La Covid-19 s’invite au programme du Conseil suisse de la science
Un pays bien armé sur le plan scientifique l’est forcément aussi mieux contre une pandémie. Le Conseil suisse de la science (CSS) s’engage à en tirer les enseignements et à en faire profiter les autorités.
«Nous n’avons rien à voir avec la task force Covid du Conseil fédéral», a dit d’emblée la nouvelle présidente du CSSLien externe Sabine Süsstrunk ce jeudi 14 janvier. Elle s’exprimait lors d’un point de presse en ligne pour présenter le nouveau programme de l’institution jusqu’en 2023. Depuis le milieu des années 1960, le CSS est le principal organe chargé de conseiller le gouvernement dans les domaines de la formation, de la recherche et de l’innovation. Il se compose de 15 scientifiques, nommés pour 4 ans.
Sa mission est donc bien différente de celle de la task force Covid, dont la septantaine de membres ont été nommés au début de la pandémie, pour conseiller les autorités dans leur politique sanitaire au jour le jour. «D’une part, nous sommes bien plus petits. Et de l’autre, nous travaillons sur l’avenir, sur le long terme. Cette pandémie nous permet de nous préparer pour la prochaine crise, de faire des recommandations pour développer les compétences scientifiques qui serviront à l’avenir», a précisé Sabine Süsstrunk.
Science, économie, société, médias… et conflits
Des recommandations… mais seront-elles entendues? On le sait, les membres de la task force Covid souhaitent souvent que les autorités aillent plus loin en matière de mesures sanitaires. Le CSS ressent-il des frustrations similaires? Sa nouvelle présidente (elle est entrée en fonctions le 1er janvier) n’a pas encore pu en faire l’expérience, mais elle juge «correct» que tout ce que les experts préconisent ne soit pas systématiquement pris en compte. «Nous avons le regard scientifique, mais il y a aussi le regard économique, le regard sociétal, et les politiques doivent tenir compte de tous ces facteurs pour décider».
Dans un entretien à la Neue Zürcher Zeitung paru le matin même du point de presse, Sabine Süsstrunk a par ailleurs estimé que la crise du coronavirus a montré la piètre maîtrise de la communication de certains de ses pairs. «Nous, les scientifiques, communiquons souvent entre nous, et ces débats sont absolument nécessaires. Mais notre erreur a été de tenir ces débats en public. Les citoyens sont habitués à ce que le gouvernement parle d’une seule voix, et la task force Covid aurait dû faire de même», a dit la présidente de la CSS au quotidien zurichois.
Sabine Süsstrunk a également pointé la responsabilité des médias, trop prompts à sauter sur toute annonce, hypothèse ou étude disponible, même si celle-ci n’a pas encore été révisée par les pairs. «Nous devons réaliser que nous ne pouvons pas avoir la même discussion avec un journaliste qu’avec un collègue. Tous les scientifiques devraient suivre une formation aux médias, pour prendre conscience de ce que leurs déclarations peuvent déclencher».
Europe: le «super risque»
Mais il n’y a pas que la Covid. Une des autres priorités du CSS pour les années à venir, c’est la place de la science, de la recherche et de l’innovation suisses sur la scène internationale. À cet égard, les programmes de l’UE, comme «Horizon Europe», ont pour Sabine Süsstrunk, «une énorme influence». Ici, la participation de la Suisse n’est pas du ressort des scientifiques, mais des politiques. On se souvient qu’en 2014, après l’acceptation par le peuple de l’initiative de l’UDC contre l’immigration dite «de masse», Bruxelles avait brièvement exclu la Suisse de ces programmes.
Même si elle n’est pas inquiète à court terme, la présidente de la CSS ne nie pas que notre relation avec l’UE, pas vraiment au beau fixe ces derniers temps, porte en elle le germe d’un «super risque». Car l’excellence de la place scientifique suisse doit énormément à son caractère international. Si par exemple les étudiants et les professeurs européens ne venaient plus, à quoi devraient ressembler notre coopération avec l’Asie et les États-Unis? «Ce sont des questions importantes que nous devons nous poser d’urgence», avertit Sabine Süsstrunk. Et le CSS, qui «observe les développements actuels avec préoccupation» ne manquera pas de se les poser.
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