La crise de la dette a joué la star à Washington
De nombreux pays n'ont pas encore pris conscience de la gravité de la crise de la dette. Des mesures doivent être prises rapidement, a souligné la ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf lors de l'assemblée annuelle du FMI et de la Banque mondiale.
S’exprimant samedi après ces assemblées, la conseillère fédérale a salué le plan d’action de la nouvelle directrice générale du Fonds monétaire international Christine Lagarde, qui indique comment le FMI peut venir en aide aux Etats membres en difficulté. Le plan prévoit aussi un renforcement de la supervision de l’économie et du secteur financier et une meilleure protection du système financier.
La consolidation fiscale est nécessaire, a souligné Christine Lagarde à l’ouverture des assemblées annuelles jeudi dernier. Mais, a-t-elle indiqué, une consolidation rapide dans certains pays risque d’avoir un impact sur la croissance économique mondiale.
Pour sa part, la ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf, chef de la délégation suisse, a appelé les pays avancés les plus endettés à une «consolidation fiscale crédible ». Le franc reste fort et a même récemment connu un rebond soudain par rapport à l’euro, alors qu’il y a trois semaines, la Banque nationale suisse (BNS) avait fixé un taux plancher de 1,20 franc pour un euro. Une décision jugée «coûteuse mais indispensable » par le président de la BNS Philipp Hildebrand.
Une confiance affichée
Dans son discours devant le Comité monétaire et financier international (CMFI), Eveline Widmer-Schlumpf a souligné la nécessité de recapitaliser les banques en difficulté. Victime d’une fraude causée par un trader a Londres, UBS a perdu 2,3 milliards de dollars (2,1 milliards de francs), et annoncé samedi la démission de son directeur général, Oswald Grübel.
L’impitoyable redresseur des banques suisses s’en va sans avoir réussi à atteindre les objectifs qu’il s’était fixé pour UBS. Présent au point de presse, Philipp Hildebrand a souligné qu’Oswald Grübel méritait le respect pour la façon dont il a dirigé UBS. Le président de la BNS a reconnu devant les journalistes que le franc suisse reste surévalué et que la situation économique actuelle est un problème «majeur et global auquel il faudra remédier rapidement.
Eveline Widmer-Schlumpf a affiché sa confiance face au conflit fiscal qui oppose la Suisse aux Etats-Unis. Il est important que la situation se calme, a-t-elle affirmé. «il est toujours possible de trouver une solution, mais il va falloir davantage de temps pour clarifier les choses» a-t-elle estimé. La ministre des Finances a par ailleurs noté que Washington n’a donné aucun ultimatum pour la transmission des données des clients soupçonnés d’avoir fraudé le fisc américain.
Un sommet en novembre à Cannes
Toujours en marge de ces assemblées annuelles du FMI et de la Banque Mondiale, les ministres des finances et les responsables des banques centrales des pays riches et émergents se sont réunis d’urgence, et ont promis «d’apporter une réponse solide et commune» à la crise.
Le communiqué du G20 publié a l’issu d’un dîner de travail avait pour but de rassurer l’opinion publique face aux turbulences des marchés boursiers et d’une énième journée noire, sapée par la crise de la dette dans la zone euro.
Les banques centrales ont affirmé pour leur part, qu’elles continueront à soutenir la reprise. Quant aux pays émergents, ils se sont dits prêts à envisager, si nécessaire, d’apporter leur soutien à travers le FMI ou d’autres institutions financières.
Quant au ministre français de l’Economie, François Baroin, qui assure la présidence du G20 cette année, il a annoncé la mise en place d’un plan d’action collectif et ambitieux qui sera discuté lors du prochain sommet de Cannes les 3 et 4 novembre. Chaque pays aura un rôle à jouer, pour soutenir la croissance et mettre en place des plans de consolidation fiscale et budgétaire crédible, a précisé François Baroin.
