La créativité est de mise pour la recherche sur les microplastiques en Antarctique
En théorie, l'échantillonnage de l'eau de mer pour détecter la contamination par les microplastiques est relativement simple: on filtre une grande quantité d'eau et on analyse les particules retenues par le filtre. Mais dans un environnement aussi sauvage que l'océan Austral, cela s'est avéré plus compliqué que prévu.
L’an dernier, des chercheurs de nos laboratoires de Bâle ont montré que les microplastiques étaient présents dans les eaux de l’Antarctique, mais que les concentrations étaient faibles: en moyenne, un fragment de microplastique a été trouvé dans 25’000 litres d’eau. Cependant, plus de la moitié des fragments échantillonnés semblaient être des éclats de peinture provenant du navire de recherche Polarstern sur lequel l’équipe voyageait.
Pour collecter les échantillons, les chercheurs avaient utilisé des filets manta, qui ressemblent à une raie manta vue d’en haut et sont remorqués à la surface de l’eau, ainsi que des filtres installés sur la pompe à eau de mer du navire. Les éclats de peinture ont été trouvés dans les deux types d’échantillons, ce qui indique que le navire perdait continuellement de la peinture.
Lors de notre expédition, nous avons entrepris de filtrer davantage d’eau de mer, mais en utilisant une méthode différente pour éviter le problème des particules de peinture répandues par le Polarstern. Pour cela, nous avons collaboré avec d’autres chercheurs à bord qui ont prélevé des échantillons d’eau via le «moon pool», un «trou» au milieu du navire qui ressemble à un puits et qui permet d’accéder à l’eau de mer sous la quille à une profondeur de onze mètres. Là, l’équipage du navire a installé un tuba pour prélever des échantillons d’eau qui n’a pas été en contact avec le navire et qui n’est donc pas susceptible d’avoir été contaminée par des particules de peinture.
La nouvelle méthode était prometteuse. Mais il a été un peu difficile de trouver les bons adaptateurs pour adapter la pompe de notre collègue à nos tuyaux – oui, parfois, la science marine consiste à trouver les bons adaptateurs de tuyaux.
Cette méthode de collecte d’échantillons d’eau ne peut être utilisée que lorsqu’il n’y a pas de glace de mer, sinon le tuba pourrait être endommagé. A cette heure tardive de l’été antarctique, et avec les retards dus aux tempêtes, nous avions toutefois beaucoup de glace de mer sur notre route. Après trois sessions d’échantillonnage, nous avons dû démonter à nouveau notre engin et prélever les échantillons d’eau dans la réserve d’eau de mer du navire, comme nous l’avions fait les années précédentes.
Comme les conditions à bord ne sont pas adaptées à l’analyse de ces échantillons – le risque de contamination est trop élevé – nous ne saurons pas avant notre retour sur terre à quoi ressemblent nos échantillons et si nous pourrons les comparer aux études réalisées précédemment.
Nos recherches portent également sur les micro-organismes qui colonisent le plastique flottant dans l’eau de mer. Ils forment des communautés microbiennes qui adhèrent à la surface, appelées biofilms. Bien que les biofilms se forment sur toute surface immergée, il est particulièrement intéressant d’étudier ce phénomène sur le plastique flottant, car en pleine mer, de nombreux organismes microbiens évitent de s’agréger dans l’eau – ils couleraient plus vite autrement.
Le plastique, en revanche, offre un radeau durable sur lequel ces communautés microbiennes peuvent se former et se développer. En haute mer, où les «radeaux» sont rares, il s’agit d’un nouvel environnement rare et unique pour les microbes. La plupart des études portant sur ces communautés microbiennes ont été menées le long des côtes; ce qui se passe en haute mer reste mal compris.
Nous cherchons à savoir quelles bactéries sont présentes dans ces communautés et comment elles s’assemblent au fil du temps. Pour simuler la flottaison des plastiques à la surface de l’eau, nous utilisons des aquariums dans le laboratoire à bord du Polarstern, dans lesquels nous pouvons insérer des cadres et fixer des échantillons de plastique.
Nous ajoutons continuellement de l’eau de mer dans les aquariums et prélevons trois échantillons sur une période de deux semaines. Dans une étape ultérieure, nous examinons les bactéries en isolant leur ADN. Cela nous permettra, nous l’espérons, d’apprendre comment ces communautés microbiennes se développent, si elles diffèrent selon les régions géographiques de l’océan Austral, et si elles ressemblent à celles d’autres océans, comme l’Atlantique.
Ci-dessous, les épisodes précédents du blog polaire réalisé par Gabriel et Kevin:
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Notes de terrain de l’Antarctique
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