du poil de la bête cette année, et ce afin d’empêcher des dégâts supplémentaires pour l’industrie suisse d’exportation.
De son côté, le vice-président de la BNS, Philippe Hildebrand, a fustigé les banquiers casse-cou dont la stratégie a débouché sur la crise économique.
Réactions positives
La décision de la BNS a été largement saluée. «Elle a agi rapidement, avec détermination et de manière préventive», a déclaré David Marmet, économiste à la Banque cantonale de Zurich (BCZ).
De son côté, Alessandro Bee (Banque Sarasin), a indiqué à swissinfo que la BNS allait devoir se tourner désormais vers un «plan B». «En termes de politique monétaire traditionnelle, elle sera bientôt à court de munitions. Elle va donc se tourner vers des instruments qui le sont moins.»
Les taux repo, que la banque centrale applique dans ses opérations de gestion de liquidités et qui lui permettent de piloter indirectement le Libor à trois mois, sont en effet déjà très bas, dit-il.
L’Union syndicale suisse (USS) en profite pour demander aux banques de baisser davantage et plus rapidement leurs taux hypothécaires.
swissinfo et les agences
BNS: -0,5 à -1%
Economiesuisse: 0%
BAK Basel Economics: 0,7%
KOF Business Institute: 0,3%
Credit Suisse: 1%
UBS: 0,2%
Pertes. La BNS n’exclut pas de nouvelles pertes dans les deux grandes banques suisses, UBS et Credit Suisse.
Suivi. En collaboration avec la Commission fédérale des banques (CFB) et le Département fédéral des finances (DFF) la BNS suivra attentivement leur évolution.
Perte. A propos du plan de sauvetage d’UBS, la BNS ne peut encore établir l’ampleur d’une éventuelle perte de la société où sont hébergés les 60 milliards de dollars d’actifs illiquides d’UBS. Elle a expliqué qu’il faudra «attendre la reprise intégrale des actifs et une nouvelle évaluation globale à la fin de 2008 et à la fin de mars 2009».
Triptyque. La stratégie de politique monétaire de la BNS se fonde sur trois éléments: une définition de la stabilité des prix, une prévision d’inflation à moyen terme qui sert de base aux décisions de politique monétaire de la BNS et, sur le plan opérationnel, une marge de fluctuation assignée au Libor pour dépôts à trois mois en francs.
Priorité. Il incombe ainsi à la BNS de résoudre, au mieux de l’intérêt général, d’éventuels conflits entre l’objectif de stabilité des prix et la prise en compte de l’évolution de la conjoncture, la stabilité des prix restant prioritaire.
Libor. La BNS met en œuvre sa politique monétaire en influant sur le niveau des taux d’intérêt du marché monétaire en francs. Pour ce faire, elle pilote le Libor à trois mois.
Intentions. Tous les trimestres, soit en mars, juin, septembre et décembre, la BNS décrit, dans les appréciations de la situation économique et monétaire, l’environnement économique et monétaire ainsi que ses intentions pour le prochain trimestre.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.