Le FMI table aujourd’hui sur un taux de croissance de 4% pour 2011 et 2012, avec 1,6% pour les pays riches et 6% pour les pays émergents, lesquels ont su bénéficier de leur dividende démographique.
Les Etats-Unis et la zone euro
De nouveau, le FMI a exhorté les Etats-Unis à agir rapidement afin de réduire leur dette, pour éviter une récession. Le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, a répondu samedi que les Etats-Unis sont «engagés dans des réformes » et exigent que d’autres pays fassent de même, notamment l’Europe et la Chine.
M. Geithner a en outre dénoncé les divergences entre l’Europe, les Etats-Unis et les pays émergents sur les réponses à adopter. Les Etats-Unis plaident pour des politiques de relance alors que les Européens veulent réduire les déficits. Pour leur part, les autorités helvétiques sont résolues à suivre la situation de près et à prendre des mesures si nécessaire.
Philipp Hildebrand a précisé que ses collègues européens sont conscients du sérieux de la situation et sont prêts à prendre des mesures sévères. La Suisse compte par ailleurs défendre son taux plancher fixe.
Pour une croissance plus équitable
Johann Schneider-Ammann, le ministre de l’Economie , a souligné que la relance économique doit aller de pair avec «une plus grande inclusion». A ce propos, le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, a mentionné qu’il serait sage que la Chine commence à se pencher sur la structure d’un modèle de croissance différent et s’éloigne de la croissance tirée des exportations. Cela, selon M. Zoellick, créera un meilleur cadre pour équilibrer à la fois l’économie chinoise et l’économie mondiale.
«Aucun pays n’a réussi à accomplir les objectifs du Millénaire – on repart à zéro », a noté Robert Zoellick. Une crise économique dans les pays développés peut facilement conduire à une crise dévastatrice dans les pays fragiles. Il est important, a précisé le président de la BM, que les Etats-Unis, le Japon et l’Europe agissent vite pour résoudre leurs problèmes économiques avant qu’ils ne deviennent des problèmes pour le reste du monde.
DSK. Christine Lagarde est plus claire que son prédécesseur Dominique Strauss-Kahn et a beaucoup apporté aux discussions, a indiqué Eveline Widmer-Schlumpf samedi devant les médias à Washington.
Plusieurs thèmes ont été abordés durant l’assemblée, comme la répartition des tâches entre le FMI et les banques centrales, le contrôle des transferts de capitaux ou encore l’avenir des droits de tirage spéciaux en tant qu’avoir de réserve.
La réforme des quotes-parts au sein du FMI a aussi été un sujet de discussion, a ajouté Eveline Widmer-Schlumpf. La Suisse a attiré l’attention sur le fait qu’il faut lors d’une nouvelle répartition prendre en compte le rôle joué par le secteur financier d’un pays et sa contribution à la stabilité du système.
Russie. Avec le ministre russe Alexeï Koudrine, Eveline Widmer-Schlumpf a signé une convention de double imposition (CDI) révisée. Des éléments en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune figurent dans cet accord révisé. Un mémorandum d’entente a été signé pour le dialogue entre la Suisse et la Russie sur les questions financières.
Italie. Eveline Widmer-Schlumpf a également eu un entretien avec le ministre des finances italien Giulio Tremonti. La rencontre a permis d’avancer sur le litige fiscal qui oppose les deux pays.
Source: ats
Le groupe de vote de la Suisse au FMI est surnommé Helvétistan. Outre la Suisse, il rassemble la Pologne, la Serbie, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Kirghizistan, le Turkménistan, l’Azerbaïdjan et, dernier venu, le Kazakhstan.
Au total, ce groupe dispose d’une quote-part de 2,8% du capital du FMI qui assure à la Suisse un siège au conseil d’administration de l’organisation. Par comparaison, les Etats-Unis ont une quote-part de 17,5%, ce qui leur confère un droit veto de facto au sein de l’institution.
(avec les agences)
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